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La révision du code du travail interviendra avant fin 2010 / Les nouveaux horizons du monde du travail

Parmi les dossiers socioéconomiques auxquels le gouvernement compte conférer de nouvelles perspectives, le code du travail constitue une pierre angulaire dans le nouvel édifice des lois et règlements inscrits dans l’agenda des réformes économiques et sociales.

La révision de ce texte est prévue pour le deuxième semestre de l’année 2010, en tout cas, avant la fin de l’année, selon une déclaration faite jeudi dernier par M. Tayeb Louh, ministre du Travail et de la Sécurité sociale.

L’exercice du travail et les contraintes qui lui sont inhérentes se présentent sous un jour nouveau en Algérie. En effet, depuis presque une décennie, la plus grande proportion d’employeurs revient au secteur privé.

C’est lui qui crée de l’emploi à la faveur de l’émergence de l’entreprise privée encouragée par la nouvelle législation du pays. De même, le monde syndical a, lui aussi, subi une évolution, du moins dans son appréhension par les travailleurs. Quant au prolongement pratique sur le terrain, seule la pression et la persévérance pourront rendre légales ces nouvelles formes de lutte.

L’entrée en scène des entreprises étrangères sur nos chantiers d’autoroute ou de tramway ou bien encore dans certaines représentations commerciales a indubitablement charrié une nouvelle discipline du travail à laquelle les travailleurs algériens ne peuvent que se soumettre. Les thèmes comme ceux de la santé dans l’entreprise, les œuvres sociales et d’autres droits n’ont jamais été aussi sollicités qu’au cours de ces dernières années, même si les prestations ne répondent pas toujours aux exigences de l’ergonomie, de la psychologie du travail et de la dignité des travailleurs.

La fin des “masses laborieuses”

Dans cette période de transition qui touche le monde du travail sur tous les plans (flexibilité de la relation de travail, précarisation par des contrats CDD, gestion moderne du temps et de l’outil de travail, impératifs de la formation continue…), le bouillonnement du front social apparaît dans ses jours les plus “fastes”.

Pour mieux cerner les motivations, la dimension et les retombées de ces mouvements, il importe de jeter un regard sur les conditions sociales des travailleurs algériens, le chômage, la précarité et les inégalités entre les différentes couches de la société. Dans le sillage de la mondialisation des échanges et de la division internationale du travail, les analystes, les pouvoirs publics, les syndicats et d’autres acteurs ont, chacun selon sa grille d’analyse, essayé de caractériser et de qualifier la nouvelle situation qui est en train de se mettre en place en Algérie. Signe des temps, une tendance semble lourdement se dessiner : on parle de moins en moins de “masses laborieuses”. Ce dernier concept faisant partie de la langue de bois du parti unique, n’est actuellement utilisé par aucune partie, y compris la gauche radicale. En tout cas, le triomphe du capital après la chute du mur de Berlin a charrié avec lui l’éloignement, voire la mort, des illusions sociales. Il est vrai que la nouvelle configuration des forces sociales n’a pas encore atteint sa maturité ; d’où les incertitudes qui pèsent sur le monde du travail, incertitudes renforcées par les nouvelles technologies de l’information et de la communication qui bouleversent un peu plus chaque jour la relation entre le travailleur et son outil de production et qui situent dans une dimension nouvelle les facteurs de productivité.

En matière de compétence censée ouvrir la voie vers l’exercice d’un métier, le problème se pose désormais en termes d’adéquation entre le système d’enseignement et le marché du travail. Cette dernière notion a, il est vrai, fait défaut par le passé du fait que l’ensemble des diplômés avaient leurs débouchés pris en charge par l’Etat, principal employeur du pays. Les analystes les plus indulgents ont conclu à la faillite du système de la formation professionnelle dans notre pays. Les symptômes on commencé à apparaître au grand jour dés l’émergence de l’entreprise privée comme nouvel acteur de la vie économique du pays: les ateliers et usines privés ayant vu le jour au cours des dernières années ne trouvent pas le personnel technique et d’exécution sur le marché du travail. Les offres d’emploi par lesquelles des employeurs cherchent des ouvriers spécialisés, des contre-maîtres et agents de maîtrise (charpentiers, chauffagistes, plombiers,…) traînent pendant des semaines sur les pages publicitaires des journaux sans pouvoir mettre la main sur le profil désiré ou la compétence voulue. C’est que depuis longtemps, la formation professionnelle est vue par la société et même par les pouvoirs publics comme simple réceptacle des exclus du système éducatif. Au lieu qu’elle soit un choix dicté par les préférences d’un cycle court ou par des prédispositions et aptitudes particulières- comme cela se passe dans les autres pays du mode-, la formation professionnelle est vécue plutôt comme un moindre mal par rapport à l’exclusion scolaire et un morose stand-by avant le service national et l’âge adulte. Il faut dire aussi que cette médiocrité et cette faillite sont les conséquences d’un système rentier qui avait plutôt besoin d’un personnel docile que d’un personnel qualifié.

