Quel sens ont les vacances chez nous ? Au delà de la petite bourgeoisie, pour paraphraser Lénine, la majorité de nos concitoyens n’ont guère cette notion dans leur calendrier annuel. Les vacances chez nous, plutôt les congés, sont souvent synonyme de travaux supplémentaires. On prend les congés pour en finir avec un chantier “interminable», les travaux de finition à domicile, on programme souvent les congés et les travaux à accomplir avec des milliers de fonctionnaires ne sont plus partis en vacances depuis belle lurette.
Ça n’existe pas dans leurs prévisions. Dans un contexte purement kabyle, on prend les congés pour lancer ou relancer les travaux de construction. On entend souvent parler de “j’attend mes congés pour réaliser le mur de soutènement, finir les travaux de crépissage…”. C’est dire que le repos se conjugue souvent avec effort et travail. C’est comme si la notion de “repos total” est endiguée de notre culture collective. Mais pourquoi les gens ne partent pas alors en vacances ? Nombreux sont ceux qui évoqueront la contrainte du budget. Un simple fonctionnaire ne peut pas se permettre d’engager des dépenses supplémentaires pour se payer un repos au coût faramineux. Dans un contexte économique pénible marqué par l’érosion du pouvoir d’achat, les ménages ne se permettent plus des vacances ; un luxe. Déambuler entre les cafés maures du village, s’offrir un démodulateur numérique, zapper à longueur de journée et surfer sur des airs de monotonie et au meilleur des cas se donner à fond dans des travaux, voilà à quoi peut ressembler les vacances d’un enfant du bled. La donne économique défavorable empêche donc de grands pans de la société d’envisager ou bien même de penser à s’offrir un petit séjour touristique. Le temps est à l’épargne. Même les enseignements qui ont reçu, pour la plupart, le “pactole” des arriérés de salaires n’ont pas mis l’option de partir en vacances sur leurs tablettes. Le temps est l’achat de véhicules, les crédits logement… Les jeunes de nos villages ne sont bien évidemment pas bien nantis en la matière. On cotise toujours pour se permettre une journée dans l’une de nos plages Tizi Ouzeenne. Une fois à Tigzirt, Azeffoun ou Boumerdès, nos jeunes sont facilement remarquables. Ils donnent l’impression d’en profiter à fond car pour eux, le retour à la plage n’est guère assuré de sitôt. Pour ce faire, il faudra encore une fois mettre quelques sous de côté se priver d’une tasse de café réduire sa consommation en cigarettes ou en chique, tradition bien kabyle. La misère fait de ces milliers de jeunes des victimes. Les jeunes de nos pauvres villages, de Aïn Zaouia à Agouni Gueghrane, de Timzart à Draâ El Mizan sont frustrés. Il ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas bénéficier des même largesse de la belle vie qu’ils regardent en haut. Pourquoi ils nagent dans des lacs de misère à défaut des belles côtes d’ici ou d’ailleurs? Comment peut-on dans ce sillage, faire comprendre à un jeune écolier montagnard, contraint à se convertir en vendeur de cigarettes en été de la justesse de la vie ? Lui, qui, voit la vie bouger au mieux loin devant car autour de lui c’est la misère sous ses multiples facettes, lui, regarde la “petite bourgeoisie” vivre et profiter du luxe que leur offre leur “rang social”. Peut-on voir dans cette logique un retour de la lutte des classes ? En attendant les bus de floqués du slogan “tadhamoune” ( solidarité ) qui leur seront octroyés pour une petite journée pour contempler la beauté de la Méditerranée, rêver d’autres jours meilleurs sous le signe d’un départ qui se fait toujours attendre, les jeunes de nos villages montagnards se suffisent du minimum. Apprécier les prouesses footballistiqus d’un Mondial africain, encore une déception pour ces jeunes rêveurs, la Squadra Azzura est éliminée…
Omar Zeghni
