La région de Seddouk étant connue jadis comme une région de forgerons. Ils pullulaient en ville et dans les villages, et le jour du marché hebdomadaire tout un espace leur est réservé.
Il n’en reste qu’un seul aujourd’hui. Le véhicule a supplanté le mulet et l’endroit du marché où ces derniers sont parqués est devenu tout bonnement un parc automobiles payant.
Donc au marché il y a belle lurette qu’on n’y voit plus de forgerons, contrairement à la ville dont Mohand qui a repris en main il y a une vingtaine d’années, la forge de son père et continue à sauvegarder une activité en voie de disparition. « Mon père s’était installé à Seddouk depuis les années 1940 », dira Mohand qui venait chaque matin d’Akbou où il réside et repartait l’après-midi après une journée de labeur car la forge est un métier dur mais passionnant. De la grande place du centre-ville, on entend les coups de marteau qui s’abattent sur l’enclume. La masure menaçant ruine abritant la forge est rafistolée avec des moyens de bord. L’enclume, le soufflet, les tenailles et le marteau sont les outils de cet artisan doué. Pour façonner un objet, il place le métal sur la braise jusqu’à ce qu’il rougeoie, pour ensuite l’enlever et le placer sur l’enclume en le tenant avec la tenaille et de ses mains expertes, le frappe avec le marteau pour lui donner la forme recherchée avant de le jeter dans un bac d’eau pour le refroidir rapidement. Chez Mohand, c’est aussi le lieu de rendez-vous des fellahs qui s’agglutinent dans un coin et discutent de leur activité chacun attendant la réparation de son matériel.
Pendant ce temps, Mohand travaille avec les yeux rivés sur l’ouvrage que manipulent des mains gantées et les oreilles orientées toute ouïe à la discussion, car lui aussi est concerné par les nouvelles du secteur.
Il choisit toujours le moment d’intervenir pour marquer un répit et répondre à une question ou émettre une suggestion. Même s’il ne se lasse pas de dire que la forge ne nourrit plus son bonhomme, en citant le nombre minime de fellahs qui utilisent encore le matériel traditionnel, auxquels s’ajoute le prix du charbon qui est multiplié par 10, quand il n’est pas introuvable sur le marché ; il n’en demeure pas moins qu’il est fier d’être un digne successeur d’une famille qui a légué le métier de la forge de père en fils. La formation, il l’a acquise en travaillant dans le tas en aidant son père alors qu’il était tout jeune. Aujourd’hui Mohand, la cinquantaine passée, prés de la retraite, regrette que le métier de la forge soit en voie de disparition et que les pouvoirs publics ne fassent rien pour sauvegarder un métier séculaire. « Si j’abandonne la forge, le marteau ne tintera plus sur l’enclume à Seddouk et les gens seront confrontés aux problèmes de réparation des outils agricoles et d’aiguisement des couteaux surtout pendant l’Aïd « , renchérit-il, la mort dans l’âme. Que de métiers artisanaux ont disparu dans la région de Sedddouk ! Où sont-ils donc, les moulins à moudre les grains, les salines d’Ighil Ouantar, les balais traditionnels de Tibouamouchine, etc.…
L.Beddar
