Un poète peut-il mourir ? Forcément, non. Ceux qui se sont attaqués au rebelle l’ont bien compris.
Matoub n’est toujours pas mort. Il continue d’être présent dans les esprits et les cœurs de millions de Kabyles. Lounès est toujours vivant. Son combat pour la démocratie et la reconnaissance de l’identité de tout un peuple se poursuit toujours.
Des millions de Kabyles pour qui feu Matoub est un symbole sont prêts à relever le défit et à faire aboutir coûte que coûte les ideaux véhiculés par l’illustre artiste que seule la Kabylie a su enfanter.
Cette Kabylie, qui n’arrive toujours pas à digérer et à se faire à l’idée que Lounès est tombé sous les dizaines de balles barbares et assassines, quelque part dans sa région natale à Beni Douala. Tala Bounane, lieu où le macabre assassinat eut lieu est devenu depuis lors, un lieu de pèlerinage pour des millions de fans. Cette date fatidique du 25 juin 1998 est restée gravée dans la mémoire collective de millions de Kabyles. Douze ans après, Matoub continue de vivre à travers chaque Kabyle. Il est présent partout et son idéal est toujours d’actualité et défendu par toute une société. Le projet aboutira, la Kabylie retrouvera sa splendeur et Lounès pourra alors se reposer tranquillement là où il est maintenant. Un repos bien mérité lui, qui a voué sa jeunesse et toute sa vie à la cause berbère.
Lounès, l’ami des pauvres
Dans sa vie, sa courte vie, je dirai, Lounès est estimé de tous et spécialement de la frange la plus démunie : “Tarwa el hif», disait-il dans une de ses chansons. Matoub qui était modeste et généreux n’hésitait jamais à aider, à donner et à soutenir les gens dans la difficulté. Les pauvres et les simples citoyens ne sont jamais déçus lorsqu’ils font appel à son assistance. En véritable défenseur “des damnés de la terre de Kabylie», Lounès n’a jamais baissé les bras et ne savait pas dire non. Il faut reconnaître aussi que les Kabyles le lui rendent bien. Douze ans après, les gens continuent de parler de lui, de l’écouter et de l’aimer. N’est-ce pas là une gifle à ceux qui ont osé s’attaquer au rebelle ?
N’est-ce pas là une réponse à ceux qui voulaient faire taire le chant de ce rossignol du Djurdjura ? N’est-ce pas là un échec cuisant à ceux qui voulant faire barrage, au combat pour la reconnaissance de l’identité réelle, de l’Algérie ? Ceux qui ont parié sur sa liquidation physique, se sont lamentablement trompés, car cela n’a fait qu’encourager le peuple à aller de l’avant. La suite indéniablement, une preuve que le combat continue et continuera jusqu’à son aboutissement.
Peu importe le prix et peu importes les sacrifices.
Les pauvres, les orphelins et les malades ont assurément perdu une épaule, un ami et un soutien sur lequel ils pouvaient compter à tout moment.
Que n’a-t-il pas chanté ?
Dans son riche répertoire, Matoub à tout chanté il a traité tous les sujets. De la politique, de l’amour, de l’émigration, de la misère, de la JSK, en somme il n’a rien oublié.
En politique, c’est une véritable chandelle qui a éclairé toute la Kabylie. Il a montré le chemin “Yerza assalu” à plusieurs millions de citoyens. Même pendant les années sombres de l’Algérie indépendante, où la dictature et la répression s’abattaient sur tous ceux qui osaient critiquer le pouvoir en place, lui qualifiait les ténors d’alors de véritables carnassiers. Sans peur aucune, Matoub racontait dans ces chefs d’œuvres récitals les dérives et les égarements des politiciens.