Nouveaux besoins, nouvelles normes

Les données sont en train de changer quasi radicalement. Face à une vague sans précédent de techniciens, personnels d’exécution, cadres et même ouvriers étrangers ramenés ou recrutés par les sociétés étrangères travaillant en Algérie (chantiers des bâtiments, de l’autoroute, des barrages, du tramway,…), les responsables de la formation sont plus que jamais interpellés pour révolutionner le secteur par de nouvelles méthodes de formation et une nouvelle pédagogie qui allient la nécessité de qualification aux besoins de l’économie nationale.

Les illusions d’un poste de travail, stable et permanent, automatiquement acquis après la formation, se sont évaporées avec les contraintes que l’économie et le monde du travail ont eu à vivre depuis le début des années 1990.

La mise en application du Plan d’ajustement structurel en 1994, dicté par le FMI en vertu des conditionnalités liées au rééchelonnement de la dette extérieur, et qui, théoriquement, visait à recréer les conditions de la stabilité macroéconomique du pays, se traduira par un coût social élevé : dégraissage au sein des entreprises publiques par le moyen de plusieurs formules (licenciements, départs volontaires, retraite anticipée,…), libéralisation des prix de produits de première nécessité autrefois soutenus par les subventions de l’Etat, gel des salaires, gel des recrutements dans la Fonction publique,…etc. La libéralisation des prix a fait que certains produits vitaux (comme l’huile végétale, le sucre, le lait) ont vu leurs prix se multiplier par 10 ou 20. Des cohortes de chômeurs se formèrent suite à la fermeture de certaines entreprises publiques (on parle d’un minimum de 500 000 travailleurs licenciés). Pour amortir un tant soit peu le choc, les pouvoirs publics, conseillés par les institutions financières internationales, ont eu recours à certaines dispositifs sociaux de solidarité nationale via le Filet social, l’Emploi de jeunes, la création de la Caisse de chômage (CNAC) et, plus tard, le Pré-emploi pour les universitaires primo-demandeurs.

Dans la logique des réformes sociales et économiques

La précarisation des conditions sociales des Algérien a été à l’origine du renforcement de l’économie informelle et particulièrement de son versant “emploi clandestin”. C’est là un facteur décisif qui a contribué à la perversion des valeurs du travail, à l’évasion fiscale et la fragilisation de larges pans de la société (particulièrement les enfants qui n’ont pas l’âge de travailler et les femmes), c’est bien l’économie informelle, laquelle se manifeste de différentes façons : activités commerciales non déclarées aux impôts, importations frauduleuses (contrebande), salariés exerçant au noir, travail des enfants,…etc.

Le phénomène de l’économie informelle a pris dans notre pays de telles proportions que le président de la République avait déjà tiré la sonnette d’alarme.

Il était question qu’une étude spécifique soit menée sur cette gangrène de façon à la circonscrire sur les plans juridique, technique et stratégique. L’âpre réalité ne peut laisser indifférent les décideurs d’autant qu’une constante propension vers le pire semble se dessiner : un accroissement moyen annuel de 8% est enregistré au niveau des populations nouvelles accédant à ce type d’activités. Au mépris de la législation algérienne, des lois de l’Organisation internationale du travail et des règles primaires de la dignité humaine et de l’ergonomie, des adolescent(e)s, et parfois des enfants, sont enrôlés dans des ateliers clandestins ou des chantiers de travaux loin des regards chastes de l’administration. Fragilisée par le chômage endémique, l’échec scolaire et la bureaucratie, une partie de la population algérienne, maillon faible de la société en est réduite à accepter n’importe quel boulot et à n’importe quel prix pour sauver la face pendant quelques mois ou quelques années. Les ‘’débouchés’’ ne manquent pas. Ils sont sécrétés par la période de transition de l’économie algérienne caractérisée par le bazar et l’activité souterraine. Du nouveau Code du travail, il est attendu un surcroît de respect de la dignité des travailleurs, une adaptation aux nouvelles données de l’ergonomie et de la psychologie du travail et une jonction plus réussie entre l’outil de travail, la capital et la ressource humaine.

Le code du travail datant des années 1990 du siècle dernier ne peut visiblement pas répondre aux nouveaux besoins et aux nouvelles normes charriés par les formes actuelles- ou les formes qui se dessinent pour un avenir proche- du monde du travail.

Son amendement ou son éventuelle refonte est inscrite dans la logique des réformes sociales et économiques. Conditions ergonomiques de travail, statut du travailleur, salaires, régime indemnitaire, conventions collectives, travail syndical, temps et horaires de travail, règlement des conflits sociaux, rôle de l’inspection du travail, attributions des commissions paritaires, missions et rôles des commissions de disciplines, tâches des œuvres sociales, contractualisation de la relation de travail,…ainsi que d’autres thèmes, aussi importants les uns que les autres, sont censés trouver leurs solutions dans la nouvelle législation matérialisée par le nouveau code de travail sur lequel le département de Tayeb Louh planche depuis deux ans.

Amar Naït Messaoud

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