Les aventures de Ichar le nain

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1e partie et fin

Voulant s’emparer de sa monture, sans que le cavalier ne se rende compte, Ichar rentre dans l’oreille de l’animal et lui demande de s’arrêter. Il lui obéit. Le cavalier a beau l’épéronner, rien n’y fait, le mulet finit par se cabrer et le désarçonner. Ne comprenant rien à ce qui lui arrive, il finit par se persuader que son mulet est habité par un esprit malin qui risque de le tuer.Craignant pour sa vie, il prend ses jambes à son cou et disparaît.Prenant possession du mulet, il lui charge dessus la viande cachée et se rend chez ses parents qu’il trouve très inquiets à son sujet. Après les avoir rassurés, il leur donne la viande à saler. Elle leur servira durant de longs mois.Après cette aventure, Ichar prie son père de le laisser découvrir le monde. C’est à regret qu’il le laisse partir, il craint beaucoup pour sa vie, mais ne veut pas le frustrer.Arrivé dans une contrée inconnue, Ichar est étonné de découvrir des champs recouverts d’herbes, mais point d’animaux pour la brouter. Il est encore plus ébahi, quand il demande l’hospitalité pour la nuit, à une vieille femme qui lui sert de la galette et du lait noir à boire.Intrigué, Ichar lui dit : “Au lieu d’être blanc, ton lait est noir, je ne comprend pas. Je ne peux le boire ! Pourquoi est-il ainsi ?-Mon petit, c’est une longue histoire. Je suis réduite à nourrir mes brebis avec du charbon, car tous les champs que tu vois autour de toi ne sont pas à moi. Ils appartiennent en totalité à mes voisins, le corbeau, le hérisson,le lièvre et teriel (ogresse), qui me défendent de faire paître mes brebis”.Intrigué par le comportement de ses voisins, Ichar, veut prendre la défense de la vieille. Après avoir réfléchi au cours de la nuit, dès le réveil, il lui demande un coutelas, une massue, une outre, et la permission d’aller faire paître ses brebis. Craignant pour sa vie, la vieille femme refuse dans un premier temps, mais convaincu de revenir en entier avec ses brebis, la vieille accepte ce qu’il lui a demandé.Le jour suivant, Ichar débarque avec les brebis de la vieille dans le champ appartenant au corbeau. Dès que ce dernier le voit faire paître ses bêtes dans son champ, il s’avance vers lui, arrogant, pour le chasser. Mal lui prend.Ichar, se détend, l’assomme avec sa massue, lui tranche la tête avec le coutelas, et met sa tête dans l’outre. S’étant débarrassé du corbeau, il fait paître les brebis toute la journée.Ces dernières, heureuses de trouver de l’herbe verte et drue, broutent jusqu’à satiété. La vieille n’en croit pas ses yeux, quand Ichar rentre avec ses brebis dont les ventres sont gonflés car rassasiées. Cela leur fait longtemps qu’elles n’ont pas touché un brin d’herbe. Ichar procède de la même façon, les jours suivants, pour s’accaparer des champs du corbeau, du hérisson et du lièvre.Il ne reste plus que le champ de teriel (ogresse) à accaparer et ce sera fini. Mais comme l’ogresse est un monstre grand et fort, pour en venir à bout, il lui faut ruser.Ayant su par la vieille que l’ogresse souffre d’un terrible mal de dos, dès qu’il envahit son champ avec les brebis, et dès qu’elle se présente à lui pour le chasser, Ichar se colle contre le tronc d’un arbre, les mains derrière le dos. Intriguée par son attitude insolite, elle s’approche de lui et lui dit : “Au lieu de fuir devant moi, comme tous les humains, tu oses m’affronter, c’est du suicide mon petit. Je vais te dévorer toi et tes brebis !”Sur le point de l’attraper, elle lui dit de nouveau : – -“Pourquoi te tiens-tu droit contre cet arbre ?-Si je le fais, c’est pour reprendre des forces. Si j’avais un ami qui pourrait m’attacher toute une journée, je ne souffrirais pas du dos et je guérirais.”Intéressée, l’ogresse lui dit : “Moi aussi, je souffre du dos. Si tu m’aides à guérir, tu pourrais t’en sortir. Je serais indulgente avec toi, je ne te dévorerai pas.”Sautant sur l’occasion, Ichar lui dit : “Viens prendre ma place sur le tronc.”Pour se débarrasser du mal lancinant dont elle souffre depuis des ans, l’ogresse accepte la proposition sur le champ.En prenant position sur le tronc, Ichar l’attache avec des cordages. Saucissonnée, ne pouvant plus bouger, il se saisit de son coutelas et la décapite rapidement.Très content de son exploit, il ramène les brebis à la maison et raconte à la vieille, ahurie, comment il a procédé pour tuer ses voisins récalcitrants. Désormais, tous leurs champs lui appartiennent. La vieille n’étant plus obligée de nourrir ses brebis avec du charbon, l’herbe ingurgitée donne du lait immaculé et du beurre doré. Ichar reste quelques temps chez la vieille, et un jour il décide de rentrer chez lui, pour voir ses parents qu’il n’a pas vus depuis longtemps.Après les congratulations d’usage, Ichar prend la parole et raconte aux membres de sa famille ses étranges aventures. Au fur et à mesure des récits il gagne l’estime de sa famille. Sa petite taille est oubliée, bientôt c’est tout le hameau qui lui rend hommage. Pour couronner le tout, son père décide de célébrer son mariage avec la plus belle fille du village.“Our kefount eth’houdjay i nou pour kefoun ird’en tsemz’ine. As m-elâid’ ametch ak’soum ts h’em’zine ama ng’a thiouanz’iz’ine. »(Mes contes ne se terminent, comme ne se terminent le blé et l’orge. Le jour de l’aïd, nous mangerons de la viande avec des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).”

Lounès Benrejdal

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