Aït Sidi El Mouhoub, le jour de l’Aïd : Un lieu et un moment conviviaux pour des retrouvailles

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S’il y a des traditions à perpétuer pour les bienfaits qu’elles apportent à la société celle que les habitants du village Aït Sidi El Mouhoub, à Mezzaia, dans la commune de Béjaïa, célèbrent depuis des siècles et des siècles dans la modeste mosquée le jour l’Aïd Améziane est, sans doute, de celles-là.

Cette tradition consiste chaque jour de L’Aïd Ameziane à notamment inviter les habitants des villages limitrophes et tous ceux qui veulent les honorer de leur présence, à savourer un excellent couscous garni de vrais morceaux de viande, c’est-à-dire de morceaux qui pèsent 400 grammes chacun en moyenne. Mais l’essentiel n’est pas là.

Ce qui fait venir les gens parfois de très loin, vu que beaucoup ont quitté leur village pour s’installer dans les grandes villes, comme Alger ou Oran, pour les commodités qu’elles offrent notamment sur le plan de l’emploi et de la scolarisation de leurs enfants, ce qui les faits venir ce n’est, sans doute, ni la quantité ni la qualité de la nourriture, mais plutôt et surtout l’accueil chaleureux dont ils sont gratifiés chaque année de la part de leurs hôtes ainsi que de la convivialité et la cordialité du village hôte.

Se déplacer à Aït Sidi El Mouhoub pour y célébrer la fête de l’Aïd Améziane, s’assurer de rencontrer des amis d enfance, ceux de son village et des villages voisins qu’on a perdus de vue ou que l’on a pas eu l’occasion de croiser L’Aïd passé.

La célébration de l’Aïd Améziane à Aït Sidi El Mouhoub permet aussi et surtout de faire de nouvelles connaissances et de nouer de nouvelles amitiés.

L’attente du repas, qui va de la prière de L’Aid jusqu’aux environs de 11 heures et demi ou midi, où l’on sert du café et du thé à la menthe, autorise de longues et larges discussions sur des sujets aussi divers que la cherté de la vie durant le mois sacré les chaleurs de l’été qui ont provoqué de nombreux feux de forêts, et des échanges de points de vue sur les derniers évènements sportifs et politiques.

Interrogé sur sa venue, Bachir, sexagénaire répond que pour lui l’Aid Améziane n’est vraiment fêté que lorsqu’il l’est à Aït Sidi El Mouhoub. Il ajoute que déjà en tant qu’enfant, il venait avec son père et maintenant qu’il est grand-père, c’est lui qui emmène ses petits enfants pour les présenter, non sans une pointe de fierté à ses amis.

Prenant la parole à propos du même sujet, Hakim, la quarantaine, déclare qu’en ce qui le concerne, le Ramadan n’aura vraiment pris fin que lorsqu’il aura mangé le couscous à Aït Sidi El Mouhoub.

L’Aid à Aït Sidi El Mouhoub, c’est aussi la fête des enfants. En effet, ces derniers étrennant leurs habits n’arrêtent pas de courir dans tous les sens, faisant ici et là détonner des pétards qui dégagent l’odeur acre de la poudre explosive.

Midi approchant, les hôtes appellent leurs invités à honorer le couscous préparé pour l’occasion. Alors par petits groupes de trois ou quatre selon les affinités, les convives se mettent autour de grandes et profondes assiettes en terre cuite et vernissées, remplies de couscous dans lequel ont été plantées des cuillères. Question de confort ou de dressage, c’est qu’on est loin d’un quatre étoile. Les assiettes sont posées sur des nattes, la sauce est servie dans des casseroles et la viande est apportée dans un couffin par un serveur. Quant aux convives, le plus heureux est celui qui réussit à se débrouiller une pierre ou une brique pour s’asseoir. Les autres n’ont qu’à se mettre dans la position qui leur convient autour des assiettes. Mais ça mange et ça mange avec appétit. Veillant à ce qu’ils ne manquent rien à leurs invités, les habitants du village hôte ne mangent cependant que les derniers. Ainsi, obéissant aux règles de leur hospitalité si à la fin, ils ont juste avec le couscous ou la viande, c’est à eux, les hôtes de se contenter de ce qui reste. Par ailleurs, comme c’est eux, qui font aussi les serveurs, ils ne peuvent pas être à la fois au four et au moulin.

Avant de rentrer chez eux avec cet agréable sentiment d’avoir célébré dans les règles de l’art, le rite ancestral, les visiteurs passent par les notables du village hôte pour leur faire don d’une  » waada « , petite somme d’argent, et recueillir leur bénédiction.

Pour en arriver là c’est-à-dire satisfaire les exigences d’une tradition séculaire, les habitants du village Aït Sidi El Mouhoub ont dû consentir un grand sacrifice dans leur budget familial et accomplir une série de travaux en amont. D’abord s’organiser pour se réunir à la mi-Ramadan pour décider du nombre de bêtes à acheter et à égorger pour l’occasion. Ensuite, l’avant-veille de L’Aïd procéder à “Louziâa” c’est-à-dire débiter la viande des animaux sacrifiés et la partager en lots sensiblement égaux entre les foyers qui ont exprimé leur volonté de participer à la célébration de la tradition. Enfin, les foyers concernés accommodent cette viande et apportent à la mosquée le matin de l’Aïd le couscous garni du nombre de morceaux de viande convenu lors de la réunion.

B. Mouhoub

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