Tendance de la population algérienne au vieillissement / Le troisième âge en question

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Les tendances démographiques de la population algérienne donnent une prévision de neuf millions de personnes âgées d’ici trois ans. L’évolution vers un vieillissement progressif de la population a été entrevue déjà dans le recensement général de la population et de l’habitat d’avril 2008.

C’est un phénomène dû au recul de la natalité et à l’augmentation de l’espérance de vie. Au début de l’année en cours, le gouvernement a décidé de mettre un terme au départ à la retraite anticipée, avantage mis en place à la fin des années quatre-vingt-dix pour des quinquagénaires de bénéficier de la retraite sans conditions d’âge. Or, non seulement le phénomène à saigné à blanc l’administration et les entreprises publiques en matière de compétences techniques et managériales, mais, comme l’a souligné le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, a crée un préjudice énorme pour la Caisse nationale de retraite. Le nombre de travailleurs- cotisants actuels ne permet pas de financer correctement les retraites. Si le système des retraites souffre ou s’effondre, ce sont d’abord nos parents- malades, esseulés, handicapés- qui en prendront un coup. Le système de la solidarité nationale est ainsi conçu pour assurer la cohésion entre catégories sociales et entre générations d’un pays.

Les pouvoirs publics, par l’intermédiaire du ministère de la Solidarité nationale, préparent dès à présent une loi relative à la protection et à la promotion des personnes âgées. En effet, les spectacles qui s’offrent quotidiennement aux yeux des citoyens concernant le traitement réservé à cette catégorie de personnes — aussi bien chez elles que dans les lieux publics — invitent la société tout entière, et particulièrement l’administration et le monde associatif, à une profonde réflexion qui tende à extraire nos parents de la misère, de la maladie et la déchéance morale.

Naguère, la cohésion sociale dans les villages et hameaux de l’Algérie profonde ne permettait jamais à ce que ceux qui ont consacré leur jeunesse au travail, au labeur et à l’éducation des jeunes générations puissent tomber dans l’abandon. Les seuls relais sociaux- et ce sont les bons et les vrais- qui étaient mis en œuvre étaient ceux de la famille (famille élargie, collatéraux et même le aârch). Point d’hospice. “Daâr El Adjaza” est une invention des années quatre-vingts du siècle dernier et qui, heureusement, n’a pas encore servi de modèle aux foyers de l’arrière-pays, même si des cas d’abandon de parents commencent à être signalés ici et là. Ces cas exceptionnels sont signalés particulièrement dans certains foyers où de grandes disputes se sont déroulées à propos de pensions de retraite en dinars, ou mieux encore, en euros. Des affaires de ce genre ont pu même atterrir dans des tribunaux. Des scènes affligeantes où le père et ses fils, dans des séances publiques, font face à un jury chargé de les réconcilier ou les départager à propos d’une rente à laquelle il reste quelques années pour s’éteindre, c’est-à-dire le temps que son détenteur soit rappelé à la volonté de Dieu. Dans le cas où la mère bénéficie de la réversion de retraite, le jeu est un plus aisé pour notre “jeune rentier”. Un certain nombre de ces jeunes à qui leurs parents pensionnés ont acheté fourgons de transport ou fonds de commerce ont fini par jeter dans la rue leurs géniteurs.

En tout cas, la situation actuelle du foyer algérien, grevé d’un déficit de cohésion et de l’absence d’une culture de la famille, a bien besoin de l’intervention des pouvoirs publics pour a asseoir des règles de conduite qui font honneur à notre histoire et à nos traditions et qui éduquent la nouvelle génération dans le sens du respect des valeurs, valeurs qui la sauveront à son tour dans le processus générationnel auquel nous astreint la fatalité biologique.

Le développement humain en question

La prise en charge sociale, médicale et psychologique des personnes de troisième âge est un des signes du développement général d’un pays. Il fait même partie des indices de développement humains instaurés par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) depuis une vingtaine d’années.

Que valent les indices macroéconomiques (endettement, chômage et inflations “maîtrisés», PIB en croissance…) dont se targuent les gouvernants face au regard des institutions internationales et face aussi aux populations lorsque des éléments de dignité humaine et de cohésion sociale sont en jeu ?

