Nouvelle réglementation des marchés / S’adapter à la nouvelle étape de l’économie

Partager

Le Conseil des ministres de dimanche dernier a adopté entre autres points majeurs soumis à l’ordre du jour, le projet de décret portant nouvelle réglementation des marchés publics. L’ancien codes marchés remonte à juillet 2002. Il a été amendé et complétée par un décret en septembre 2003 et a fait, en octobre 2008, d’une révision partielle consacrée par le décret 08-338 du 26 octobre 2008.

Il était bien temps que la législation inhérente à la passation des marchés publics s’adapte aux nouveaux rythmes de l’économie algérienne et réponde aux exigences d’ouverture de l’appareil économique aussi bien dans la partie ‘’travaux’’ que des les chapitres relatifs aux fournitures et aux études.

La célérité que réclame la nouvelle étape de développement su pays est justement la distinction qu’il y a lieu de faire entre ces trois catégories. Le nouveau décret présidentiel leurs prévoit trois commissions distinctes pour l’évaluation des soumissions, alors que jusqu’ici une seule commission national des marchés s’occupe de l’évaluation des offres relatives aux travaux, aux fournitures et aux études.

Depuis le lancement des grands projets d’infrastructures et équipements publics inscrits dans le cadre des plan d’investissements quinquennaux, tous les intervenants dans la chaîne de passation des marchés publics- à savoir l’administration maître de l’ouvrage, les partenaires du maître de l’ouvrage (soumissionnaires pour travaux, fournitures ou études), les bureaux d’études chargés du suivi,…- n’ont pas manqué de se plaindre d’une législation dépassée par les événements et qui leur cause moult tracasseries aussi bien dans la manière d’évaluer les offres, et de sécuriser les contrats établis que dans la manière d’éviter les soupçons de subjectivité et surtout de corruption qui pèsent généralement sur ce genre de procédures.

Depuis que certains scandales relatifs à la réalisation de certaines infrastructures publiques et à d’autres marchés de fournitures ont été portés sur la place publique, les gestionnaires maîtres de l’ouvrage montrent une circonspection quelque peu tatillonne qui obère la marche générale de la procédure. Il y a même des cas d’infructuosité ‘’préfabriquée’’ qui ont prévalu lorsque des enjeux fort délicats entourent une opération contractuelle.

En tout cas, l’ampleur des projets d’infrastructure lancés par le gouvernement- le nouveau plan de développement 2010-2014 draine une enveloppe financière de presque 300 milliards de dollars- a révélé au grand jour les limites de la législation algérienne en matière de réglementation des marchés publics. Le nombre de contrats proposés à l’approbation des commissions de wilaya des marchés ou, le cas échéant, à la commission nationale des marché sous tutelle des ministère des Finances, n’a jamais atteint les seuils qui sont aujourd’hui les siens. Ce sont tous les secteurs de la vie économique nationale qui ont été appelés à déposer sur les bureaux desdites commissions des centaines de cahiers de charges et de contrats de travaux ou fournitures. Tous les programmes initiés par le pouvoirs publics (PSSR, PCSC, Hauts Plateaux, Sud, PSD,…) ont généré des procédures de contractualisation assez lourdes et éreintantes pour les agents et cadres appelés à les traiter et en arbitrer les processus.

La complexité de la tâche s’accentua lorsque certains maîtres de l’ouvrage eurent à concilier entre la législation algérienne des marchés publics et une législation extérieure induite à la faveur d’un prêt. Il en est ainsi des prêts de la Banque mondiale (BIRD) que la bailleur fait accompagner de certaines conditions légèrement différentes de la réglementation algérienne. À un certain moment, il s’est en est suivi une forme de ‘’cafouillage’’ au niveau des commissions de wilaya des marchés qui ont requis des arbitrages de haut niveau.

Quelle force de frappe pour l’entreprise algérienne ?

Sur un autre plan, les gestionnaires de l’économie nationale se sont rendus à l’évidence d’un phénomène qui, pourtant, était largement prévisible dès le départ. En ouvrant le marché algérien des travaux, études et fournitures aux entreprises étrangères, les sociétés et entreprises algériennes-qu’elles soient publiques et privées- n’avaient pas assez de capacités pour affronter la compétition qui allait en découler. Ce fut ainsi qu’un grand nombre d’entre elles ont été réduites à quémander des morceaux de sous-traitance auprès des entreprises étrangères titulaires des marchés.

