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Retour sur la traversée d’une zone de turbulence

Rachid Boudjedra, grand écrivain algérien, inaugurera la série des rendez-vous baptisés «A la rencontre des littératures du monde francophones». Animées par Abdellah Baida et organisées par l’AMEF et l’Institut français de Rabat, ces rencontres visent à mieux faire connaître cette littérature.

Il faut donc tenir encore quelque temps…», Voici la dernière phrase du premier roman de Rachid Boudjedra, «La Répudiation» (1969). Et depuis, il tient bon. Il a touché à divers genres d’écriture passant de la poésie à l’essai, de l’écriture des scénarios au théâtre et demeure une longue histoire d’amour avec le roman. Histoire, psychanalyse et sociologie sont convoquées pour prêter main forte à sa plume déjà aguerrie qui est en permanence projetée contre les archaïsmes et les aberrations. Dans son deuxième roman, «L’Insolation» (1972), Boudjedra revient sur cette enfance saccagée caractérisant nos sociétés arriérées. Vient ensuite cette «Topographie idéale pour une agression caractérisée» (1975), un récit hallucinant qui se penche sur la fraîche plaie, à l’époque, de l’émigration. La folie fait sa réapparition dans «L’Escargot entêté» (1977) sous d’autres formes incarnées particulièrement par le chef d’un bureau de dératisation doublé d’un écrivain honteux. Un regard lucide est porté sur l’Algérie contemporaine et le poids de l’islamisme dès 1982 à travers «Le Démantèlement», roman d’obédience analytique qui n’en demeure pas moins très inspiré sur le plan esthétique. La situation socio-politique en Algérie et surtout la montée de l’islamisme seront deux composantes qui vont submerger par la suite l’œuvre de Rachid Boudjedra, en face ou en creux, notamment au cours des années 90 : «Le Désordre des choses» (1991) ; «Le FIS de la haine» (1992) ; «Timimoun» (1994) ; «Mines de rien» (Théâtre, 1995)… jusqu’aux années 2000 où un roman comme «Les Funérailles» (Grasset, 2003) met en scène une femme commissaire qui traque les terroristes tout en essayant de trouver un sens à sa propre vie. L’itinéraire de Rachid Boudjedra est ainsi riche en œuvres de dénonciation et de contestation. Une quête permanente de lucidité.

Ecrivain algérien natif de Aïn Beida en 1941, il a écrit en arabe et en français. Militant pour les droits humains, auteur engagé il a été contraint de passer une partie de sa vie loin de son pays ; il a notamment enseigné à Rabat de 1972 à 1975. La richesse de sa production littéraire a été récompensée à maintes reprises. En 2010, Boudjedra remporte le Prix du Roman Arabe pour son roman «Les Figuiers de Barbarie» (Prix qui a aussi récompensé la même année, «Les Etoiles de Sidi Moumen » de Mahi Binebine). L’écriture de Rachid Boudjedra dynamique et poétique est toujours à la recherche du renouveau.

Son passage par le Maroc est une aubaine pour ses lecteurs qui pourront approfondir sa connaissance et comprendre sa vision du monde et de la littérature. N’est-il pas le témoin qui a scruté et transcrit un réel turbulent pendant un demi-siècle ?

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