M’chedallah : Assif N’sahel ronge les terres agricoles

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Baptisé administrativement Oued Sahel durant l’opération «d’arabisation à outrance» dans les années 1970, Assif n’sahel est en fait le prolongement en aval d’Assif N’soumam longs tous les deux de quelque 150 km ; soit de la sortie Est de la ville de Bouira jusqu’à celle de Bgayet. Donc, Assif N’sahel dénommé localement Assif Amokrane est l’une des plus importantes rivières ou cours d’eau d’Algérie avec le Rummel à l’est et le Chélif à l’ouest. Cette rivière du centre est prise entre les deux plus importants massifs montagneux du pays qui sont le Chréa qui s’étend de Sour El Ghozlane jusqu’aux Bibans dans la wilaya de Bordj Bou arareredj et celui du Djurdjura qui s’étire de Draâ El Mizan Wilaya de Tizi-Ouzou jusqu’à l’Akfadou à B’gayet. Ces deux immenses chaînes de montagnes sont parcourues par des centaines de ruisseaux ravins et ruisselets qui prennent naissance à leurs sommets et qui viennent se jeter dans Assif N’sahel récoltant et drainant sur leurs passages l’ensemble des débits de centaines de points d’eau, ajouté à ceux des pluies et de la neige durant toute la saison humide, soit la moitié de l’année, auxquels viennent se greffer d’autres centaines de rejets d’assainissements. Un sommaire tour d’horizon permet d’avoir une idée approximative du volume d’eau que reçoit ce cours phénoménal, que seule la nature et les forces célestes peuvent réussir, qu’aucune force humaine ne peut reproduire. Nos aïeuls qui traversaient jadis ce cours d’eau à gué pour aller cueillir leurs récoltes d’olives durant l’hiver des deux côtés des berges, voient chaque saison quelques uns d’entre eux emportés par les eaux en furie durant la période des crues. Une ancienne croyance populaire fait dire à nos ancêtres que les victimes sont le «prix à payer» à la rivière afin qu’elle se laisse traverser, ils disent que la rivière «mange». Chaque famille a un spécialiste de la traversée, une sorte de passeur qui l’assiste chaque jour pour limiter les pertes. Pourquoi n’ont-ils pas confectionné des ponts est-on censé penser : la réponse est tout simplement qu’avec les maigres moyens de l’époque, il est pratiquement impossible de construire un ouvrage assez solide pour résister aux violentes crues, il a fallu attendre l’arrivée des français pour voir les premiers ponts aménagés au niveau d’Assif Amokrane entouré de tout un mythe et de légendes tirées des croyances populaires les plus fantaisistes. Pour revenir au sujet qui nous intéresse, objet de notre reportage, le profond lit de cette millénaire rivière large de plus de 100 m était dans un temps pas très lointain, des terres agricoles fertiles, des oliveraies et des jardins qu’elle a engloutis et elle continue à grignoter chaque hiver des parcelles des deux côtés des berges. Cette rivière qui fait partie du décor naturel, fait objet de peu d’intérêt, pourtant, il suffirait de multiplier ces 150 km de long par les 100 m de large pour avoir une notion exacte de la surface de la meilleure terre des plaines traversée au milieu qu’elle s’est accaparée une surface qui s’élargie au fil du temps. Un état de fait aggravé par l’extraction sauvage de sable avant que les pouvoirs publics ne réagissent il y a à peine 2 ans, pour réglementer cette catastrophique activité sans l’interdire totalement pour permettre à des dizaines de sablières de continuer à fonctionner à plein régime. C’est vraiment bizarre de constater que de petits ravins qui alimentent cette rivière ont fait objet d’étude qui ont abouti à la réalisation d’ouvrage appelés «correction torrentielle», une technique appliquée par les forestiers pour protéger des crues, le tissu végétal et réduire l’effet d’érosion ; une technique dont personne n’a pensé faire bénéficier Assif N’Sahel. Pourtant, c’est une méthode des plus réussies, simple et à moindres frais, qui consiste à aménager un système de gabionnage à l’aide de pierres puisées dans le lit même de l’oued et du grillage Zimmermann disponible localement. Il suffirait d’aller inspecter deux endroits seulement, l’un au niveau de la localité Assif Assemadh et l’autre à Achadhoukh à proximité de Raffour, tout deux en territoire de la commune de M’chedallah pour constater deux effroyables falaises longues de plus de 100 m chacune et hautes d’environ 60 m formées par les violentes crues d’hiver pour déduire que cette technique doit être lancée sans délais ; ce qui permettrait de ramener à 10m, la largeur de la rivière. Une opération qui permettrait aussi de récupérer les légendaires vergers et jardins de Thichikartk d’Ath Yekhlef, Thivhirht N’Niyia à Ighrem et Thaghzouth N’Ath Mansour et cela pour n’évoquer que ceux de ces jardins engloutis dans le territoire de la Daïra de M’chedallah ; des vergers qui étaient de véritables reproductions de la défunte Mitidja ; des jardins qui faisaient vivre des centaines de familles avec des spécifiés telles que : la culture de pêches ou de grenades introuvables ailleurs, le tout transformé en…lit d’oued. Lancer des opérations de récupération de ces centaines d’hectares de terre fertiles serait beaucoup plus utile que d’envoyer à l’aventure, des jeunes du nord inexpérimentés se casser les dents sur les galets de Guerrerra, (W. Ghardaïa), Touggourt ou Oued Souf.

Oulaïd Soualah

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