Albert Einstein et Sigmund Freud ne se sont jamais rencontrés mais, en répondant à l’appel de l’Institut international de la Coopération Intellectuelle de Paris, en 1932, ces deux illustres hommes de sciences se sont donné à cœur joie d’échanger une correspondance prolifique et profonde que les Editions Lumières Libres ont synthétisé sous le titre : Pourquoi la guerre ?
En Fait, c’était cette même question qui leur avait été posée séparément à dessein de tirer la meilleure quintessence de leur lucidité et afin d’éviter au monde, à l’Europe notamment, l’embrasement d’un nouveau désastre comme celui de la guerre de 1914-1918.
Aussi, à l’heure ou les fascismes de tous poils aiguisaient leurs armes, faire élever des voix pacifiques et pacifistes était une mission à la fois nécessaire est urgente. Ainsi, la correspondance originale a été publiée deux semaines seulement après l’ascension d’Adolf Hitler au pouvoir ; cette correspondance est désormais sur les étals algériens depuis un petit mois.
Dans sa contribution, le physicien se demandait d’emblée s’il «existe un moyen d’affranchir les hommes de la menace de la guerre», avant de partir en croisade contre les Etats grandiloquents, dont l’obsession se résume à l’hégémonie perpétuelle, qu’ils s’obstinent à imposer au reste du monde, ce que le physicien appelait : «l’appétit politique de puissance» et suggère nommément : «la sécurité internationale impose aux Etats l’abandon d’une partie de leur liberté d’action…». Tout en demeurant sur ses gardes, le physicien et père de la Relativité s’est finalement borné à poser des questions qu’à en répondre, une manière bien à lui de dire à Freud que la guerre est finalement une matière propice au psychanalyste qu’au physicien, dut-il être prix Nobel. Au terme de sa lettre, Einstein laissa poindre cette interrogation : «Existe-t-il une possibilité de diriger le développement psychique de l’homme de manière à le rendre mieux armé contre les psychoses de haine et de destruction ?»
Aussi Einstein fut bref, aussi Freud fut un long texte expositif, long, allant presque goulûment au fond de la question. Cependant, fort lui était de constater que : «pour le moment encore, vouée à l’échec, on commet une erreur de calcul en négligeant le fait que le droit était, à l’origine, une force brutale et qu’il ne peut encore se dispenser du concours de cette force».
L’homme, dit-il, est animé d’un fort instinct de haine et de destruction ; deux bémols innés qui le maintiennent à chaque instant cramponné à sa «condition primitive». Mais, avec l’effort, l’Homme se hisse au rang de pacifique en vertu de «mobiles organiques» et ceci est un long cheminement qui se résume «au développement de la culture». Bref, annonça Freud au terme de son exposé «tout ce qui travaille pour la culture, travaille contre la guerre».
Tarik Djerroud
