De nouvelles assises pour une coopération fructueuse

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Les échanges de l’Algérie avec le Vieux continent au cours des deux dernières années ont abouti à une situation déséquilibrée en défaveur de notre pays. Les autorités politiques du pays et par les gestionnaires de l’économie nationale ont établi le constat suivant : pour un dollar exporté vers le territoire de l’Union européenne, l’Algérie en importe 20. La balance est on ne peut plus en porte-à-faux.

Les conséquences sur l’économie algérienne des démantèlements tarifaires opérés sur les produits en provenance de l’Union européenne sont loin de correspondre à ce qui en était attendu par la partie algérienne lors de la signature de l’Accord d’association en 2002, ou bien encore lors de l’entrée en vigueur de cet accord en septembre 2005.

Ouvrir de cette façon la voie béante aux produits européens avec des exonérations progressives (la nomenclature des produits s’accroit chaque année jusqu’à embrasser la totalité des importations à l’horizon 2014) permettait d’espérer que cette “concurrence forcée’’ puisse secouer les secteurs productifs algériens pour se mettre au diapason des enjeux. Comme il était aussi attendu des investissements directs des entreprises européennes en dehors des simples opérations commerciales. Il n’en fut pas tout à fait ainsi et le bilan a été tiré avec grand fracas par l’Algérie en 2009 lorsque, lors de la cinquième session du Conseil d’association Algérie-UE, le ministre algérien des Affaires étrangères rappela à ses devoirs l’Union européenne en matière d’investissements créateurs d’emplois et de richesses de façon à compenser, au moins partiellement, les pertes générées au Trésor public par les dégrèvements tarifaires dont bénéficient les produits en provenance du territoire de l’Union. Quant au transfert technologique attendu d’un tel accord, il n’a été abordé que de façon mitigée, sachant que c’est un processus long qui, en plus, est tributaire des volumes et de la nature des investissements que sont prêts à réaliser les pays de l’Union européenne dans notre pays.

Au regard de l’état de notre économie au début des années 2000, des représentants d’entreprises, des patrons, des experts et même des partis politiques ont montré leurs vives réserves quant au contenu de l’Accord d’association. En effet, l’économie algérienne n’était pas qualifiée- elle ne l’est toujours pas- pour se permettre d’être “envahie” par des produits européens soutenus par des procédures douanières. Pou certains observateurs, il s’agissait, ni plus ni moins, d’une concurrence déloyale faite à la balbutiante production nationale. Cette dernière, et dans ses différentes filières (textile, cuir, électronique, petite industrie, produits alimentaire,…), n’était guère préparée à soutenir la compétition d’une façon aussi abrupte.

Les pertes douanières pour l’Algérie générées par le démantèlement tarifaire au cours de la période 2005-2009 se chiffrent à quelque 2,5 milliards de dollars. Pour les sept prochaines années, les projections tablent sur des pertes d’environ 8,5 milliards de dollars.

Les échanges de l’Algérie avec le Vieux continent au cours des deux dernières années ont abouti à une situation déséquilibrée en défaveur de notre pays. Les autorités politiques du pays et par les gestionnaires de l’économie nationale ont établi le constat suivant : pour un dollar exporté vers le territoire de l’Union européenne, l’Algérie en importe 20 dollars. La balance est on ne peut plus en porte-à-faux. Au rythme où vont les choses- un démantèlement tarifaire total d’ici 2014 qui se greffe aux contre-performances de notre appareil de production-, tous les espoirs mis dans cet Accord d’association- à savoir essentiellement une compétition censée fouetter la production nationale et un mouvement de transfert de technologie- risquent d’être non seulement relativisés, mais complètement déçus.

Le ministre algérien des Affaire étrangères, M. Mourad Medelci, a, outre la revendication de la révision du calendrier du démantèlement tarifaire, fait des observations sur d’autres points liés à l’accord d’association. Il s’agit principalement de la faiblesse des flux des IDE (investissements directs étrangers) en provenance des pays de l’Union Européenne et du dossier de la libre circulation des personnes. Ce sont des dossiers toujours pendants, même si des pays européens (Italie, Allemagne, par exemple) essayent, individuellement, de s’inscrire plutôt dans une logique de relation bilatérale.

En deçà des attentes

“L’Algérie considère que les flux d’investissements européens sont en deçà de ses attentes, en particulier ceux destinés à promouvoir la diversification de son économie et de ses exportations», fera remarquer M. Medelci l’année dernière à Bruxelles. Plus généralement, les autorités algériennes estiment que, par rapport au contenu de l’accord de 2005, l’aspect purement commerciale (exportation vers l’Algérie) a été hypertrophiée au détriment des autres orientations et clauses. Notre ministre des Affaire étrangère dira à ce sujet : “Mon pays, en signant l’Accord d’association, voulait développer une coopération globale qui couvrirait tous ses volet : politique, économique et commercial, culturel, social et humain. Or, jusqu’à maintenant, nous relevons clairement que le volet commercial a reçu une attention particulière par rapport aux autres”. Il soutiendra ensuite qu’il est de l’intérêt de tous que la libre circulation des marchandises puisse s’accompagner d’une meilleure dynamique d’investissement et d’une circulation moins contraignante et plus humaine des personnes.

M.Miguel Angel Moratinos, ministre espagnol des Affaire étrangères, estime, quant à lui, que l’Union européenne doit “s’impliquer davantage dans le plan de modernisation algérien”.

