L’euro a encore baissé durant cette dernière semaine d’août à l’important marché parallèle de la devise de Tazmalt. De 12,60 DA en janvier, il est passé à 11,20 le week-end passé aprés avoir été stable à 11,50 durant les mois de juin et juillet. Cafetiers, coiffeurs, tenants de taxiphones ou de cybercafés, tous jouent aux cambistes, avec un petit bureau dans l’arrière boutique, doté d’un coffre fort, parfois d’un ordinateur ! Après tout, la monnaie est une simple marchandise, et l’été est la saison de l’euro, comme c’est la saison des figues de Barberie ! Chacun ses moyens, on saisit l’aubaine comme on peut. Le marché de la devise est sur le trottoir, comme celui de la figue ou de la sardine”, ouvert 24 sur 24 et sept jours sur sept où les adresses sont connues. Il y en a une dizaine dans ce gros bourg promu chef-lieu de daira, avec sa police, son tribunal et sa mairie sans maire. Les collecteurs des devises se partagent une offre située dans une cinquantaine de villages à fort taux d’émigration. Tous les hameaux de Beni Melikèche, ceux des contreforts méridionaux du Djurdjura qui surplombent le gros village de M’chedallah, les villages de l’est de Bouira qui ouvrent sur la vallée de la Soummam, et la totalité des localités de la chaîne des Bibans dont les citoyens ont pour marché hebdomadaire le grouillant souk de Tazmalt où tout se vend même la mort.Une stèle trône à son entrée pour rappeler aux badauds les cinq âmes fauchées par une bombe le mercredi 15 mai 2002. L’offre en devises provient principalement des pensions des retraités et de veuves de retraités, ayant trimé durant la jeunesse dans des conditions que d’aucuns d’écrivent aujourd’hui comme inhumaines. La venue d’émigrés en vacances a quelque peu influencé à la baisse le marché stable depuis des mois. Venus en masse dans un tourisme spécifique, les émigrés ont vendu beaucoup d’euros, impressionnés par les faibles prix des produits de qualité supérieure à ceux qu’ils achètent chez Tati ! La demande en euros est exprimée par de gros importateurs aux besoins incommensurables. Avoir de l’euro en espèces, ou des chèques au porteur à retirer dans des banques européennes est une chance et un atout important pour la circulation des hommes et des marchandises. Quelques touristes locaux, des étudiants ayant la chance de décrocher un visa, des malades en besoin d’hospitalisation, ou même des pèlerins en préparation de voyages vers la Mecque, achètent de l’euro tant que cette devise est au plus bas ! Un équilibre s’est instauré entre d’une part les grosses sommes collectées auprès des enfants de l’ghorba, et des retraités qui mènent une vie de patachons, se rattrapant sur toutes les souffrances qu’ils ont endurées dans les ports comme dockers ou au fond des mines sous la menace du grisou, et d’autre part les besoins sans cesse grandissants des marchands compradores et des importateurs nouvellement enrichis. L’impact des banques publiques est quasi nul sur ce marché. Il est difficile, voire impossible, d’ouvrir un compte en devises dans les succursales de ces établissements financiers si vous ne connaissiez personne de l’autre côté du guichet ! C’est paradoxale, mais des banques qui refusent une offre en devises fortes ça existe chez nous, c’est à peine si on ne vous oriente pas vers le cambiste parallèle !
R. Oulebsir
