La venue aujourd’hui du chef du gouvernement Ahmed Ouyahia est très attendue à Tizi Ouzou. Plus qu’un meeting pour la défense de la charte pour la paix, la rencontre de ce jeudi est symbolique aux yeux de la population locale qui accueille, faut-il le rappeler, un responsable politique de haut niveau qui est un enfant de la région. Beaucoup de Kabyles ont été surpris en entendant pour la première fois Ahmed Ouyahia s’exprimer publiquement dans un kabyle châtié. Ici, les gens pensaient qu’Ouyahia était originaire de Kabylie, mais ayant vécu et grandi dans l’Algérois, on avait supposé qu’il n’avait retenu de la langue de Massinissa que des bribes. C’était alors la grande découverte dans une région où l’attachement à la langue maternelle n’a d’égal que son patriotisme. D’ailleurs, vu l’intérêt que suscite le meeting d’aujourd’hui, beaucoup s’interrogent à Tizi Ouzou pourquoi la rencontre n’a pas été organisée dans un espace plus vaste, un stade par exemple, afin de permettre à un maximum de citoyens d’y prendre part. On reconnaît aujourd’hui à Tizi Ouzou le rôle incontestable joué par Ouyahia, notamment dans le règlement de la crise de Kabylie. Sans céder aux passions et sans répondre aux provocations, le chef du gouvernement a placé l’intérêt de la Kabylie au-dessus de toute autre considération. Son attitude imprégnée de sagesse a permis d’éviter d’ajouter de l’huile sur le feu. Le dernier dialogue avec les archs, couronné par un succès a été le fruit de cette démarche porteuse. Ouyahia a choisi de travailler avec des hommes de la région qui placent l’intérêt général au-dessus des ambitions bassement individuelles voire mercantiles. C’est grâce à ces derniers que le dialogue a pu être un succès et ce, contrairement à ceux qui ont précédé, notamment ceux menés à l’époque de Ali Benflis. Tout le monde, à Tizi Ouzou, garde en mémoire la fameuse appellation ironique des délégués « taïwan « . Les adversaires politiques de Ahmed Ouyahia, pour lesquels la Kabylie et tamazight ont, pendant des années, été un fonds de commerce inépuisable, n’ont pas du tout apprécié la dextérité et la finesse avec laquelle Ouyahia agit dans le but d’éteindre le feu et, en même temps, relancer la construction économique de la Kabylie. Ces même adversaires ont poussé l’outrecuidance jusqu’à oser pouvoir en redire sur la réussite du dernier dialogue. C’est à peine qu’ils ont la » retenue » de ne pas déplorer que d’autres enfants de la Kabylie ne tombent pas encore. Ils en veulent aussi à Ahmed Ouyahia d’avoir joué un rôle prépondérant dans la reconnaissance de tamazight comme langue nationale. Car à leurs yeux, cette langue doit rester un cheval de bataille et sa prise en charge par l’Etat signifie qu’on leur a extirpé leur raison de survie politique. Le fait qu’Ouyahia ait, durant tout son parcours, répondu à l’injure et à l’invective par le silence, a permis aux Kabyles d’identifier et de démasquer les imbéciles. On se souviendra que c’est Ahmed Ouyahia, en tant que conseiller de l’ancien président Liamine Zeroual, qui a dialogué avec le Mouvement culturel berbère pour mettre fin à l’année du boycott scolaire, qui a pénalisé les enfants de la Kabylie. Tandis que les initiateurs de cette même action, eux, avaient envoyé leurs enfants à l’étranger afin de ne pas rater une année de leur vie scolaire. Ce dialogue a été le début de la réhabilitation effective et officielle de l’Amazighité après trente-trois ans de déni total et sans appel. C’est vrai qu’il a fallu du temps pour que nous puissions découvrir l’homme politique qu’est Ahmed Ouyahia, mais dans la culture kabyle, tout le monde sait que ce sont les choses qui prennent du temps à naître qui s’inscrivent dans la durée…Et la preuve sera donnée aujourd’hui à Tizi Ouzou, c’est-à-dire dans la région natale d’Ouyahia.
Aomar Mohellebi