Avec une voix pure qui sort de la terre nourricière comme une graine qui germe et devient frêne lumineux, tremble souple ou olivier éternel, Nadia At Mansour à l’instar de Fadma At Mansour Amrouche, en d’autres temps et circonstances, nous livre un message de liberté celui qui brise les frontières et rassemble dans un superbe élan, l’humanité toute entière, un message «cueilli aux lèvres sèches de l’Ancêtre», comme l’a si bien écrit Jean Amrouche dans un de ses poèmes, paru dans espoir et Parole».
«Ur lligh d igenni
Ur lligh d lqa3a
Ur lligh d cetwa
Ur lligh d anebdu
Ur lligh d azaghar
Ur lligh d amalu
Tamazight illigh…”
Au-delà des mots qui fraient un chemin vers la liberté chevauchant le Verbe, celui qui relie les chants anciens au monde moderne, Nadia laisse couler la source de sa captivante et sereine voix, celle des montagnes qui font reculer l’obscurité pour maintenir allumée la flamme de la conscience et nous révéler à nous-mêmes.
L’instant d’une parole libre et riche, s’exprime la possibilité de réconciliation dans un langage universel éclairé de la diversité des cultures, mêlée à une profonde tendresse à l’égard de la langue mère transmetteuse des valeurs ancestrales sans lesquelles la liberté est compromise. Qu’elle chante «a k cekragh» (louange à toi), mélodie douce comme une caresse, «ul inu d ameksa», (mon cœur est un berger), chanson d’eau et de feu ou la mélodieuse «ur lligh» (je ne suis pas).
«Ur lligh tameddaht
Ur lligh tahurit
Ur lligh tamghart
Ur lligh tilemzit
Zgigh tahurit
Tamazight illigh”
Chez Nadia At Mansour, la parole est mouvante, expressive et énergique, elle interprète son émotion personnelle tout en traduisant la réflexion de l’Homme, à la faveur de mélodies de qualité qui se mémorisent et se fredonnent ; des mélodies travaillées qui plongent dans le cœur de la Kabylie profonde, humaine et universelle : «ur lligh d ljama3, ur lligh d naquis …»
Accompagnée à la guitare par Malika Ouahès, son amie, sa complice, la merveilleuse interprète de «siwed slam i bu la3yun a naqus», Nadia chante divinement les «Dkar», chants soufis de la Kabylie, chants sacrés aux saveurs spirituelles, voguant sur une voix qui porte l’empreinte des anciens, mais tout comme dans les contes, jette un pont d’un continent à l’autre, du passé à l’ouverture sur le monde actuel ; une voix qui berce et enchante. Chants de l’âme, de plénitude, de méditation et de suprême communion, de liberté infinie «tazerzart», nous rappelle «lemri» de chérif Kheddam, des vers chantant la gazelle libre et sans entraves, parcourant les espaces sans limites :«taghuzalt yeksan dug arqub, ur tessa3i la3yub, ur ta3ciq dug barani». L’album de Nadia Akni contient 9 titres, dont 8 sont de sa propre composition. Cette artiste de père kabyle de Tizi-Hibel et de mère française, est née en Algérie qu’elle quitte à 16 ans. Médecin interne des hôpitaux de paris, dermatologue, elle s’oriente vers la psychologie, après un post-doctorat à Harvard. Elle travaille en Suisse, comme médecin assistant en psychiatrie. Elle est aussi l’auteur de l’ouvrage, «à la recherche de l’âme», une quête sur la psychologie du conte initiatique intitulé «Aini», une interprétation qui met des mots sur les émotions, les interdits et les relations ombrageuses des hommes et des femmes dans la société kabyle. Le conte étant plein d’enseignement qui véhiculent des valeurs sociales, ils sont considérés comme des productions mystérieuses de l’âme populaire, Nadia At Mansour en décrypte les mystères insondables et les signes universels. Son second ouvrage «le grain magique», «a3qa yesawalen» est une autre analyse du conte sur le monde complexe de la psychologie.
Nadia At Mansour a également publié de nombreux articles scientifiques et donné des conférences.
Son adage préféré résume à lui seul la grande artiste qu’est Nadia At Mansour Akni.
« Lhila ixezen tament, ay t iselghen d niyya » (le pot contenant le miel est scellé par la pureté).
Hadjira Oubachir