Face au déni de justice et d’équité et devant une croissance et un développement dont a du mal à juger les impacts, un autre regard est pourtant possible. Il nous renseigne sur une certaine détresse sociale qui a pour noms la maladie, la régression de l’espérance de vie chez certaines catégories de la population, la malnutrition ou la sous-alimentation et l’abandon.

La position de notre pays est qualifiée de moyenne selon l’échelle des valeurs établie par le rapport sur le développement humain. En effet, plus loin encore pour ce qui est du monde arabe, on retrouve le Yémen réunifié renvoyé à la 150e place. Les analyses qui accompagnent les chiffres avancés par le PNUD expliquent ces retards de développement en Algérie par la lente transition économique par laquelle passe notre pays et qui s’est accompagnée de la libéralisation des prix, l’augmentation du chômage, le désengagement de l’État de la sphère économique. Ces mutations rapides de l’architecture de l’économie algérienne ont directement contribué à l’aggravation de la vulnérabilité des couches les plus défavorisées de la société particulièrement les enfants, les femmes et les personnes de troisième âge. Si auparavant, malgré les dysfonctionnements structurels de l’économie et la navigation à vue des dirigeants, un semblant de cohésion sociale était maintenu, c’était incontestablement dû à la distribution de la rente pétrolière. Les réformes auxquelles avait recouru le gouvernement algérien à partir de 1989 pour sortir de cette impasse ont été régulièrement freinées par plusieurs facteurs : la résistance des rentiers du système, le lourd héritage bureaucratique, la déstructuration des entreprises publiques, une politique timide d’incitation à l’investissement et la difficulté de l’évolution des mentalités. En fait, c’est de la remise en cause de l’État-providence en faveur d’une économie compétitive dans un contexte de mondialisation accélérée qu’il s’agit dans cette période cruciale de la vie du pays.

Les Indicateurs de développement humain (IDH) retiennent trois composantes : la longévité le savoir et le niveau de vie. Ils permettent de classer les pays selon une nouvelle grille plus ‘’humanisée’’, en tout cas plus réaliste que les simples indicateurs de la performance économique des pays considérés. Il s’agit de “pallier les insuffisances d’une approche en termes de revenus par habitant”. Dans ce contexte le développement humain est défini comme un développement donnant aux hommes la liberté d’utiliser pleinement leurs capacités dans tous les domaines : économique, social, culturel et politique. Donc, en plus de l’appréciation quantitative, qui demeure non seulement valable mais indispensable, la classification par les IDH introduit la vision qualitative qui exprime mieux les contrastes liés au niveau de vie et au mode de vie des populations.

Entre la Norvège, premier de la classe, et le Niger, dernier du peloton, l’Algérie a été classée 102e en matière de développement humain. Le rapport annuel du Programme des nations unies pour le développement (PNUD) publié à la fin de l’année 2006 à Genève confère un Indice de développement humain de 0,72 à notre pays. Cet indice est un ‘’agrégat’’ qui récapitule les données relatives à l’espérance de vie à la naissance (71 ans pour l’Algérie), le taux d’alphabétisation des adultes (70%) et le niveau de vie (PIB/habitant : de 73 dollars). Cette forme d’évaluation sociale concerne 177 pays.

Transferts sociaux

Dans notre pays, l’action de la solidarité nationale, tout en s’accroissant chaque année par de nouvelles formules aussi alléchantes les unes que les autres, est relativisée nécessairement par au moins deux données essentielles : le caractère éphémère et précaire des dispositifs mis en place et le manque d’équité générée par une bureaucratie tatillonne et toujours clientéliste. L’illustration est donnée par ce chiffre révélé par le ministre des Finances au milieu des années 2 000 : dix milliards de dollars de transferts sociaux étaient annuellement mobilisés par l’Algérie au profit des franges les plus fragiles de la société (pensions vieillesse, pensions handicapés, soutien à certains produits de consommation, soutien à l’agriculture et au monde rural, exonérations fiscales pour encourager la création d’emploi,…). Le même responsable ajoute que le problème ne réside pas dans le montant-par ailleurs fort conséquent-, mais dans le mode de distribution qui, à l’évidence manque d’équité et de transparence. Même les lois de finances de ces dernières années ont consacré des sommes considérables au chapitre des transferts sociaux. Le budget 2010 lui réserve 1 100 milliards de dinars, soit environ 8 milliards de dollars.

Amar Naït Messaoud

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