Le plan d’investissement public 2010-2014 adopté en Conseil des ministres au printemps dernier, mobilise pour le développement rural un montant de 300 milliards de dinars répartis sur 21 secteurs ministériels. La moyenne annuelle d’investissement sera de 60 milliards de dinars par an. Avec un tel programme, le gouvernement compte créer un million d’emplois en cinq ans.
Lors de la réunion qu’il a tenue avec la Commission nationale de développement rural le 9 juin dernier, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, M.Rachid Benaïssa n’a pas manqué de souligner que les projets de proximité de développement rural intégré constituent « un programme national qui vise à développer l’espace rural et à améliorer le niveau de vie de ses habitants. C’est un plan national anti-pauvreté « . Il précise, dans la foulée de ses explications, que « seuls les habitants des espaces ruraux ont le droit d’accéder aux projets de proximité ».
Concernant les acteurs intervenant dans le créneau du développement rural, M.Benaïssa soutient que la politique du renouveau rural s’inscrit dans » le décloisonnement sectoriel à l’effet de faire bénéficier à l’action de l’État le potentiel de synergie et de complémentarité entre les secteurs tout en mettant en avant le principe de la décentralisation des décisions et la dynamique des territoires au niveau de la commune « . Faisant jonction avec les premiers projets de développement rural initiés depuis 2002, les PPDRI mobilisent en effet, une multitude fonds et puisent dans la politique sectorielle de chaque département ministériel pour asseoir une logique de développement intégré et harmonieux dédié aux espaces de l’arrière-pays rural. Au cours de l’année 2009, 1 518 projets de ce genre ont été lancés au niveau de 944 communes. Ces projets ont touché une population globale d’un million de personnes. Comme mesure d’accompagnement permettant de stabiliser les foyers ruraux autour des investissements publics qui leurs sont destinés, près de 3 000 unités d’habitat rural ont été construites au cours de la même année. Outre les activités artisanales, agricoles, de désenclavement et de développement local (AEP, assainissement, salles de soins, électrification,…), le ministère de l’Agriculture et de Développement rural a mobilisé en 2009, une enveloppe financière spéciale portant sur l’acquisition de 10 000 unités d’élevage au profit de 5 823 ménages ruraux.
Une politique qui cible un espace fragilisé
Parallèlement au soutien apporté par le moyen de fonds spécifiques, à l’agriculture professionnelle suivant des filières constituées (céréales, lait, maraîchages, légumes secs, production animale,…), les espaces ruraux situés dans les zones de montagne ou dans la steppe font l’objet d’une nouvelle attention des pouvoirs publics. C’est l’axe dénommé ‘’Renouveau rural’’ mis en œuvre à partir de 2008. Ces espaces ruraux réclament une politique spécifique par rapport à l’agriculture professionnelle développée dans les plaines du fait qu’ils sont fragilisés par plusieurs facteurs auxquels échappe l’agriculture professionnelle : enclavement, morcellement de la propriété terrains généralement accidentés, érosion des sols, absence de titres de propriété non accès au crédit, déficit en infrastructures et équipement publics (écoles, centres de santé et de loisirs, électricité ouvrages hydrauliques,..etc). En outre, ces zones ont gravement souffert de la période d’insécurité entre 1993 et 2002, ce qui a entraîné un exode forcé de plusieurs centaines de milliers d’habitants vers les villes après avoir bradé leurs biens.
Le dernier recensement de la population et de l’habitat (RGPH) effectué en avril 2008, fait ressortir que, en matière d’occupation de l’espace algérien, plus des deux tiers des Algériens habitent les zones urbaines. Les statistiques du ministère de l’Agriculture datant de 2006 parlent de 13 millions d’habitants en milieu rural.
La dislocation de cet espace rural, avec son lot de misère et d’exode vers les villes, a fait l’objet d’un examen approfondi par les experts lors de la réunion walis-gouvernement en 2006. Un nouveau projet dénommé ‘’Plan de soutien au renouveau rural’’ (PSSR) y a été présenté par le ministre délégué au développement rural. Depuis la fin 2008, cet axe a évolué en programme de Renouveau rural parallèlement au programme de Renouveau agricole. Les deux programmes ont fait l’objet, en janvier 2009, de contrats de performance signés entre le ministère de l’Agriculture et les 48 wilayas. Le renouveau rural s’articule principalement sur les PPDRI (projets de proximité de développement rural intégré) pilotés par les Conservations des forêts et faisant intervenir tous les secteurs d’activité (travaux publics, agriculture, hydraulique, artisanat, forêts, santé éducation, …).
