Secteur des ressources en eau : Des investissements porteurs de progrès social

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L’audition du ministre des Ressources en eau par le président de la République au cours de la semaine passée fait ressortir une étape de l’évolution de l’économie hydraulique en Algérie qui met notre pays dans une position bien confortable par rapport non seulement à la situation que nous avions connue au cours des décennies passées, mais aussi par rapport aux besoins réels des Algériens en matière de consommation d’eau (eau domestique, eau d’irrigation et eau pour usage industriel).

Le tableau rose que le ministre à eu à arborer ne se dément pas sur le terrain si l’on excepte les projets d’adduction qui sont en cours et les sempiternels problèmes de fuites dans les réseaux et de mauvaise distribution due à un problème technique précis ou à des aléas de la gestion locale. Ce sont d’ailleurs les titres qui reviennent quasi quotidiennement dans la presse pendant ces torrides journées d’été. Néanmoins,  » l’effort sans précédent de l’État commence à donner ses fruits. Ainsi, le taux de raccordement au réseau AEP est actuellement de 92 % et celui du raccordement à l’égout de 86 %. La dotation quotidienne en eau potable par habitant est de 165 litres distribuées au quotidien dans plus de 70 % des chefs-lieux de communes « , révélait, il y a quelques mois, le ministre. En tout cas, sur le problème de fond, à savoir la mobilisation des eaux de surface, l’Algérie a fait un bond historique extraordinaire que l’on ne pouvait pas imaginer il y a une dizaine d’années. L’ensemble des actions que mène le secteur est synthétisé dans le schéma directeur des infrastructures hydrauliques. Ce dernier est, selon le ministre,  » intégré spatialement dans le SNAT (Schéma national de l’aménagement du territoire  » et il vise à « à assurer l’équilibre pérenne de l’équation besoins/ressources en matière de ressources en eau et donner ainsi une visibilité qui puisse servir de base aux différents programmes de développement sectoriels « , soutenait l’année passée le ministre des Ressources en eau, M.Abdelmalek Sellal. Lors d’une visite effectuée au printemps dernier à Adrar, le ministre des Ressources en eau a abordé la question des ressources hydriques des régions du Sud du pays en termes de préservation et de bonne gestion.  » La question se pose moins en termes de disponibilité de la ressource hydrique qui y est abondante, qu’elle ne l’est en ce qui concerne les voies de gestion et de préservation de cette source vitale « , a indiqué le ministre.  » Adrar qui dort sur un important réservoir hydrique souterrain, ne souffre pas du problème d’alimentation en eau potable « , a-t-il ajouté. Dans ce contexte, il a souligné la nécessité de développer les mécanismes d’approvisionnement et de gestion, en vue d’éviter le gaspillage et des problèmes écologique graves, à l’exemple du phénomène de remontée des eaux dont souffrent les wilayas de Ouargla et El-Oued.

