Depuis Lucy, la grand-mère de l’humanité, qu’un jour les mâles du clan ont laissé périr dans les flots tumultueux du fleuve Omo sans un regard, ni une main secourable, que de frilosité, de malentendus, de rendez-vous ratés. Et c’est pas à pas envers et contre tous que la moitié de l’humanité est arrivée à un peu plus de respect, à une considération parfois boiteuse, à se frayer un chemin pas aux côtés de l’autre représentant de l’espèce, mais plutôt en marge, en retrait !Pourtant des heures glorieuses, la femme en a eu. Des amazones, pas celles de la mythologie, mais les fières cavalières du royaume d’Abomey au Bénin à la reine Pokon qui conduisit son peuple à la terre promise, de Tin Hinan à Dihya. Elles gagnèrent honneurs, gloire, pouvoir et richesses. Mais Dieu, que ce fut laborieux et surtout sans lendemain.Même la religion ne lui aura pas fait de fleurs. A commencer par le mythe réducteur et mutilant d’Eve la tentatrice, la source du péché originel. Plus tard, l’église du Moyen-Age l’a assimilée à une créature « sans âme » entraînant dans son sillage l’adhésion des mâles ravis de ce soutien inattendu qui vient réconforter leur certitude d’êtres supérieurs. Quant à l’Islam sous des dehors accommodants, il ne fait guère mieux : soumise jusqu’à trépas au tutorat du père et des frères d’abord, et du mari ensuite, elle demeure l’être dont on peut disposer à volonté.Le chemin a été long, tortueux, pavé de mauvaises intentions. Le XXe siècle a été le siècle des luttes, de toutes les luttes. Des suffrages au women’s lib, le mouvement de libération de la femme a fait avancer de manière incontestable le combat de la femme qui a retrouvé enfin… une âme. Et là encore, les femmes sont parties en ordre dispersé. Le combat d’Angela Davis n’a pas été celui de ses sœurs africaines. Et les inégalités entre le Nord et le Sud demeurent sidérales, sidérantes. Si l’Europe et l’Asie se taillent la part du lion dans la féminisation des plus hautes responsabilités de l’Etat : 3 reines, 3 présidentes en Europe, 3 présidentes et un Premier ministre en Asie, l’Amérique du Sud et le Moyen-Orient sont exclusivement marqués par un machisme que l’on croyait révolu et d’une autre époque. De même, on ne trouve aucune femme au pouvoir autour des deux rives du bassin méditerranéen. Chapeau bas à la Nouvelle-Zélande où le gouverneur général et le Premier ministre sont des femmes. Le 8 mars, de plus en plus vidé de sa substance, est l’objet d’attaques en règle venant de tout côté. La remise en cause tend à se généraliser, car cette date est perçue comme facteur de démobilisation. Un peu comme si nos tendres moitiés se suffisent du chemin parcouru et des concessions arrachées, pas grand-hose en vérité dans certaines contrées. D’autant que certains esprits retors en mal de machisme primaire, disent, goguenards, que « c’est la seule journée où les femmes ont le droit de sortir de leurs cuisines ! ». Cette pique, bête et méchante, occulte totalement le combat au quotidien mené contre la marginalisation sociale, les violences conjugales, les agressions sexuelles, malmenant du même coup le postulat en vogue qui soutient que le niveau de civilisation d’un pays est tributaire du statut de la femme dans la société.Les clichés ayant la peau dure, les habitudes aussi, le combat d’un peu plus de la moitié des « terriens » a encore de beaux jours devant lui. Combat pacifique, car les autres, l’autre moitié, les mâles, le combat, la guerre, ils les font pour de vrai !
Mustapha R.