Le corail et la matière première flambent / Le bijou kabyle menacé de disparition ?

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Comme il est de tradition, le bijou des Ath Yenni est à l’honneur pour sa quatrième édition et ce, dans un espace temporel qui ira jusqu’au 24 du mois en cours. Organisé conjointement par le collectif des artisans bijoutiers des Ath Yenni et l’APC, cette manifestation culturelle qui draine chaque année, les amoureux du bijou au corail se tient au CEM Larbi Mezani dans le chef-lieu communal. A côté de l’aspect purement artisanal, et la beauté du bijou qui a réussi de par sa conception, à se faire une place de choix dans la joaillerie nationale ; il est un élément non négligeable qu’il faudra afin de préserver cette tradition qui a fait la notoriété de toute une région. En effet, comme tiennent à le préciser, la majorité des bijoutiers, le prix du corail flambe, ce qui réduit la marge bénéficiaire des artisans. Agenor, l’organisme chargé d’écouler cette matière indispensable pour la fabrication du bijou est en proie à une vraie dualité entre les producteurs et ceux chargés de son écoulement. Raison pour laquelle, les artisans des Ath Yenni se retrouvent coincés entre le désir de perpétuer cette tradition ancestrale et l’aspect commercial. Et pour ceux qui ne voient pas le bout du tunnel, pour le motif que cette activité est l’unique source de revenus ont été contraints de changer de métier. D’ailleurs, on a appris que cette activité comptait pas moins de 400 artisans durant les années 1970, pour voir ce nombre se réduire, telle une peau de chagrin pour en compter aujourd’hui à peine une trentaine. La cherté de la matière, les impôts et les contraintes administratives et bureaucratiques ont contraint des centaines d’artisans à mettre la clé sous le paillasson et à devenir ouvrier, maçon et fonctionnaire.

Le discours prôné par les officiels, à l’image du président d’APC De Beni Yenni, M. Boumaza est franchement encourageant, en ce sens qu’il permet d’entrevoir de sérieuses promesses de faire face aux multiples entraves. En reconnaissant la dimension de cette activité et le danger qui la guette en des termes crus : “Nous assistons impuissants au déclin de la corporation et de cet art qui constitue notre fierté et l’âme de toute la région», le responsable de la commune, tenace, affirme sans ambages : “Nous continuerons de tenir des salons de ce bijou, avec l’aide des autorités locales afin de préserver cet art.” Concernant les artisans, du moins ceux qui ont continué à croire qu’il est possible d’en faire leur gagnepain, le discours est serieusemnt pessimiste. “Aujourd’hui, le corail et la matière première flambent, notre marge bénéficiaire est très réduite et les artisans boudent cette activité en raison de sa non rentabilité», a déclaré Malek Abib, un vieil artisan qui a appris ce métier de son père, avant de pointer le doigt vers Agenor, responsable selon lui de son inertie. “Agenor doit faire le nécessaire pour rendre ces produits disponibles et abordables”. Condition siné qua non pour la pérennité du bijou, à défaut de le voir disparaître à jamais.

Le cri de cœur des artisans

Depuis la première édition de la fête du bijou tenue en 1995, dans des conditions peu clémentes, les artisans de Beni Yenni n’ont, a-t-on appris, jamais cessé d’interpeller les plus hautes autorités du pays sur le danger qui guette le bijou. Depuis, les contraintes administratives, la cherté de la matière première ainsi que la concurrence sont telles qu’il est devenu pratiquement impossible à l’artisan de fabriquer des bijoux comme cela se fait depuis des lustres. Si une grande partie de ces fabricants ont du être forcés de changer de métier, une petite minorité contre vents et marées, tiennent difficilement à perpétuer cette tradition en espérant que les données arrivent un jour à changer.

Réguler le marché sévir contre les trafiquants

Il est temps aujourd’hui, que les pouvoirs publics se penchent sérieusement sur cet aspect qui représente tout le patrimoine matériel de notre pays. Toute une région de la Kabylie a pour assise culturelle, le bijou en argent qui, de par sa beauté et ses motifs originaux, a traversé les frontières. Les touristes n’omettent jamais de repartir avec un bijou en argent tant sa beauté leur rappelle celle de la Kabylie. Et c’est pour toutes ces raisons qu’il est urgent de mettre un terme à tous ces blocages qui forcent les artisans des Ath Yenni à se désintéresser de cette activité ancestrale. Pour cela, il y a lieu de réguler le marché du corail, de placer des gardes – fous pour ces pécheurs indélicats qui ne se  » soucient guère de l’aspect culturel mais du gain que ce produit hautement représentatif leur procure.

Ferhat Zafane

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