La cour du roi Pétaud

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Si la charte pour la paix et la réconciliation nationale porte solennellement le sceau du président de la République, elle ne cesse cependant d’être pétrie, malaxée et formatée par différents acteurs de la vie politique et sociale selon les caprices et les fantasmes des uns et les visions papelardes et machiavéliques des autres.Au moment où le concepteur du texte déclare, urbi et orbi, lors de ses déplacements à Sétif et Béchar, qu’il n’y aura pas d’amnistie générale sous quelque forme que ce soit, le secrétaire général du FLN, dans l’entretien qu’il a accordé à Saout El Ahrar, trouve au document soumis au référendum populaire des “vertus” que seul lui a pu décrypter. Pis, il fait des extrapolations qui ont tout l’air d’être des suggestions murmurées du bout des lèvres et qui agréeraient à l’ancienne aile du parti connue sous le nom de “barbéfélène”. Soufflant le chaud et le froid, il déclarera — sans crainte de tomber dans la contradiction — à l’université d’été tenue par son parti à Boumerdès que “les responsables de l’ex-FIS seront interdits de toute activité politique”. Après toutes les épreuves vécues par la nation et qui ont failli la reléguer dans les archives de l’histoire et dans les abysses de l’humanité, il se trouve encore des acteurs politiques — qui ambitionnent de surcroît de récolter des sièges dans les prochaines élections en Kabylie — pour chanter le hosanna d’un retour pur et simple à l’activité politique légale de ceux qui sont à l’origine de la tragédie nationale et qui ont juré la fin de l’Algérie historique. Le projet de charte leur ferme pourtant définitivement les portes. Abassi Madani, lui, ne s’y est pas trompé en déclarant dans un entretien accordé au journal Ech-Chourouq, édition d’hier : “J’ai appelé le peuple à soutenir le Président pour réaliser la réconciliation nationale à condition que celle-ci soit réelle et non formelle, à condition aussi qu’elle soit une solution radicale et non partielle (…). Le président a appelé à un référendum sur l’amnistie générale, et voilà qu’il en fait un référendum sur une charte qui met le peuple devant le fait accompli qui lui fait choisir entre deux solutions dont la plus douce est amère !” Nous disions que le personnage ne s’y est pas trompé dans le sens où il déclare son opposition à un projet qui l’exclut, lui et ses compagnons, de l’exercice de l’activité politique. Le secret désir de vouloir récupérer l’ancien électorat du parti dissous n’est pas fait pour rassurer les citoyens sur la pratique politique dans notre pays d’autant que le coup vient d’une partie de l’Alliance présidentielle. cela montre toute la fragilité de ce conglomérat et justifie les propositions d’une recomposition du champ politique par des élections législatives anticipées émises par une partie de la classe politique. Outre ce contenu étrange que certains ont voulu donner au texte de la charte, cette dernière souffre également d’une vulgarisation à l’emporte-pièce à laquelle ont été associées même les mosquées. Le prêche du vendredi dernier retransmis par la télévision est l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire.Avec une tonalité zélée que développent tous les nouveaux convertis, le jeune imam s’égosillait laborieusement à acquérir les suffrages des prieurs avec un sens de conviction bien écorné.Que chacun use et mésuse à sa convenance d’un texte — qui a l’ambition de mettre fin à une décennie de terreur, de sang et de haine — renseigne sur l’état peu reluisant, voire délétère, de la pratique politique en Algérie qui tient plus de la cour du roi Pétaud que de l’agora telle que rêvée par les citoyens et les démocrates républicains.

Amar Naït Messaoud

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