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Ighram : Tighilt Makhlouf, un village en détresse

Situé à une hauteur qui donne une vue panoramique sur la vallée de la Soummam, le village Tighilt Makhlouf appelle franchement à une suave randonnée tant le relief est exquis à l’œil et le calme allèche le citadin non initié aux charmes des montagnes.

Cependant, tant de beauté cache des réalités difficiles à vivre. Sur des sentiers qui montent indéfiniment, un groupe d’écoliers serpente à travers champs pour arriver à l’heure au CEM du village Taslent. « C’est notre pain quotidien ! Crache un collégien. Le transport scolaire est réservé uniquement aux filles, mais pas les garçons. Et c’est comme ça à longueur d’année, été comme hiver. »

Au village, le vent tourbillonne comme une femme en transe. « Par beau temps, ça va, mais il y a des jours où les coupures d’électricité surviennent au moindre coup de vent », soupire un membre de l’Association Le « phénix ». Ce groupe de jeunes a soif de travail, de voyages, d’apprendre et de comprendre. « Ces rêves modestes sont malheureusement inaccessibles. Nos moyens sont tout justes mitigés ! Figurez-vous qu’on a ni l’Internet, ni le téléphone au village. Aucune structure sportive ne garnit notre monde, pas même un maigre stade de proximité comme partout ailleurs. ».

Pour sortir de l’isolement, il leur fallait rallier la ville d’Akbou ou la localité d’Ighram, respectivement pour 60 ou 40 dinars la navette par fourgons. A Tighilt Makhlouf, la patience est une béquille chevillée au corps dans toute perspective à entreprendre. Longtemps, les villageois ont vécu de l’agriculture et d’autres mondanités à portée de main. Ces dernières années, l’exode a envahi la région comme une houle qui a charrié sur son passage plusieurs familles, parties chercher pitance ailleurs. Le chômage y sévit durement et les investissements ne sont plus à l’ordre du jour.

« L’eau potable du robinet nous est servie une fois par semaine ! », clame une femme rencontrée sur le chemin de la fontaine. Une fois la cruche remplie, elle ajoute : « En plus, ils nous livrent l’eau pendant deux heures uniquement ».

Le village aux 78 chouhada traverse des heures noires. Les ruelles manquent d’éclairage public. Le centre de soins situé au cœur de la cité n’est que l’ombre de lui-même, il est en arrêt de travail depuis plusieurs années et aucune prise en charge adéquate n’est venue remédier aux souffrances des malades, contraints à des déplacements lointains, usants et onéreux pour trouver un agent consciencieux du serment d’Hippocrate. Une bibliothèque, une pharmacie, une Maison de jeunes sont autant de luxures inaccessibles. Seules une école primaire et une agence postale subsistent comme édifices étatiques qui montrent de temps à autre que ce village appartient à un pays souverain. Du reste, l’arbitraire a chassé des cohortes de villageois vers des contrées plus clémentes. Transis par l’inactivité un groupe de jeunes s’est réuni dernièrement pour remettre sur pied l’association locale « Le phénix » sur de bonnes rails et aller quêter des droits citoyens, pour le développement et l’épanouissement tant il est vrai que Tighilt Makhlouf vit à des années lumières de la modernité.

T. D.

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