Cette aberration vient d’être corrigée partiellement par la clause de la nouvelle réglementation adoptée dimanche dernier par le Conseil des ministres. Il s’agit, dans le cadre de la commande publique matérialisée par des appels d’offres internationaux, d’une clause portant critère de ‘’préférence nationale’’ à hauteur de 25 % pour les entreprises algériennes. L’aberration est corrigée seulement en partie du fait que les mesures ‘’protectionnistes’’ de ce genre peuvent sauver l’entreprise algérienne pendant quelque temps mais pour longtemps. En effet, la meilleure manière de promouvoir l’entreprise algérienne-publique ou privée-, c’est de l’exposer intelligemment au vent de la compétition, une complétion loyale s’entend. Pour cela, seule une mise à niveau sérieuse- sur le plan des nouvelles technologies, du management et des ressources humaines- peut lui faire acquérir cette force de frappe tant attendue.

Une chose était certaine : les entreprises algériennes n’avaient pas des disponibilités financières et en ressources humaine qui leur auraient permis de prendre de grandes parts de marché dans ces investissements publics.

Cependant, pour faire accéder nos entreprises à une forme de qualification qui les rendrait aptes à jouer dans la cour des grands, peu d’efforts ont été déployés dans le sens d’un encouragement de la part des pouvoirs publics et de la facilitation de l’accès au foncier et aux crédits bancaires. L’idée de la préférence nationale a commencé depuis les trois dernières années à faire son chemin au sein de la haute administration. Vœu qui vient de se concrétiser dans le nouvel amendement du code des marchés publics.

 » Les entreprises algériennes méritent davantage d’implication dans les projets de développement économique « , soutenait l’année dernière le président de l’Union générale des entrepreneurs algériens (UGEA), Abdelmadjid Dennouni, en ajoutant que  » l’entreprise algérienne est parfaitement capable de relever les défis du programme quinquennal 2010-2014 pour peu qu’elle puisse évoluer dans un environnement purement concurrentiel « .

En 2010, beaucoup de choses ont changé. Le climat général de l’acte d’investissement tend à mieux être accompagné par les pouvoirs publics même si de grandes difficultés persistent. Ainsi les trois redoutables ‘’F’’ -Financement, foncier et fisc- montrent toujours une certaine rigidité que dénoncent beaucoup d’entrepreneurs et autres capitaines d’industrie.

Face à la conjoncture mondiale qui a poussé les économies des pays industrialisés à revoir leur stratégie de financement quitte à faire entorse à certaines règles du sacro-saint principe de l’économie de marché la situation des entreprises algériennes, qu’elles soient publiques ou privées, n’est pas de tout confort. Déjà fragilisées par les facilités d’entrées des marchandises d’importation depuis l’entrée en vigueur de l’accord d’association avec l’Union européenne en septembre 2005, certaines des filières de l’économie nationale se retrouvent devant une impasse du fait que le marché leur est complètement défavorable. Avec, en outre, l’ouverture de la zone arabe de libre-échange, les entrepreneurs algériens ont le sentiment qu’une ‘’conjuration’’ poursuit quelque part le potentiel productif algérien.

Mieux évaluer les offres

Avec la loi de finances complémentaire de l’année 2009 et la nouvelle loi de finances 2010, une tendance au recentrage de la politique économique du gouvernement a été constatée en faveur des capacités nationales. Ces dernières sont appelées à être réhabilitées et promues pour une mise à niveau qui leur donnera le rang d’exercer dans un climat de concurrence. Outre la clause de la préférence nationale, l’amendement de la réglementation des marchés publics adopté dimanche dernier fait valoir l’obligation de recourir à l’avis d’appel d’offre exclusivement national lorsque le potentiel national de production ou de prestation de service est en mesure de satisfaire à la demande du service contractant public (maître de l’ouvrage ou client).

Même dans le cas-limite d’un appel d’offre international, le nouveau texte prévoit à ce que l’entreprise étrangère attributaire de marché s’engage à conclure un partenariat d’investissement avec une entreprise algérienne. Un éventuel non respect d’un pareil engagement est frappé d’une sanction.

L’amendement porte également sur une connaissance plus détaillée du soumissionnaire et de sa santé financière et ce par  » l’instauration d’une circulation efficiente des données concernant la situation du soumissionnaire envers l’administration des impôts et de la législation du travail « . Concernant les manœuvres et intentions de corruption, il est prévu la signature par le soumissionnaire d’une déclaration de probité et l’introduction d’une clause contre la corruption qui se matérialisera par des sanctions pénales. De même, la nouvelle législation prévoit l’exclusion de la participation aux marchés publics de tout opérateur ayant violé la législation et la réglementation protégeant les derniers publics. D’autres clauses relatives à la gestion de la dépense publique sont aussi introduites dans la nouvelle réglementation des marchés publics à l’exemple des conditions de contractualisation par simple bon de commande ou par procédure de gré à gré lorsqu’une nécessité absolue en commande l’exécution pour  » permettre aux ordonnateurs de faire face, en toute transparence, à toute situation urgente « ).

Amar Naït Messaoud

Partager