Un projet mythique de transfert des eaux

Le transfert des eaux de In Salah vers Tamanrasset, sur un linéaire de plus de 700 km, permettra l’alimentation des populations de Tamanrasset et du couloir de passage à raison de 100 000 M3 /jour. Le transfert sur les Hauts Plateaux devra être soutenue par des études que le ministère de tutelle compte lancer incessamment. C’est le plus grand projet de transfert hydraulique en Algérie au vu du linéaire de ses adductions (700 km) et de la difficulté des conditions physiques de son itinéraire (sable, chaleur excessive,…). Il y a lieu de noter que ce n’est pas là un simple projet de transfert d’eau, puisqu’il faut d’abord produire l’eau localement par un système de forages réalisés dans la nappe saharienne. C’est assurément un méga-projet relevant presque d’un mythe. Depuis que la Libye a réalisé son grand aqueduc qui transporte l’eau du Sahara vers Tripoli et Benghazi, l’opinion publique algérienne, éreintée par le problème de la pénurie d’eau et frappée par le gigantisme de l’ouvrage libyen et l’idée innovante qui le soutient, a mis en circulation une fabuleuse idée comme quoi l’eau pompée par les Libyens aux confins de l’Algérie appartient aux deux pays ; un bien commun du moment que la nappe du Sahara qui est exploitée est la même. Elle chevauche sur les terres des deux pays. Au-delà de l’aspect anecdotique de la chose et du sentiment de frustration qui en est à la base, l’exploitation des eaux souterraines du Sahara a, depuis longtemps, été envisagée comme ultime solution pour résoudre le problème d’approvisionnement en eau potable et en eau d’irrigation non seulement du Sud algérien mais aussi des Hauts Plateaux et du Nord. Cependant, au vu des potentialités en eaux de surface et même en eaux souterraines dont disposent les territoires du Nord, le recours aux eaux sahariennes apparaît comme un luxe, voire une fantaisie que ne peut- et ne doit- se permettre l’Algérie, d’autant que les générations futures ont des droits sur les ressources du pays dont on ne peut les déposséder. Cependant, depuis le lancement du projet d’adduction de In Salah sur Tamanrasset, cette vison semble être quelque peu remise en cause. Mieux encore, des wilayas des Hauts Plateaux seront alimentées en eau à partir des nappes albienne et intercalaire du Sahara. Des études ont montré que les eaux du Sahara sont des eaux ‘’géologiques’’ ou fossiles, c’est-à-dire, ayant été emmagasinées lors de la formation des substrats dans lesquelles elles sont piégées. De ce fait, c’est une ressource non renouvelable, comme le pétrole. Le volume de la réserve atteindrait les 60 mille milliards de mètres cubes. Abstraction faite des possibilités et difficultés d’exploitation, elle pourrait servir, selon le rythme de consommation actuelle d’eau en Algérie (5 Mds de M3), pendant…12 siècles.

Un panel de solutions

Les solutions pour l’approvisionnement en eau se sont diversifiées au cours des dernières années. Cela va des grands barrages- dont l’un, Beni Haroun, avoisine la capacité de 1 milliards de mètres cubes- jusqu’à la petite hydraulique (captages de sources, fonçage de puits, canaux de dérivation…), en passant par des barrages de moyennes importance et des retenues collinaires. Outre les eaux souterraines et les eaux de surface, l’Algérie s’est tournée aussi vers la solution de dessalement de l’eau de mer adoptée par les pays du Golfe arabique depuis plusieurs années. La mobilisation de l’eau par le procédé de dessalement de l’eau de mer permet, selon le ministre, de sécuriser les villes côtières en matière de disponibilité en eau. Ces unités monoblocs disséminées sur le littoral algérien, au nombre de 13, produiront, à la phase de croisière 2,26 millions de M3/jour. Vingt-trois unités de moyenne capacité sont déjà fonctionnelles. Ces apports pour les villes côtières permettra, d’après les responsables des Ressources en eau, de consacrer la plus grande partie des volumes mobilisés dans les barrages du nord pour l’alimentation des Hauts Plateaux. C’est ce à quoi vont servir les transferts envisagés pour certains barrages tels que Beni Haroun (Mila), Ighil Temda (Kherrata), Erraguène (Jijel). En tout cas, sur l’ensemble du territoire national, les investissements dans les ouvrages hydrauliques sont en train de faire oublier peu à peu le calvaire qu’ont connu les foyers algériens depuis des dizaines d’années. Pour les spécialistes de la question, le problème de la gestion de l’eau en Algérie, relève plus d’une politique hardie et rationnelle de la mobilisation des ressources que d’une fausse fatalité à laquelle étaient soumises les populations des décennies durant. Les projets de construction de barrages, de montage d’unités de dessalement, d’adduction et de transferts initiés au cours des dix dernières années est la preuve tangible que l’Algérie peut sortir de la zone de sous-développement en matière de disponibilités en eau potable, industrielle et d’irrigation. Demeurera la politique d’entretien des ouvrages construits et des équipements installés dans un esprit de la préservation de la ressource et de la durabilité du service et des prestations. Le grand défi en matière de préservation des ouvrages est sans aucun doute la protection des bassins versants des barrages hydrauliques par des méthodes anti-érosives comprenant des plantations (reboisements forestiers et arboriculture fruitières) et des ouvrages de travaux publics tels que les seuils de corrections torrentielles et d’autres techniques connues à l’échelle mondiale.

