Douze années après son assassinat, Matoub Lounès, est toujours écouté et admiré aux quatre coins de la Kabylie et un peu partout dans le monde. Le fils du pays de Si Mohand Umhend, est le plus populaire des chanteurs kabyles.
Né le 24 janvier 1956 à Taourirt Moussa, dans la wilaya de Tizi-Ouzou en Kabylie, il est lâchement assassiné le 25 juin 1998, dans la même région où il a vu le jour. Auteur, compositeur et interprète, Matoub s’est singularisé comme un artiste hors pair. Son œuvre est si originale et si importante. Matoub Lounès a débuté sa carrière professionnelle en 1978, par l’enregistrement d’un premier album aux éditions dirigée à l’époque par Idir. Ses premiers pas dans la création artistique furent des pas de maître. En effet, il ne tardera pas à gagner le grand public. L’homme au tempérament rebelle et à la personnalité chaleureuse et mystérieuse, a commencé à militer très jeune en faveur de la cause berbère. Il s’engage dans un infatigable combat, pour la reconnaissance de l’identité amazighe et pour la démocratisation de son pays. Il disait tout haut ce que pensent ses concitoyens tout bas. Ce qui le plongeait, inévitablement, dans un cycle infernal d’entraves et de peines. L’une de ces haltes ténébreuses, qui le touchèrent dans sa chair, ses blessures par balles en 1988. Cependant, il ne baissera pas les bras et milite pour ses idéaux, jusqu’au jour où les “ennemis de la vie“ l’assassinent sauvagement.
En raison de son activisme, il a été longtemps banni des ondes de la radio et de la télévision. C’est le seul chanteur algérien qui est devenu une grande star, sans l’appui des médias, son talent suffisait. En plus des chansons engagées, Matoub chante l’amour, l’amitié la trahison, l’humanisme et tant d’autres thèmes. Sa voix est forte et rocailleuse. Son style musical est hérité du chaâbi. Les malheurs incommensurables de son existence lui inspirent des textes très captivants. C’était un poète digne de cette appellation. Sa poésie est un long voyage dans la personne humaine. Comme toute création universelle, elle ne reconnaît ni le temps ni l’espace. Matoub était sincère dans sa vie, idem dans son art. Il ne tentait pas de plaire ou de séduire quiconque. Il se contentait d’écouter son cœur et son âme sensibles. C’est dans ces circonstances que naissent les chef-d’œuvres d’une création inachevée.
Matoub avait encore des choses à dire et à écrire. Son intarissable imagination lui dictait les vers les plus beaux, les plus envoûtants. Plein de métaphores et de lyrisme, la poésie de Lounès est un hymne à la beauté. Par le truchement de mots, tantôt simples, tantôts moins utilisés dans la langue parlée, le poète sait manipuler les vers. Sa poésie nous invite à méditer, à se poser des questions, à voir les choses de la vie d’un autre regard. C’est aussi la voix d’un peuple opprimé. Les Kabyles se retrouvent dans la poésie leur idole. De son vivant et même après sa mort, la poésie matoubienne est toujours omniprésente. Les mélomanes de Lounès ne l’écoutent pas pour se distraire mais pour se sentir moins seuls. En lui, ils retrouvent d’innombrables textes bien ficelés. Des textes poétiques qui les laissent espérer, rêver et faire face à un quotidien morose. Le fond et la forme de l’œuvre de l’auteur de Ayen Ayen ? (Pourquoi ?) témoignent d’une grande inspiration et d’une vive lucidité. C’est, entre autres, pour ces raisons, que la poésie de Matoub est si profonde et si singulière. Déjà mythe de son vivant, il demeurera une légende vivante, car la mort n’a pas pu avoir raison de lui. Lounès est désormais au paroxysme de la gloire. Ses créations universelles feront le bonheur de tous ceux qui le découvriront de part le monde. Peut-être qu’il est temps de traduire ce génie dans plusieurs langues et de consacrer moult recherches à son travail artistique, qui est toujours à décrypter. Le temps qui passe ne pourra guère tracer des rides sur une telle œuvre. C’est comme l’amour, il garde toujours sa saveur et refuse de mourir. Les plus belles choses de la vie ne meurent pas, elles se gravent éternellement.
Ali Remzi
