Le cri de détresse de Benslimani Rabah

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Il y a près d’une semaine, nous avions fait état d’une tentative de suicide par immolation à Ain Bessem. Sans aller plus loin, notre papier suggérait que le jeune “suicidaire” était sous les effets des barbituriques, manière écourtée, nous en convenons, pour expliquer un acte aussi grave. Mais des actes aussi graves sont, hélas, devenus banals, voire “insignifiants», dans une société où, désormais, la culture de la violence est ancrée, depuis l’ancrage de l’islamisme intégriste. Autrement dit, et c’est triste de le constater, donner une information selon laquelle un(e) jeune citoyen(ne) a mis fin à ses jours ou a tenté d’y mettre fin, ne suscite pas plus, qu’une émotion épidermique, qui ne dure que le temps de tourner la page du journal. Idem pour le rédacteur de la triste information qui naïvement, et pour celui qui ne flirte pas avec le sensationnel, espère que son papier attirerait l’attention d’une autorité à même de venir au secours du desperado. Ce desperado, celui-là même, qui avait tenté de se suicider par immolation, il y a un peu plus d’une semaine, nous a rendu visite au bureau. Aucune expression ne se lisait sur son visage. Paupières lourdes et regard absent, il nous montre un papier qu’il tenait à la main. Il s’agit de l’article parlant de sa tentative. Sans préalables, il réfute les initiales l’identifiant. “Je m’appelle Benslimani Rabah et j’ai 32 ans», insiste-t-il comme pour souligner : “J’existe, regardez-moi !” Et sans transition, il nous apprendra qu’il avait mercredi dernier, retenté de s’immoler. Il n’est pas aller au bout, parce que, nous explique-t-il, un officier de la police lui avait promis de l’aider à trouver du travail. Après nous avoir expliqué d’une manière décousue, les raisons de son acte, nous tentons de savoir un peu plus sur sa situation sociale. Ainsi, nous apprendrons que Rabah avait purgé une peine de sept années de prison. Un séjour carcéral qu’il mettra cependant à profit : il sortira de prison avec un diplôme de maçon et un autre diplôme de cuisinier. Sa gorge se serre, lorsqu’il remonte plus loin en arrière et nous parle de son père qu’il avait perdu, alors qu’il était sous les drapeaux. Il n’avait pas assisté à son enterrement. “J’étais à l’armée, dans le Sud. J’y suis allé parce que pour travailler, il faut une carte militaire.” De retour du Sud, Rabah prend conscience, qu’en l’absence de son père, c’est désormais lui qui devait subvenir aux besoins des sept membres de sa famille. Une responsabilité qu’il ne peut assumer, sans travail. Dès lors, il devient vulnérable et tous les écarts sont possibles. Cette non-situation, nous la devinons et la comprenons, l’a conduit en prison. L’espace carcéral pouvait l’enfoncer davantage dans les écarts. Cela ne sera pas le cas. Il en sortira avec deux diplômes et une lettre de réinsertion. L’espoir de trouver du travail avec ses nouvelles qualifications et sa lettre de réinsertion ne durera pas longtemps. Rabah est aujourd’hui dans la même situation d’il y a plus de sept ans. “Je ne veux faire de mal à personne. Mais personne ne m’empêchera de me tuer. Je vous promets que si on ne me donne pas du travail, je…” Une “promesse’’, qui se veut un cri de détresse, un SOS. Une promesse que, hélas, pourrait tenir Rabah, à moins que…

S.O.A.

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