Politique gouvernementale d’investissements : Le nouvel aiguillage se précise

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Les programmes d’équipement annuels que les différents départements ministériels mettront en branle jusqu’à 2014 sont appelés à être puisés dans les actions prévues dans le programme quinquennal adopté en Conseil des ministres le 24 mai dernier. L’instruction n°002 du 22 juin 2010 relative à  » la rationalisation de la gestion du programme public d’investissements, à la conduite de la dépense publique et à la promotion de l’entreprise nationale et des investissement étrangers en partenariat  » adressée aux ministres et aux walis insiste sur ce procédé par lequel se constituent des portefeuilles de projets annuel en harmonie avec les projections quinquennales de chaque département ministériel.

En outre, par-delà les réalisations physiques prévues dans le plan quinquennal et dont le montant financier atteint les 286 milliards de dollars, l’action du gouvernement est attendue par les populations et les entreprises sur plusieurs volets censés conduire la politique de l’État en matière de création d’emplois, de lutte contre l’inflation et de valorisation des revenus. Il est évident que la jonction entre les objectifs techniques du Plan et les corrélats de développement humain ne peut se réaliser sans une politique offensive en matière d’investissement privé national, d’encouragement des investissements étrangers directs (IDE), de création de dizaines de milliers de PME/PMI (200 000 sont prévues par le plan quinquennal), de mise à niveau et d’assainissement définitif des entreprises publiques, de lutte contre l’économie informelle et la fraude fiscale et du renforcement du rôle de l’Inspection générale des finances (IGF) et de la Cour des Comptes.

Le programme du gouvernement défendu en mai 2009 devant le Parlement par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, abstraction faite de ses aspects socioéconomiques purs, porte en son sein des débuts de réponses aux préoccupations des populations et de la société civile sur le plan de la décentralisation, de la gestion des Collectivités locales et de la gestion des territoires.

Ces axes sont censés être matérialisés par des instruments réglementaires telles que les nouvelles moutures des codes de la commune et de la wilaya et la consécration d’un nouveau découpage territorial. Cependant, ce dernier projet souffre de maintes tergiversations dues à sa complexité et aux enjeux qu’il ne manquera pas de charrier. L’ancien ministre de l’Intérieur, M.Zerhouni, insinua qu’un tel projet serait “mûr” pour l’échéance 2012 pour coïncider avec le renouvellement des assemblées locales et de l’Assemblée populaire nationale.

Un stand-by pénalisant

Les orientations générales de la politique économique du pays- malgré les griefs de ‘’protectionnisme’’ que certaines parties ont lancé en direction du gouvernement- est, en principe, inscrite dans une logique de développement global et intégré qui s’affranchirait des aléas de la rente. Ces choix ou axes directeurs étant faits au niveau de la politique générale de l’État, il n’en demeure pas moins que, si l’on s’arrête spécialement sur l’un des plus grands enjeux de ce quinquennat, à savoir la politique gouvernementale afférente à l’investissement, il en ressort que le chemin sinueux arpenté jusqu’à ce jour ne pourra plus servir pour asseoir une base économique solide et un réseau d’entreprises (PME/PMI) dense et performant.

Les partenaires économiques et des analystes de l’économie nationale estiment que des lenteurs continuent de grever encore l’acte d’investissement. La culture et le comportement quotidien des différentes institutions nationales et de l’administration chargées de booster les investissements et de les accompagner sur le terrain n’ont pas acquis la fluidité et la maturité indispensables à ce genre d’opération.

Il faut reconnaître que les errements de l’ancienne politique économique et les fourvoiements de la gouvernance en général avaient installé les institutions du pays et les jeunes Algériens dans un infini stand-by. Aujourd’hui, les économies émergentes et les nations soucieuses de leur place dans l’échiquier mondial se préparent- via la stratégie d’investissement, la politique de l’école, de l’université et de la recherche, les dispositifs de création d’emploi et la politique de rayonnement culturel- à vivre avec le minimum de dégâts la mondialisation rampante, phénomène qui fait fi des distances et des anciennes cloisons idéologiques. Comment compte aborder notre pays cette phase cruciale de son développement économique, des ses transformations sociales et de son épanouissement culturel ?

