Entretien avec Aldja Seghir poétesse : «La poésie transcende le réel et le langage»

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Aldja Seghir est une talentueuse poétesse. C’est aussi une universitaire, une femme de Lettres qui n’a pas froid aux yeux pour dire les mots et les maux, en dépassant tous les tabous. Dans cet entretien, la jolie femme au sourire intarissable nous raconte le monde de l’écriture, un monde où «la création peut faire de nous des dieux».

La Dépêche de KAbylie : Comment êtes-vous venue à la littérature ?

Il me semble que j’ai toujours été dedans. J’ai lu mon premier roman à l’âge de 13 ans. J’ai commencé à écrire à 15 ans et je me suis retrouvée à faire des études en lettres françaises. La littérature c’est aussi l’air que je respire.

Vous avez publié un recueil de poésie. Pouvez-vous nous en parler ?

C’est un recueil collectif. Mes deux complices sont Iza Kalim et Samia Bensemmane. A la base je n’écris pas pour publier, et c’est des textes qui n’étaient pas destinés à sortir de ma chambre, d’autant plus que je n’ai pas l’habitude de faire lire mes textes mais Si Ali Sekhri mon éditeur voulait les faire publier et j’ai apprécié l’ouverture qu’il m’a offerte.

Que représente la poésie pour vous ?

Michaux disait que la seule volonté d’écrire un poème suffit à le tuer ! J’y crois dur comme fer. La poésie transcende le réel et le langage, et les conduit jusqu’à leur point de rupture. La parole poétique est l’expression la plus cruelle de ce qui traverse l’homme, elle jaillit de nos nuits blanches, de nos idées noires, de nos tortures et parfois même d’insomnies bienheureuses

Quelle est la thématique qui revient le plus dans vos écrits ?

Ce qui revient c’est du vomi et des échardes (sourire). Le religieux, le sexuel et le politique. A croire finalement que la vie tourne autour de ces trois axes et s’organise autour de leurs règles d’exclusion.

Y a-il des écrivains qui vous influencent ?

Certains d’entre eux, des philosophes et penseurs plutôt que des écrivains.

Je pense à Bataille, à Foucault et forcément à Nietzsche qui a été l’électrochoc. Mais il y a eu aussi René Char, Michaux et l’éternel «Keblouti» Kateb.

Pourquoi écrivez-vous ?

J’écris parce que j’aime lire. J’aime les mots, j’aime leur pouvoir.

Et puis écrire c’est créer, changer et déformer son monde. Ça vous soustrait de votre condition d’homme pour faire de vous un créateur parmi les dieux !

Que pensez-vous de la littérature algérienne actuelle ?

A croire la presse, nous n’avons que des génies, de grands écrivains et des chefs-d’œuvres !!! Sans détour ni langue de bois, il y a de plus en plus de personnes qui écrivent et de moins en moins d’écrivains malheureusement ! Il y a quelques uns dont j’ai apprécié l’écriture mais c’est tout. Je crois que nous avons un grand problème à ce niveau là.

La littérature n’est pas l’intrigue. L’intrigue est un prétexte à l’acte d’écriture et en lisant beaucoup de nos écrivains actuels, je crois qu’ils ignorent tout de l’écriture et se cachent derrière l’intrigue ! Mais les éditeurs et les journalistes du genre doivent assumer cette dégringolade, parce qu’ils y ont pleinement participé !

Vous préparez un doctorat en littérature. Pouvez-vous nous parler un peu du thème de votre thèse ?

Je prépare un doctorat en littérature française. Je traite de la problématique du corps dans certaines œuvres de la littérature dite maghrébine. Nos maux, notre détresse viennent aussi du fait que nous n’écoutons pas notre corps, ses désirs, ses plaintes. Nous ignorons totalement la violence dont il est capable et qu’il peut générer, je suis donc partie de ce principe. J’ai fait un travail précédent en magister dont le thème est l’érotisme, ça m’a passionnée et ça m’a surtout poussée à approfondir ma recherche en creusant plus (pourvu que je remonte à la surface)

Quel est le dernier livre que vous avez lu ?

La pornographie ou l’épuisement du désir de Michela Marzano. L’ouvrage traite de la représentation de la sexualité que la pornographie met en scène et la façon par laquelle elle finit par dépouiller le corps de toute subjectivité.

Quels sont vos projets d’écriture ?

La poésie ne peut pas constituer un projet d’écriture pour moi. Ceci dit, je suis en train d’écrire quelque chose que je veux à mi-chemin entre le roman, la poésie et la pièce théâtrale sans respecter aucun genre, juste pour le plaisir. Pour le reste on verra bien où me mènera l’écriture.

Entretien réalisé par Ali Remzi

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