18 milliards de dollars investis depuis 2005

Lors de l’audition du ministre des Ressources en eau, le président de la République n’a pas manqué de souligner que le climat algérien est, dans la majorité du territoire habité caractérisé par sa semi-aridité et qu’il y a lieu de travailler sérieusement à la préservation de la ressource hydrique. En effet, le climat méditerranéen auquel appartient l’Algérie étant capricieux et fort irrégulier, la plupart des pays de ses rives Sud et Nord ont conçu des politiques hydrauliques spécifiques tendant à gérer de plus près une ressource mal répartie dans le temps et dans l’espace mais disponible lorsque l’imagination et la rationalité sont aux commandes. Il en est ainsi de la Turquie qui a fait des monts Taurus et d’Anatolie des châteaux d’eau qui bousculent même la politique de répartition des eaux dans l’Asie Mineure et le Proche-Orient. En dehors de l’hypothèse des changements climatiques à l’échelle planétaire dont on a des difficultés à quantifier les retombées sur les climats locaux, il tombe, bon an mal an, quelque douze milliards de mètres cubes de pluie par an arrosant la partie septentrionale du pays. Jusqu’à l’année 2 000, il n’était récupéré que 3,8 milliards de mètre cubes. Le reste de l’eau se déversait dans la mer ou, pour les réseaux endoréiques, vers les chotts (Hodna, Melghigh, Zahrez, Chotts de Naâma,…). Ce n’est qu’avec les dernières réalisations dans le domaine hydraulique que la mobilisation des eaux de surface commence à connaître une nette progression (barrages de Tilesdit et Kouditat Acerdoune à Bouira, Taksebt à Tizi Ouzou, Medouar à Batna, Tichi-Haf à Béjaïa, Beni Haroun à Mila,…). Le ministère des Ressources en eau a aussi élaboré un programme de transfert d’eau de certaines ouvrages des montagnes du Tell sur les Hauts Plateaux de Sétif et M’sila pour l’AEP et pour l’irrigation. Le barrage de Koudiat Acerdoune, quant à lui, desservira dès sa phase opérationnelle, outre Alger, Boumerdès et la vallée de l’Isser, la région de Boughezoul (wilaya de Médéa) où un projet de ville nouvelle est inscrit. Les objectifs des lourds investissements hydrauliques consentis par l’État depuis le début des années 2000 visent, selon les déclarations à la presse du ministre des Ressources en eau faites en 2009, à  » augmenter et à diversifier les capacités de mobilisation d’eau, réduire les déficits en alimentation en eau potable des populations, généraliser l’épuration et la réutilisation des eaux usées, étendre les superficies irriguées et améliorer les indicateurs de gestion « . Parmi les indicateurs de gestion, l’on ne saurait trop insister sur la nécessité de mettre fin au gaspillage issu des fuites que connaissent les réseaux domestiques ou même parfois grands collecteurs d’eau potable. Ce sont, à l’échelle du pays, des millions de mètres cubes qui se perdent dans la nature. Ajoutons à cela les indispensables travaux d’entretien dont sont censés faire l’objet les différents équipements hydrauliques. La panne qui a affecté cet été le méga-pompe du barrage de Beni Haroune- desservant 6 wilayas de l’Est algérien- est un exemple à méditer.

S’agissant des investissements consentis dans le cadre des nouvelles réalisations, M.Sellal a révélé que, entre 2005 et 2009, son département a eu à gérer une enveloppe financière de 18 milliards de dollars répartie sur 1 500 projets.

Amar Naït Messaoud

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