Boumediènes, Ben Bella, Chadli et les autres sont torpillés haut et bas par l’artiste. En 1980, étant lui même acteur du mouvement et partie prenante, il n’a ménagé aucun effort pour briser le jong dictatorial. Yehzen el Oued Aïssi est justement une chanson, qui relate combien les Kabyles sont déterminés à arracher leurs droits et qui montre aussi l’acharnement et l’aveugle répression qui s’est abattue sur ces jeunes étudiants qui ne voulaient et qui ne demandait que de jouir de leurs droits, de la démocratie et de la liberté.
L’amour et la misère
Matoub en véritable maître a su submerger ses fans par la composition de chansons immortelles traitant de l’amour et ses splendeurs Rwah Rwah, une œuvre à donner la chair de poule au plus réservés.
Avec des paroles bien choisies, des notes que en son genre, Lounès réussissait à bercer les cœurs et à envoyer les esprits au septième ciel.
Ces fans ! L’aime aussi pour cela. Un maestro qui maîtrisait tous les genres et tous les styles.
En parlant de misère et du marasme, Matoub chantait tout haut ce que tous pensaient en silence, dénonçant la rareté et la cherté des produits de consommation. Dénonçant les malversations et la corruption, qui gangrenaient la société algérienne. Matoub avait tout dit. Il ne pouvait pas et ne savait pas se taire.
Connaissant l’importance de la JSK et le rôle que joue l’arène du stade du 1er-Novembre, tellement s’était une tribune d’expression et de revendication, Matoub s’est fait ami du club phare de la Kabylie. En l’honneur et pour l’amour de la JSK, Lounès a composé plusieurs chansons faisant l’éloge des Canaris. Ikhes nagh la JSK en est une parfaite illustration.
1987, un gendarme tire sur Matoub
Vu son activisme et sa participation intense au mouvement pour la reconnaissance de Tamazight, Matoub a payé de son sang pour ses idéaux.
En 1987, du côté de Michelet, alors qu’il s’apprêtait à distribuer des tracts et à sensibiliser les citoyens autour de la cause amazighe. Un vilain gendarme n’a pas trouvé mieux que de tirer à bout portant sur le militant de la cause amazighe.
Gravement blessé Matoub s’en sort. Après de longs mois de convalescence où il a eu à subir plusieurs interventions chirurgicales, Matoub renoue avec le combat Ma dharsas ignegen, Agli Oumoutegh ara, (Si ce sont les balles qui tuent moi je ne suis pas mort), une chanson qui’il a composée dans son lit d’hôpital. Loin de se décourager, Matoub est revenu sur la scène artistique et politique pour poursuivre son combat et sa lutte avec plus de rigueur et d’enthousiasme.
Comme cela ne suffisait pas, les hordes terroristes du GIA n’ont pas épargné Lounès, puisqu’il a été enlevé du côté de Takhoukht et a été séquestré pendant des jours. La mobilisation des citoyens a fini par libérer l’idole des Kabyles sain et sauf. Matoub a dû alors s’exiler en France où il a poursuivi son combat en homme digne et convaincu de la justice de sa cause.
Demain, plusieurs festivités pour la commémoration de son assassinat
La Kabylie toute entière, vivra un moment une journée commémorative. Des festivités et des gerbes de fleurs seront déposées sur les centaines de stelles dédiées à Feu Lounès à travers toute les régions de la Kabylie.
Des conférences, des galas, des tournois et d’autres activités encore sont prévues pour honorer la mémoire du chanteur. Beni Douala sera la destination de plusieurs milliers de fans qui viendront de Bgayet, Bouira, Boumerdès, Alger et ceux de la capitale du Djurdjura, Tala Bounane et Taourirt seront des lieux de pèlerinage. L’enfant des Ath Douala sera dans tous les esprits et sera sur toutes les bouches. De son coin, la haut, au ciel Matoub observera bien rassuré ses frères qui ne l’ont pas oublié et qui ne l’oublieront jamais. Comme quoi un poète ne meurt jamais. Bonos l’ami !
Hocine Taïb