Les tribulations d’une société de consommation

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C’est une fête de plus que les citoyens célébreront avec faste en cette fin d’année. Au moment où beaucoup de citoyens crient leurras-le-bol quant à l’ érosion de leur pouvoir d’achat, la société s’inscrit plus que jamais dans une logique de pure consommation.

On fête tout sans pour autant comprendre le sens de ce que nous célébrons. Du 14 février au 8 mars en passant par toutes ces dates qui marquent des événements, les gens ne se gênent pas pour dépenser, quitte à rouspéter quelques jours après. Au moment où « nos dates » à l’image de Yennayer passe complètement inaperçue, d’autres occasions sont mis en valeur, un paradoxe difficile à expliquer.

C’est une année très éprouvante sur tous les plans que les ménages boucleront dans deux jours. L’année 2010 a été surtout celle des grandes dépenses, qui se sont succédés en quelques mois seulement. Cette pression a été particulièrement visible durant le deuxième semestre où les citoyens ont fait face aux obligations du mois de carême puis aux dépenses onéreuses des deux fêtes de l’Aïd, entre elles, la rentrée scolaire était véritablement l’ultime coup de massue pour les petites bourses. Le réveillon est justement l’événement phare qui s’est imposé durant les dernières années et qui contraint les citoyens à mettre les mains à la poche, à faire appel à leurs portefeuilles pour s’assurer un bon passage à l’an 2011 et prier pour que le nouvel An soit bien meilleur que le précèdent. Évidemment ces prières ne sont guère gratuites, il faut bien payer le prix pour fêter le premier jour heureux. Cela s’apparente à un vrai paradoxe mais la réalité est là. Les citoyens fêtent pratiquement toutes les occasions qui se présentent sans pour autant comprendre le sens, la raison d’être. Il est dans ce sens impressionnant de constater la ruée sur les marchés en cette occasion de fin d’année. Au moment où tous suffoquent, vocifèrent et crient leurs ras-le-bol vis-à-vis de l’érosion importante du pouvoir d’achat, les commerces ne désemplissent pas et les produits exposés, parfois ceux là même qui relèvent du luxe, trouvent toujours preneurs. A Tizi Ouzou, les marchés sont ces derniers jours particulièrement achalandés. Dans plusieurs coins, les gens font déjà leurs emplettes en prévision des fêtes de fin d’année. Et là on reste parfois ébahi face à l’effervescence qui gagne ces points de ventes. C’est que le passage à la nouvelle année est d’abord une belle opportunité qui se présente aux commerçants pour s’assurer un bon chiffre d’affaire et réaliser un profit face à la très forte demande. À commencer par les marchands de fruits et légumes, les bouchers, les poissonniers mais aussi les pâtissiers, tous se sont préparés pour l’événement phare de l’année, le réveillon.

Ces derniers se frottent déjà les mains à l’idée de réaliser des affaires vraiment juteuses. Du coté des pâtissiers, on met le cap sur une forte demande qui viendra combler les brèches d’une année mitigée « nous investissons beaucoup dans cette période. Nous multiplions presque la production de toutes sortes de friandises, le chocolat en premier, car c’est un produit très demandé par nos clients en plus de l’incontournable bûche » nous fait savoir un pâtissier exerçant au centre- ville de Tizi Ouzou. A quoi répond ce changement de comportement des consommateurs ? Notre interlocuteur le met sur une ouverture sur le monde extérieur.

Fêtes et pouvoir d’achat …le paradoxe !

Ce n’est pourtant pas l’avis d’un quadragénaire, un habituel client du pâtissier en question « les gens suivent aveuglement tous ce qu’ils voient à la télévision ou sur Internet. Ce n’est pas dans nos traditions et coutumes de fêter à titre d’exemple Noël ou autre. C’est que les citoyens sont devenus de simples exécutants. Ils marquent des occasions, et fêtent des journées sans en connaître en réalité la portée et le sens » nous déclare- t-il. Au centre- ville de Tizi Ouzou, tous les moyens sont bons pour engranger un profit. Un déguisement à la « papa Noël » suffit à des photographes pour s’installer et inviter les gens à immortaliser «ce grand moment » de rencontre avec le père Noël. Certains sont presque contraints à se plier face à l’insistance des enfants.

Dur d’y échapper.C’est donc un vrai paradoxe. Comment peut- on célébrer des occasion à la pelle sans pour autant prendre le temps d’analyser, de rationaliser ou de tempérer une logique de pure consommation. Sommes- nous justement devenus une société de surconsommation qui ne fait plus la différence et consomme tout ce qui est balancé de l’est ou de l’ouest ? Ce qui est facile à observer, c’est que les citoyens qui rouspètent contre la cherté ne se gênent pourtant jamais à casser leurs tirelires pour répondre aux obligations « il faut voir ça d’un bon œil. Les gens cherchent des opportunités pour se faire plaisir, ces fêtes sont justement là pour égayer les foyers. » Estime Ali exerçant dans le secteur privé à Tizi Ouzou. Loin de la modestie des célébrations des années précédentes, d’autres comportements s’installent. Le foie gras, le caviar, le champagne, les bûches sont autant de produits qui s’invitent sur les tables de ceux qui peuvent et veulent fêter la nouvelle année. D’autres, parmi les citoyens incapables de suivre ce rythme infernal et cette course effrénée se contenteront du minimum. Plusieurs, en effet, sont ceux qui auront du mal à répondre à leurs enfants qui demanderont pourquoi la table n’est pas suffisamment garnie le soir du réveillon, alors que certains savoureront et veilleront jusqu’au petit matin pour fêter le passage àla nouvelle année, d’autres feront en sorte de dormir très tôt que d’habitude pour éviter justement de répondre à de telles questions. Cela n’empêchera pas le soleil de se lever le lendemain, premier jour du nouvel An.

A.Z

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