Au marché outre les prix pratiqués qui donnent le vertige, les langues se délient abondamment et le ton est empreint d’une profonde indignation. “Dans notre tradition, on ne lapide jamais les casseurs du jeûne, chacun est libre de l’observer ou non», professe un homme d’un âge avancé. Le même courroux est aussi perceptible auprès des jeunes. “Durant le Ramadan, j’ai mangé chaque jour et cela ne regarde que moi, dit un étudiant. Je travaille dur pour financer mes études et le texte coranique ne m’oblige à souffrir outre mesure, ma santé prime et Dieu est clément !”
Aux premières lueurs du jour, ce vendredi matin, tous les chemins mènent vers le marché hebdomadaire. Les discussions vont bon train sur un quotidien morose et éreintant. A la vie chère et au prix du mouton inabordable s’est greffée la chronique judiciaire qui tient en haleine toute la région d’Ighzer, devenue en quelques semaines l’épicentre d’une affaire aux résonnances nationales. En effet, depuis le mois d’août dernier, en plein Ramadan, plusieurs citoyens de cette paisible localité sont dans le collimateur de la justice, accusés d’avoir mangé en plein jour et, pour ainsi dire, porter atteinte à l’un des préceptes de l’Islam, à savoir le jeûne.
Au marché outre les prix pratiqués qui donnent le vertige, les langues se délient abondamment et le ton est empreint d’une profonde indignation. “Dans notre tradition, on ne lapide jamais les casseurs du jeûne, chacun est libre de l’observer ou non», professe un homme d’un âge avancé. Le même courroux est aussi perceptible auprès des jeunes. “Durant le Ramadan, j’ai mangé chaque jour et cela ne regarde que moi, dit un étudiant. Je travaille dur pour financer mes études et le texte coranique ne m’oblige à souffrir outre mesure, ma santé prime et Dieu est clément !”
Au marché et dans les cafés, parler des non-jeuneurs provoque instantanément des attroupements. Des comités de soutien naissent partout et s’activent pour “faire triompher la tolérance», annuler le procès, respecter les libertés, et faire cesser la compagne d’acharnement qui vise à mettre au pas toute la société. Et chaque comité fourbit ses arguments invoquant la liberté de conscience garantie par la Constitution algérienne, et la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
Il est presque midi. Un avocat de la localité est sitôt de passage qu’il est entouré et assailli de questions. “A vrai dire, ce procès n’a pas lieu d’être, dit-il. Il suffit d’être regardant envers la Constitution et le droit international que notre pays a ratifié”. Les mains chargées de victuailles, en sortant, les passants s’arrêtent un par un à l’approche de l’avocat, qui débite un discours limpide tel qu’il miroite même la relaxe.
A deux jets de pierre du marché des appels à la prière s’élèvent de la mosquée voisine et les premiers fidèles accélèrent le pas. Le marché se vide peu à peu. Un commerçant ramasse ses cageots et laisse pointer l’ironie : “J’espère que la relaxe sera au rendez-vous telles les ondées de ces derniers jours qui sont très bénéfiques.”
De l’avis général, Ighzer Amokrane vit depuis des lustres au rythme du respect mutuel. La mosquée et l’église font bon ménage, tout comme les bars et les cafés. Le procès de ce lundi et l’arrêté qui s’en suivra donnera une certaine idée de la liberté dans notre pays. Bref, lundi, c’est une certaine idée de l’Algérie du XXIe siècle qui sera en procès !
T. D.