En 2008, c’est-à-dire trois ans après l’entrée en vigueur de l’Accord d’association, une évaluation globale des relations entre les deux parties a été faite. Il y a été décidé de mettre en place de “nouveaux mécanismes en mesure de booster la coopération bilatérale», selon notre ministre des Affaires étrangères. Ce dernier avait également indiqué avoir plaidé auprès des partenaires européens de l’Algérie pour davantage d’investissements hors hydrocarbures, en vue d’un meilleur équilibre de la balance commerciale entre les deux parties. “Nous avons soulevé devant nos partenaires européens plusieurs préoccupations dont celle ayant trait aux exportations hors hydrocarbures et là nous avons constaté qu’il y a eu certes des efforts, mais ces exportations demeurent relativement faibles, car ne dépassant pas les 800 millions de dollars», expliquait M. Medelci

Pour les entreprises et partenaires économiques algériens, les effets à moyen terme escomptés de entrées libres de marchandises de l’Union Européenne sont logiquement de “secouer’’ des secteurs algériens touchés par une concurrence féroce et une mise à niveau susceptible de contrebalancer les effets pervers d’une ouverture somme toute dictée par une mondialisation irrésistible des économies. Vu la conjoncture de transition économique que connaît l’Algérie, le ‘’marché’’ avec l’Union européenne n’a pas pu être porteur de telles réalisations..

Sur le plan de la promotion de la production des entreprises algériennes, les résultats tardent en tous cas à se concrétiser. Cela, d’autant plus que, moins de trois ans après l’entrée en vigueur de cet accord, la crise financière mondiale a commencé à pointer son nez acculant l’Algérie à se contenter de recettes pétrolières bien moins cotées et poussant l’Europe à chercher de nouveaux repères et de nouvelles assises dans des politiques budgétaires plus sévères. Cette dernière tendance-austérité budgétaire- confirme son poids au cours de la rentrée sociale 2010 aussi bien en France qu’en Espagne ou en Allemagne.

Du côté algérien, les appréhensions des acteurs économiques, privés et publics, à l’égard de l’Accord d’association avec l’Union européenne se trouvent renforcées par un déficit de stratégie gouvernementale en matière de relance industrielle. “Nous n’avons encore rien récolté [de l’Accord d’association avec l’UE] bien qu’il date maintenant deux années d’existence», estimait déjà en 2008 M. Ridha Hamiani, président du Forum des chefs d’entreprises (FCE).

Nouveaux horizons ?

Les mêmes acteurs craignent une aggravation de la situation dans le cas où l’Algérie accepte toutes les conditions d’entrée dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Cette organisation avec laquelle l’Algérie est en négociations depuis 2004 est en train d’ausculter l’économie et la société algériennes à la loupe. Elle a fini par vouloir dicter des conditions “anti-populaires” relatives la gestion des services publics en direction des populations, à l’exemple de l’augmentation des prix de cession des produits énergétiques (gaz et électricité). Ce genre de difficultés, ou de dérapages, selon le langage de certains observateurs, n’a pas échappé aux négociateurs algériens. C’est la raison pour laquelle les pourparlers entre les deux parties risquent de prendre beaucoup plus de temps que prévu.

En se positionnant, par le truchement de l’Accord d’association, en tant que partenaire d’un ensemble géographique qui a pour nom l’Union européenne, l’Algérie entrevoyait une nouvelle opportunité pour les investissements étrangers destinés à créer de m’emploi et de la richesse dans les domaines extra-hydrocarbures. Cependant, comme pour tous les investissements directs étrangers (IDE), les flux européens ont suivi souvent la préférence commerciale. Outre les raisons de facilités disponibles dans ce domaine pour un marché de 35 millions de consommateurs, des griefs assez convaincants, particulièrement depuis ces trois dernières années, ont été adressés à l’Algérie par les organismes financiers internationaux dans le domaine du climat des affaires et de l’investissement dans notre pays. Ces griefs sont relatifs à la lenteur dans le processus de privatisation, l’immobilisme des établissements bancaires au sein desquels des surliquidités inquiétantes ont été enregistrées et certaines procédures bureaucratiques liées à la gestion du foncier industriel.

Le contexte actuel de la crise mondiale qui touche fortement les pays européens industrialisés n’a pas manqué des les pousser à solliciter toutes formes de coopération susceptible de leur assurer des débouchés sûrs à leurs marchandises y compris par le phénomène de délocalisation. L’installation de l’usine Renault de construction automobile à Tanger, avec une production à moyenne terme de presque 200 000 unités/an fait partie de cette stratégie de redéploiement tous azimuts dont est censée tirer profit aussi notre pays.

La dernière visite en Algérie du représentant du gouvernement français, Jean-Pierre Raffarin, a entraîné dans son sillage la décision de Renault de s’installer aussi en Algérie en tant que constructeur automobile et non plus comme simple exportateur.

Il est vrai que depuis la loi de finances complémentaire de l’année 2009, l’Algérie a pris une orientation d’un développement autocentré comptant exploiter en priorité toutes les potentialités et les énergies nationales. De ce fait, le gouvernement à tracé un nouveau cadre pour l’investissement étranger : la clause de la préférence nationale dans les appels d’offres internationaux, la règle de l’actionnariat Algérie/étranger respectivement fixé à 51/49%, la fiscalisation des dividendes rapatriés, et règles mesures auxquelles devront de soumettre les partenaires étrangers de l’Algérie. Ce sont des actes de souveraineté de la part du gouvernement algérien qui n’excluent pas le principe de gagnant-gagnant. Certains pays, tels que la Canada et l’Allemagne, se montrent compréhensifs et se disent prêts à s’inscrire dans la nouvelle orientation de l’économie algérienne. D’autres partenaire potentiels ne manqueront pas de revenir à de “meilleurs sentiments’’ d’autant plus que la conjoncture mondiale ne laisse guère de larges marges de manœuvres et commandent plutôt de tirer profit des moindres brèches ouvertes dans le champ économique.

Amar Naït Messaoud

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