Omar Takabait (P/APC de Kendira) à propos des incendies de forêt : “C’est l’impunité qui encourage les pyromanes”

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Omar Takabait, maire de Kendira revient dans cet entretien sur les derniers incendies enregistrés sur le territoire de la commune. Il entend porter plainte contre X, manière de déclencher une enquête pour identifier les auteurs et mettre éventuellement fin à ce qu’il estime être une impunité favorable aux pyromanes.

La Dépêche de Kabylie : Quel bilan faites-vous après ces multiples incendies ?

Omar Takabait : Je dois rappeler d’abord qu’en l’espace de trois mois notre commune a enregistré sept incendies ayant eu chacun son lot de dégâts sur la végétation, mais ce que nous avons vécu lors de ce dernier incendie (mercredi dernier, NDLR) est le pire des cas et les plus dramatiques, car il a y eu, cette fois ci, un danger réel sur les habitations, comme nous avons, hélas, déploré la perte de centaines d’arbres fruitiers qui font vivre des familles, souvent les plus démunies. En somme, nous avons frôlé une catastrophe naturelle et économique au niveau de cette commune dans les 2/3 de la superficie sont composés de forêts et de maquis.

Pourquoi Kendira est l’une des communes les plus touchées par les feux de forêts ?

Plusieurs facteurs ont fait de notre petite localité une bonne proie aux feux qui se déclarent chaque été malheureusement avec des conséquences fâcheuses.

En prime, je dois vous faire savoir qu’il n’y a aucun programme spécifique pour y remédier, si non réduire au moins les dégâts. De notre côté nous avons maintes fois saisi les responsables concernés, notamment les services des forêts, de l’agriculture et des travaux publics pour le programme d’opérations de désherbage à proximité des axes routiers, autrement, il fallait procéder à l’installation des postes vigiles dans notre région, mais ces appels sont restés sans échos.

Ajouter à cela, les moyens insignifiants dont dispose notre commune. Pourtant, un rapport a été adressé par nos soins au Ministère des Collectivités locales sur le programme de renforcement de notre parc roulant, cela permettrait au moins d’avoir sur place des moyens d’intervention et d’accès rapide, étant donné que le poste de Protection civile est inexistant dans notre Daïra, ce qui fait retarder à chaque fois l’intervention des pompiers. L’ APC a, d’ailleurs, mis à la disposition des pouvoirs publics une assiette de terrain pour bâtir un poste de la Protection civile.

Mais, il a été constaté aussi un manque flagrant de pistes et d’accès, les agents de la Protection civile ont trouvé d’énormes difficultés à accéder aux foyers de feu …

La responsabilité incombe aux services des forêts, de l’agriculture et aussi à des habitants de notre localité ayant affiché leur opposition à toute tentative d’ouverture de pistes qu’ils ont, parfois, eux-mêmes proposé.

De toute manière il faut dire que la prévention des feux de forêts et les moyens des les maîtriser s’avère une véritable problématique et une équation à plusieurs inconnus. C’est ce qui fait que les APC se trouvent souvent seules face à ce genre de catastrophes avec des moyens dérisoires.

C’est-à-dire…

Le plus souvent il s’agit d’abord d’une erreur humaine qui est à l’origine des incendies. Pour faire fuir des sangliers destructeurs de leurs cultures, des individus mal inspirés se transforment en pyromanes et se mettent à brûler des maquis et des forêts, car ils disent ne pas avoir d’autres moyens de lutte contre cet animal sauvage depuis que l’Etat leur a saisi leurs fusils de chasse. En somme, il s’agit pour moi d’un acte criminel à condamner quelque soit le prétexte avancé.

De l’autre côté il y’a la grande responsabilité de l’Etat qui, en maintenant l’impunité devant les auteurs de ces actes ravageurs, n’a pas mis le paquet pour sauvegarder la nature surtout dans les zones rurales qui subissent les conséquences des incendies, notamment le tarissement des sources d’eau, l’accélération de l’érosion, le sous développement de l’agriculture. Il s’ensuit que l’exode rural a déjà vidé des villages entiers dans notre commune.

Et qu’est-ce qu’il y a lieu de faire à votre avis ?

Il est temps de mettre fin à cette impunité et que l’Etat algérien songe à instaurer un dispositif de lois fermes qui va décourager ces actes, en ouvrant à chaque fois qu’il y a incendie, une véritable enquête pour identifier le ou les auteurs de ces crimes contre la nature et de les traduire en justice, comme cela se fait pour le code de la route.

En ce qui nous concerne, nous allons annoncer la couleur par le dépôt d’une plainte contre X pour une éventuelle enquête sur le terrain. Le bilan global sera arrêté lors d’une réunion avec les services concernés et nous en tirerons les conclusions qui s’imposent.

Propos recueillis par Nadir Touati

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