La stratégie déployée dans la gestion de l’héritage du secteur public économique constitue la pierre de touche de la volonté des pouvoirs publics d’insuffler une nouvelle dynamique à la stratégie d’investissement. C’est sur ce point qu’en grande partie le gouvernement était attendu par les acteurs du secteur privé (national et étranger) pour jauger le sérieux et la volonté de la politique d’investissement dans notre pays. Il se trouve effectivement que le bilan en la matière n’est pas reluisant. Des entreprises publiques, pour lesquelles le gouvernement n’avait pas anticipé la chute, tombent comme un fruit qui a bletti sur sa propre branche. Après la mise au chômage de près d’un demi million de travailleurs issus des entreprises publiques- et que le maigre ‘’filet’’ de la CNAC n’a pu prendre qu’en partie-, le reste des unités supposées valides ont continué a broyer du noir avec moult réformes les faisant passer des holdings aux SGP, puis, dernier avatar d’une vision peu versée dans la prospective, la proposition de leur rattachement à leurs tutelles d’origine (les ministères) ! Là on donne l’impression que l’on traîne ces entreprises comme un boulet. Elles n’étaient candidates ni à la privatisation ni à un rationnel repêchage dans le giron des entreprises publiques performantes.

Les dernières orientations du gouvernement allant dans le sens d’un développement autocentré seront-elles, à même de conférer un autre destin aux entreprises publiques économiques ? Le choix semble se préciser pour une réhabilitation de cet outil de production nationale. Les nouvelles lois portant sur le partenariat avec l’étranger, le nouveau code des marchés publics qui consacre une  » préférence nationale  » et d’autres mesures encore sont en principe tendus vers cet objectif qui, en son sein, contient aussi un autre objectif, celui de promouvoir l’entreprise privée algérienne. Car, cette dernière n’est pas non plus à l’abri de soubresauts générés par l’ouverture sur le marché mondial. M.Ridha Hamiani, président du Forum des chef d’entreprises le précise bien : “Dans le contexte de l’économie algérienne, le marché a subi de profondes transformations. Les acteurs économiques sont invités, dès lors, à revoir leur perception des défis. Les grands écueils ne se situent pas exclusivement au niveau du foncier, du financement bancaire et de la bureaucratie administrative. De nouveaux problèmes, inconnus par le passé sont en train de surgir dans la sphère de production”. Le président du FCE enchaîne en ajoutant : “l’acteur économique ne sait pas encore que sa marchandise peut rester en stock suite à l’entrée envahissante des produits asiatiques et turcs, lesquelles bénéficient de prix concurrentiels et de la meilleure qualité. De nouvelles charges devraient être supportées par le producteur algérien : publicité réseau de distribution, réseau commercial. Le marché algérien connaît d’autres problèmes nouveaux à l’exemple de la croissance fulgurante du marché parallèle et la contrefaçon. On est arrivé au constat qu’il est plus facile d’acheter de l’étranger des produits de contrefaçon à prix modique que de les fabriquer localement. Sur plusieurs aspects, le marché est dominé par les importateurs en place et lieu des producteurs”.

Comment corriger le tir ?

La nouvelle politique économique du gouvernement, esquissée avec la loi de finances complémentaire de 2009 et prolongée par d’autres mesures convergentes, est en quelque sorte le résultat d’un constat empreint de ‘’désenchantement’’ par rapport à une ouverture peu raisonnée de notre économie sur l’extérieur. Les investissements étrangers se sont limités à de juteuses opérations commerciales qui ont rarement induit une véritable création d’emploi. Pire, des dividendes étaient rapatriés vers le pays d’origine sans qu’ils donnent lieu à un quelconque impôt. Le président de la République a dénoncé publiquement cette situation. Le tir a fini par être corrigé à partir de l’année dernière par une batterie de mesures qui n’ont évidemment pas agrée à certains partenaires de l’Algérie. Ce qui finit par constituer un dilemme dans la mesure où, déjà avec l’ancien régime jugé trop libéral, les investissements étrangers ne se bousculaient au portillon de l’Algérie (un peu plus d’un milliard de dollars en IDE pour l’année 2009). Le nouveau régime fiscal, de partenariat et de l’accès à la commande public (code des marchés) rendent, aux yeux de certains partenaires et acteurs économiques étrangers, l’intervention en Algérie encore plus problématique. C’est pourquoi, le gouvernement compte réhabiliter l’outil national de production et renforcer le tissu de PME/PMI.

Il y a lieu de constater que la faiblesse des investissements étrangers au cours de ces deux dernières années n’est pas dû uniquement au climat des affaires régnant dans notre pays. Depuis 2008, d’autres raisons s’y sont imbriquées et ont touché beaucoup d’autres pays suite à la crise financière mondiale. En effet, les données du FMI, de la Banque mondiale et de la CNUCED établissent un recul net des IDE à travers le monde avec un taux de 20 %. Dans la région arabe, le repli des investissements initialement escomptés serait supérieur à 60 % selon certaines estimations.

Amar Naït Messaoud

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