TR Béjaïa Générale de la performance poétique Le Mot / Quand théâtre et poésie n’en font qu’un

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Un public des grands jours était au rendez-vous ce en début de la semaine dernière au TR de Béjaïa, venu pour assister à la générale de la performance poétique intitulée Le Mot, mise en scène par Yasser Nacereddine. Le public n’en a peut-être jamais vu de pareil, puisqu’il a trouvé ce spectacle autant réjouissant qu’original, même s’il regrettait, à tort ou à raison, qu’il fut quelque peu si court, comme si les quarante cinq minutes qu’a pris le spectacle étaient insuffisantes. Preuve que cette performance a beaucoup séduit le public à telle enseigne qu’il en aurait souhaité que le plaisir en fût un peu plus long. Yasser en a bien pris note. De quoi s’agit-il en fait ? Yasser a remonté loin dans l’histoire pour déterrer une si vieille pratique poétique et culturelle ayant existé pendant des siècles au Moyen-Orient, à l’époque préislamique : les moualaqates (poèmes suspendus), que l’avènement de l’Islam a suspendues à son tour en les interdisant brutalement. Les poètes de l’époque déclamaient librement leurs poèmes devant un auditoire attentif avant de les accrocher pour de bon, afin qu’ils soient toujours lus par les passants. Pour faire revivre cette ancienne et magnifique tradition poétique, Yasser a repris l’idée en l’enveloppant dans une mise en scène bien élaborée. Ayant obtenu au préalable, l’assentiment enthousiaste de Omar Fetmouche, directeur du TRB, Yasser commencera par faire aux comédiens du TRB, des artistes indépendants ainsi que des membres du café littéraire, pour leur confier la déclamation de poèmes d’auteurs universels qui sont accrochés, pour les besoins de la mise en scène, à des chandeliers fabriqués en fer forgé et haut de deux mètres. Tour à tour, sous le halo des bougies éclairées, les comédiens décrochaient les poèmes avant de les déclamer sur un fond musical signé par le compositeur émérite Bazou, de son vrai nom Abdelaziz Yousfi. Nesrine Aïtout, déclamera un beau poème du Chilien Pablo Neruda, Farid Cherchari, enchaînera avec deux poèmes, l’un du Palestinien Mahmoud Darwich, l’autre du Chilien Victor Jara, la cantatrice et comédienne Mounia Aït-Meddour, fera découvrir au large public la profondeur et toujours actuel de son célèbre poème Le déclare, l’état de bonheur permanent, de Nazim Hikmet, chanté par Georges Moustaki. Boussekine Abderezak, dit Bizcek, reprendra un poème du poète et dramaturge Mohia, Uhaqarthara (Ne méprisez point) qu’il déclamera avec brio, tandis que Mohamed Yargui donnera avec sa voix de stentor une agréable sonorité aux courts et beaux poèmes de Khaled Zirem, un poète du cru qui a par ailleurs participé activement à la réalisation de cette performance poétique. D’autres poèmes non moins illustres sont brillamment déclamés dans un silence de cathédrale. C’est en portugais que Mohand Zaïdi a lu Aguas de Março (Les Eaux de mars), de Vinicius de Moraes, surnommé le petit poète du peuple. Le poème, écrit en 1972, est lui aussi chanté par Georges Moustaki en 1977. Tiziri Aknouche, lira en espagnol Todo Passa (Tout passe), un poème célèbre d’Antonio Machado. Ouarda Khima, Nabila Guemghar, Hasna Ichellitan et Zahir Sidane, déclameront tour à tour avec une voix suave des poèmes de Khaled Zirem que le public a bu avec saveur, patience et surtout avec grand plaisir. C’est ainsi que cette performance poétique prit fin, insufflant au public un ravissement sans fin et qui en demande d’autres spectacles de ce genre, c’est-à-dire, faire du théâtre avec de la poésie. Chose promise puisque d’autres initiatives seront prises dans les jours à venir. Des récitals poétiques seront organisés sous espace assez original. Une sorte d’espace ouvert sera créé à l’intention de nos poètes voulant rencontrer un auditoire. Cela participera à coup sûr, à un début de réhabilitation de l’acte poétique dans notre société consumériste et sciemment acculturée.

K.D.

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