D’aucuns trouveraient un peu bizarre que des fruits cultivés localement soient exposés au marché aux côtés des produits d’ailleurs.
Il y a une vingtaine d’années, personne n’aurait imaginé trouver, un jour, des figues de barbarie et encore moins des figues fraîches, mises en vente sur la place du marché de Aïn El Hammam. Les fruits, produits à foisons, s’offraient par paniers entiers. Ceux qui en possédaient, très nombreux jadis, se faisaient un plaisir d’en offrir à leurs voisins et amis démunis. Tenté gourmandise oblige, par quelques figues juteuses, on pouvait même en cueillir dans les champs en bordure de la route sans que personne ne s’en offusque, tellement le geste était considéré comme banal. On disait alors : « C’est Dieu qui les a donnés, on n’a pas le droit d’en priver les gens ». Autres temps, autres mœurs. Beaucoup de choses ont changé depuis. La situation sociale de certains propriétaires terriens est telle qu’ils doivent à leur corps défendant, subvenir à leurs besoins, par tous les moyens. Un jeune garçon de Koukou, rencontré sur la place de Michelet avoue : « Pendant les vacances, je vends des figues de barbarie pour pouvoir m’acheter des fournitures scolaires, pour la rentrée ».
Des figues de barbarie à raison de cinq dinars la pièce ou des figues fraîches, à plus de cent dinars le kilogramme se vendent maintenant, le plus normalement et permettent aux vendeurs d’en tirer de substantiels bénéfices. Les clients sont de plus en plus nombreux à se rabattre sur le marché faute de figues dans leurs champs. Aïn El Hammam est, pourtant, connue comme une région très favorable à la culture du cerisier et surtout du figuier. Il en pousse sans trop de soins, dans le moindre espace escarpé. Ces derniers temps, la plupart des figueraies ont disparu, gagnées par le maquis. Leurs propriétaires pris, ailleurs, par leurs obligations les ont délaissées malgré eux. Leur choix est certes douloureux, mais ils savent que la terre de chez nous, ne nourrit plus.
A.O.T.