Les axes thématiques des PPDRI sont connus sous le nom de ‘’thèmes fédérateurs’’ et se répartissent en grands groupes d’activités : amélioration des conditions de vie des ruraux (réhabilitation de villages et ksours), diversification des activités économiques en milieu rural (amélioration des revenus), protection et valorisation des ressources naturelles, protection et valorisation du patrimoine rural matériel et immatériel.
Pour mener un programme aussi ambitieux, des actions relevant de plusieurs secteurs d’activités ont été programmées pour améliorer le niveau de vie de ces populations et atténuer, un tant soit peu, le phénomène du chômage qui a pris des proportions inquiétantes dans ces contrées.
Agriculture, élevage, mobilisation des ressources hydriques, ouverture et aménagement de pistes agricoles, aviculture, apiculture, aide aux activités artisanales, salles de soins, AEP, assainissement, habitat rural…telles sont quelques unes des principales actions initiées par les directions des différents secteurs des wilayas en concertation étroite avec les autorités locales (APC, daïra) et les populations représentées par des animateurs élus au sein des communautés rurales.
Outre les programmes de développement traditionnels, les sources de financement ont été étendues à des fonds spécifiques tels que le FDRMVTC (Fonds de développement rural de la mise en valeur des terres par la concession), le FONAL (habitat), le Fonds de développement de la Steppe, le Fonds de l’Artisanat,…etc.
Les travaux d’infrastructures, équipements publics et de plantations sont confiés à des entreprises du secteur agro-forestier ou hydraulique tandis que les fournitures en unités d’élevage (ruches, poulettes, ovins, bovins, caprins) sont acquises, avec une contribution en fonds propres ou en crédits de la part des adhérents, auprès de fournisseurs agrées.
Le programme d’habitat rural se décline en formes : en tant que mesure d’accompagnement dans le cadre des PPDRI ou en tant que programme à part indépendant. Dans les deux cas, les critères d’accès sont les mêmes. Le problème qui a été maintes fois soulevé au début de la mise en œuvre de ce programme par les postulants, à savoir la fourniture d’un acte de propriété dans le dossier de candidature, a été judicieusement réglé par le ministère de l’Habitat en réduisant la procédure à un simple acte de possession délivré par le maire de la localité après une publicité par voie d’affichage pendant deux mois.
L’enjeu de la protection des ressources
Pilotés localement par les Conservations des forêts, les projets de proximité de développement rural intégré s’inscrivent en interaction avec l’espace forestier administré et géré par ce service. La gestion du patrimoine forestier dans la stricte acception du terme a été mise à mal par les conditions générales de vie du monde rural où les populations ont subi une grave paupérisation ayant conduit une partie de celles-ci à un exode massif vers les villes. Les populations restantes, dans un effort tenant de la ‘’stratégie de survie’’, se sont employées à une exploitation effrénée des ressources naturelles existantes, dont le patrimoine forestier, jusqu’à compromettre leurs propres chances de stabilité et d’évolution sociale.
A cela s’est greffée la dégradation du climat sécuritaire dans les zones forestières qui a entraîné d’importants dommages au capital ligneux et au couvert végétal.
De plus, les espaces intermédiaires, entre la forêt proprement dite en tant que peuplement, et les plaines agricoles, sont caractérisés par : le morcellement de la propriété l’absence des titres de propriété l’indivision, les contraintes de relief, l’enclavement, l’absence d’ouvrages hydrauliques et le déficit en matière d’infrastructures et d’équipement publics.
La reprise en main et la revalorisation de l’espace forestier passent immanquablement par une nouvelle approche du monde rural qui associe le riverain en tant qu’élément vital de ce milieu complexe et en sa qualité de partie prenante privilégiée dans la nouvelle définition du développement rural durable. En outre, le riverain de la forêt est censé désormais devenir le partenaire des pouvoirs publics dans les efforts visant la protection du patrimoine forestier.
La politique de Renouveau rural est venue ainsi à point nommé pour répondre à certaines attentes des populations rurales du pays.
En insufflant une nouvelle dynamique de développement dans le milieu rural, les projets de proximité pourront contribuer à réduire les atteintes à l’environnement forestier et à apporter leur pierre au projet de rétablissement de l’équilibre homme-nature par la gestion rationnelle des ressources et par l’amélioration des conditions de vie des populations rurales.
Amar Naït Messaoud
