Mercredi, 16 heures. Le mercure peine à se soustraire des environs de 40 degrés. Et il ne semble pas prêt à baisser d’un cran, du moins dans l’immédiat. Mais peut être, là-haut, à plus de 1400 mètres d’altitude, le soleil serait moins accablant. Nous y serons dans une petite heure. En attendant, nous transpirons à l’intérieur de notre “quatre roues”.
Aucun mouvement d’air à Bouira, la… cuvette. Même s’ils étanchent notre soif, l’impressionnant Talesdit et le non moins important barrage Koudiat Acerdoune, humectent un peu plus l’air que nous respirons. Du coup, Bouira la cuvette devient aussi Bouira l’étouffoir. Alors, vivement Tikjda!
Bouchon, avant l’entame de la RN 33. Mais, au point où, nous en étions, un bouchon en plus n’a quasiment aucun effet sur notre ‘’tension’’ déjà autant dilatée que le mercure. Il arrive même que l’on oublie la » tension « . C’est un peu comme dans la chanson d’Ait Menguellet où il dit : “Tikwal mara izegged ughlif, lehlak icuba hellu (des fois quand le mal monte d’un cran, la maladie a les allures de la guérison)”.
Nous réglons notre poste radio sur la fréquence 103,9 MH. Radio Bouira colle à l’événement de la semaine. La journaliste revient, avec “un micro trottoir», sur la deuxième journée du festival de Tikjda. « Nous sommes venus pour nous détendre et, agréable surprise, nous y avons trouvé un festival », dit une femme au micro de la journaliste de Radio-Bouira. Et s’en suivront au micro, d’autres appréciations allant plus ou moins dans le même sens. Pour ce dernier jour du festival, sont prévus Lyès Qsentini et Mohamed Allaoua. Zut, et le match alors !? La rencontre opposant l’Espagne à l’Allemagne pose problème en terme de timing. Il n’est donc pas évident que Tikjda enregistre une affluence importante.
Nous ralentissons devant le premier barrage de sécurité mis en place près du pénitencier de Bouira et de la nouvelle sûreté urbaine. « La chose et son contraire », philosophe notre compagnon à propos des deux institutions.
Deuxième ralentissement, avant dos-d’âne et barrage de la gendarmerie dressé au niveau de la bifurcation qui mène à Taghzout. 16h30mn. Nous arrivons à Haizer. Là pas besoin de barrage pour décélérer : la municipalité excelle dans l’art de construire des… « dos-d’âne ». Mais, en fait, il n’y a pas que la localité de Haizer qui affectionne ses ralentisseurs. Le « dos-d’âne » est devenu un réflexe culturel à l’échelle de la wilaya, voire du pays.
Quelques kilomètres, quelques hameaux et « quelques dos-d’âne » plus loin, nous décélérons, encore une fois. Cette fois-ci, le barrage de la gendarmerie est dressé au niveau de la jonction de la RN 33 et CW2.
Nous ne sommes plus qu’à une dizaine de kilomètre de la station climatique. Et ce n’est pas pour autant que la brise fraîche est au rendez-vous. D’habitude, à cette altitude, et quelles qu’étaient les états d’âmes du mercure à Bouira la cuvette, il faisait toujours frais. Notre “quatre roues” peine à grimper les derniers kilomètres. Il peine encore plus à grimper, lorsque nous mettons la clim en marche. Notre compagnon, mécano malgré lui, nous expliquera que cela est normal et qu’il vaut mieux fermer la clim. De toutes façons, nous ne l’avions pas mise en fonction.
Dernier barrage, à près d’un kilomètre du site. Les dernier cents mètres du bitume n’enregistrent pas vraiment une affluence automobile. Notre compagnon, toujours lui, craint un flop. 17 heures passées. Nous sommes sur le site. La chaleur aussi. Quelques familles nous ont devancé. Mais ce n’est pas ce que nous escomptions, vu l’importance des têtes d’affiche. Le match et la chaleur sans doute ! Le directeur de la culture, lui est optimiste : « Allaoua va ameuter le public. Vous verrez ! ».
Et puis, petit à petit, l’espace réservé aux familles se remplit jusqu’à déborder sur un petit monticule. Par contre, le terrain combiné réservé aux jeunes n’est que timidement occupé. Mais, il faut dire qu’il est exposé au soleil. En fait, en attendant le coup d’envoi, le public se rafraîchit à l’ombre qu’offre la somptueuse flore.
Tête bien protégé sous son chapeau de paille, le sombrero algérien, arrive Remili Med, le P/APW D’autres élus dont madame Saoudi, la députée sont déjà là. Aux environs de 18 heures, montent sur scène les animateurs. Alternant le kabyle et l’arabe, ils briefent le public, de plus en plus important, sur le programme de la dernière journée du festival de Tikjda. Et ils invitent Lyès Qsentini à monter sur scène. Avant d’ouvrir le bal avec « Ana n’hebbek ya Sarah », l’artiste salue le public : « C’est la première fois que je viens à Tikjda. Je suis heureux de me trouver parmi les kabyles ».
Jouant aisément avec sa voix, Lyès surfe entre le Malouf moderne et le Gnawa.
L’artiste reprendra au grand bonheur des nostalgique, « hel gilla », un tube de Chikh el Afrit. Les youyous fusent de l’espace familial. Omar Reghal avait raison d’être optimiste. Il ne s’agit pas d’une illusion d’optique : des familles dansent à Tikjda !
Ceci était impensable, il y’a quelques années. Et rien que pour cette joie retrouvée, le festival de Tikjda est une réussite à ne pas lâcher. Pour clore son passage en Kabylie, Lyes dédira, une belle chanson, un beau texte, à l’Algérie.
Les deux animateurs remonteront sur scène pour appeler le P/APW, Mlle Hadj Aissa, la directrice du secteur de la jeunesse et des sports et la députée, madame Saoudi. Ces élu(e)s remettront un présent symbolique à Lyès El Qsentini. Et arrive le tour de Mohamed Allaoua. C’est une véritable tameghra grandeur nature. L’artiste et le public ne font qu’un. Tout le monde chante, tout le monde danse. Nous surprenons l’homme au chapeau de paille battre la cadence avec son pied. Là haut, sur le monticule, yekker ughebbar sur fond de youyous. Idem du côté du terrain combiné. Le rythme est maintenu jusqu’à la dernière note du dernier tube interprété par Allaoua. Ce même rythme de joie de vivre sera-t-il maintenu par les institutions de l’Etat dont essentiellement le ministère de la Culture ?
Salas O. A.
