A soixante dix ans passés, Djoudi Attoumi garde une fraicheur d’esprit intacte et une frimousse toute juvénile. Ancien officier de la glorieuse ALN, il a rédigé quatre ouvrages résolument tournés vers la transmission de la mémoire. A quelques jours du Premier Novembre, il a bien voulu nous ouvrir son cœur pour nous remémorer quelques souvenirs.
La Dépêche de Kabylie : Quatres livres en quatre ans, manifestement l’Histoire vous tient à cœur…
Djoudi Attoumi : Absolument ! Un proverbe dit : » Un peuple qui n’a pas de Mémoire est condamné à revivre son Histoire”. Donc, l’Histoire est d’un apport capital pour toute nation notamment l’Algérie à la fois jeune nation, mais dont l’Histoire est si longue et si riche. Peu d’auteurs se sont intéressés dans ce domaine est particulièrement la période 1954-1962, pourtant fort glorieuse.
Dans quelles circonstances avez-vous rejoint le maquis ?
J’ai pris le maquis en 1956, avant mes dix-huit ans. Lors du déclenchement de la Révolution, je me sentais déjà assez mûr malgré mon âge, ceci grâce à l’éducation qu’on recevait des parents qui nous ont appris dès le berceau à reconnaître l’ennemi ; et que le colonialisme en faisait partie principalement. J’ai quitté Alger et déchiré ma carte d’identité française, ainsi j’ai pris ma décision avec conviction pour rejoindre l’ALN, et j’eus droit à un traitement exceptionnel : j’ai quitté mon village Iguer Amar (Tinebdar) tout droit vers le PC de la wilaya implanté à Mezouara (Akfadou) sans aucune mise à l’épreuve. Depuis, j’ai sillonné la Kabylie tantôt comme secrétaire et rédacteur, tantôt à la tête de moudjahidine.
Le congrès de la Soummam fut un tournant durant la lutte de Libération. Quelles étaient ses conséquences sur la guerre ?
Ce congrès a été un événement extraordinaire qui n’a d’égal que le 1er Novembre en apportant des décisions capitales quant à l’organisation des maquis et l’unification des règles d’organisation. Aussi, le découpage territorial de l’Algérie en six wilayas avec leurs zones et secteurs a été salvateur pour l’ALN, laquelle s’est vu organisée la répartition des grades et des responsabilités sans oublier la formation des unités combattantes. Chose aussi capitale ; il a institué un pouvoir collégial, la création des tribunaux qui se chargeaient de juger les délits et crimes où chaque prévenu a droit à l’assistance d’un avocat. Bref, il va sans dire que ce congrès a planté les jalons du futur Etat algérien.
Amirouche occupe actuellement les devants de la scène. Qu’en pensez-vous du personnage ?
C’est une figure charismatique à laquelle j’ai consacré deux ouvrages. Aujourd’hui encore, je n’oublie pas sa grandeur et son patriotisme. Actuellement, il est vrai que la polémique enfle mais, je profite de cette occasion au même titre que mes anciens compagnons pour dénoncer ses détracteurs qui brandissent les mêmes slogans que les sinistres officiers de l’armée française tels le capitaine Léger, et les colonels Jacquy et Godard. Aussi, je démens formellement le génocide d’intellectuels qu’on prête à Amirouche…
Justement, qu’on est-il de la » Bleuite » ?
C’est un complot ourdi, fomenté par le capitaine Léger dont Amirouche est tombé en plein dedans. Mais, nuance ! J’affirme qu’Amirouche n’a tué personne contrairement à ce qu’on suppute sur sa personne et son implication dans les exécutions.
L’Histoire de la guerre d’Algérie est-elle bien transmise ?
Non, pas du tout ! Hélas, elle n’est qu’à sa période de balbutiements. Cependant, il faut qu’un regain d’intérêt pour l’Histoire commence à se manifester aussi bien de la part des auteurs eux-mêmes qui cherchent à transmettre leurs témoignages et les nouvelles générations qui cherchent à comprendre et savoir ce qui s’est réellement passé.
Je vous laisse conclure…
La Révolution algérienne a été unique en son genre car suscitant l’admiration du monde entier, nos ennemis l’ont compris. Cet élan de tout un peuple pour la Libération du pays doit nous inciter tous pour faire sortir le pays du sous développement et je pense personnellement que notre peuple est capable de miracles.
Entretien réalisé par Tarik Djerroud