Entretien Madjid Soula brise le silence : “Je n’ai pas encore tout dit”

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Madjid Soula est l’un des plus célèbres chanteurs kabyles. Il est auteur, compositeur et interprète de ses chansons. Ce talentueux artiste se révèle au grand public en 1980 avec la parution de son premier disque « Icherqed yitij » (Le soleil brille). Depuis, un long chemin est déjà parcouru. L’auteur de “Tilawin” (Les femmes), a une très belle voix. Ses mélodies exquises et bien élaborées nous invite à un voyage dans le patrimoine et les racines berbères sans omettre la dimension universelle. Le fils de la Kabylie chante avec une sobre ferveur l’identité amazighe, l’amour, les problèmes de la société la liberté la laïcité et bien d’autres sujets captivants. Ses chansons sont tendres et pétillantes. Ce grand musicien algérien a aussi le mérite d’innover dans la musique kabyle, sans altérer la substance essentielle du patrimoine ancestral. Dans cet entretien, Madjid Soula nous parle de la création artistique.

La Dépêche de Kabylie : Vous êtes l’une des figures emblématiques de la chanson kabyle. Parlez-nous un peu de votre parcours.

Madjid Soula : Vous me flattez (rires). Je pense que c’est mon œuvre qui peut bien exprimer ce qui j’ai fait dans le domaine artistique. Comme nombre d’artistes de ma génération, j’ai fait un peu mon devoir de militer pour la cause amazigh et pour la liberté. Durant des années, j’ai chanté l’amour, les tourments sociaux et bien d’autres thèmes. Avec Mohamed Haroun et d’autres hommes infatigables, j’ai tenté de contribuer, à ma manière, au développement de notre société.

Quelles sont vous sources d’inspiration ?

Toutes les belles choses de la vie peuvent être des sources d’inspiration. Moi personnellement, la nature m’inspire énormément. De jour comme de nuit, je revisite dans mon imagination les plus beaux endroits de la Kabylie et d’Algérie. Nous avons un pays enchanteur. Toutefois, le malheur et les problèmes de la vie peuvent aussi m’inspirer. Il n’y a pas que les roses dans la vie.

Vous êtes établi en France. Pouvez-vous nous parler des espaces artistiques qui sont mis au service de la culture et de la chanson algérienne dans ce pays?

La France est un pays qui regroupe sur son territoire toutes les cultures du monde. C’est un pays de la diversité. Toutefois, je pense que les espaces réservés à notre culture sont très restreints. Heureusement que nous avons certains médias comme Berbère Télévision et Beur FM, qui véhiculent nos créations artistiques. Je suis un citoyen du monde, qui chante les spécificités de sa société. En France, ou un peu partout dans le monde, je n’ai guère le complexe de chanter tout ce qui me préoccupe. Pour moi, l’art n’a pas de frontières.

Quelle est la situation des émigrés algériens en France ?

Certaines personnes arrivent à s’adapter au rythme hâtif de la société occidentale. Cependant, d’innombrables personnes peinent à vivre, ou plutôt à survivre. La situation des sans papiers, par exemple, est lamentable. Par ailleurs, même les gens qui sont dans des situations régulières arrivent à joindre les deux mois péniblement. L’autre rive de la Méditerranée n’est pas du tout l’Eldorado. En France, le matérialisme farouche se généralise d’avantage. Chez nous en Algérie, des jeunes refusent de faire les petits boulots, mais ils sont près à faire n’importe quoi à n’importe quel prix, sous d’autres cieux. Les jeunes se font des illusions, parce qu’on ne leur donne pas la chance de s’émanciper chez eux ; sur la terre qui les a vus naître. Notre pays connaît tous les paradoxes : la misère augmente avec la flambée des prix du pétrole. C’est inconcevable !

Vous préparez un nouvel album. Pouvez-vous nous en parler ?

Oui, effectivement je prépare un nouvel album qui sera sur le marché dans quelques semaines ou quelques mois. C’est un travail artistique qui regroupe plusieurs sujets d’actualité comme l’immigration. J’espère que mon public l’appréciera positivement.

Vous êtes un militant de la première heure de la cause amazigh. Que pensez vous de l’officialisation de la langue berbère dans notre pays ?

C’est une louable initiative d’officialiser Tamazight, après tant d’années de mépris et d’intolérance. Le chef de l’Etat a fait un bon geste. Mais il faut que notre langue millénaire soit nationale et officielle, pour que l’Etat s’engage à la prendre en charge dans toutes ses dimensions.

Vous avez toujours milité pour l’égalité entre l’homme et la femme. Etes-vous satisfait de la condition de la femme algérienne ?

Je pense que beaucoup de choses ont changé. Aujourd’hui, je suis fier de voir la femme algérienne dans tous les domaines et secteurs. Il y a quelques années, la femme ne pouvait pas circuler librement dans la rue. Mais peut-être que le vrai changement doit se faire au niveau des mentalités des gens.

Quels sont vos projets artistiques ?

J’ai beaucoup de projets. Je n’ai pas encore tout dit, malgré tout ce que j’ai fait dans ma modeste carrière très mouvementée. Dans l’avenir le plus proche, mon nouvel album sera disponible sur le marché algérien et français. En outre, je vais probablement faire une tournée musicale dans les grandes villes d’Algérie.

Entretien réalisé par Ali Remzi

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