La sœur et ses sept frères exilés

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2e partie

Dès que le plat est cuit, la jeune fille jette une braise noire (thirgets) au milieu de la marmite. Le remarquant et voulant l’enlever, la mère prend une cuillère en bois pour la retirer. C’est à ce moment que la vigoureuse jeune fille, lui prend la main et la menace de la lui plonger dedant et de la brûler, si elle ne lui dit pas la vérité, à propos de ses sept frères exilés.Craignant de se faire brûler la main et avoir une cicatrice indélébile, elle lui confirme en soupirant, la terrible réalité. Mise au courant, elle prend la décision sur le champ de se mettre à la recherche de ses sept frères, s’ils sont encore vivants.Ses parents essayent de la retenir en lui invoquant mille et un arguments, mais rien n’y fait. Décidée à les rechercher quel que soit le prix à payer, elle demande à son père de lui donner un cheval robuste et endurant, de même qu’une servante noire pour lui préparer ses repas, soigner sa bête et porter des provisions. En prenant congé de ses parents, son père lui remet une petite cage dorée avec un petit oiseau prisonnier qui a le don de parler et de ne dire que : “Ar Ezd’ath Dima ar ezd’ath !” (En avant, allez toujours de l’avant !)La jeune fille monte sur son destrier, attache la cage au pommeau de la selle, se fait suivre à pied par sa servante noire et part à la recherche de ses sept frères.Après une harassante journée, passant par monts et par vaux, les deux femmes sont épuisées. Exténuée la négresse, demande à sa maîtresse de la laisser monter un peu sur le cheval. Pour toute réponse la jeune fille élève la voix et demande à ses parents laissés à la maison : “Yemma, vava thak’lits d’achou iyi-d nna Aresed seg el khild’g’i la thetsh’alil” (Maman, papa, la négresse veut prendre ma place, depuis des heures elle m’agace !)En guise de réponse des parents, c’est l’oiseau encagé qui prend une voix humaine et lui dit :“Ar Ezd’ath Dima ar ezdath Tharoussi ala” (En avant, toujours avant. Ne jamais descendre mon enfant !) Après avoir parcouru des lieues, la jeune maîtresse et sa négresse arrivent près d’une fontaine “Thala”. Elles se désaltèrent, mangent un peu et se reposent jusqu’au lendemain matin. Dès les premières lueurs de l’aube, elles lèvent le camp vers d’autres horizons. Dans la pénombre, en enfourchant son cheval, la jeune fille blanche qui avait l’esprit ailleurs, a oublié sa cage et l’oiseau au bord de la fontaine.Après plusieurs kilomètres de marche, la négresse exténuée, les pieds nus écorchés par (thidariyine) demande à sa maîtresse pour la deuxième fois, de la laisser monter un peu sur sa monture. Pour toute réponse, la jeune fille blanche demande à l’oiseau encagé de lui transmettre la réponse de ses parents, mais vu que la cage a été oubliée, aucune réponse ne lui parvient. Ne sachant que faire, elle descend de cheval et laisse la négresse monter à sa place. Sur leur chemin, il existe deux sources mitoyennes, la première avait le pouvoir de transformer la peau de toute personne qui s’y baigne en blanc ou blanche, et la seconde en couleur noir ou noire. La négresse qui avait entendu parler de ces sources aux eaux miraculeuses, du fait qu’elle était montée à cheval presse le pas et arrive la première aux deux sources. Elle descend de cheval, se déshabille et plonge dans la mare formée par la première source. Aussitôt ressortie, elle devient aussi blanche que du lait de brebis fraîchement trayé, et se cache dans les buissons. La jeune fille blanche qui traînait la patte arrive quelques instants plus tard, elle trouve le cheval entravé. Morte de fatigue, suffocante de chaleur, elle veut se rafraîchir. Comme l’eau de la première mare était trouble du fait des ébats de la négresse, elle l’évite et plonge dans la seconde aux eaux limpides, mais qui avait la propriété de transformer tout corps blanc plongé dedans en corps noir.Une fois ressortie de la mare aussi noire que sa négresse sa servante sort de sa cachette parée de couleur blanche. Etonnée, elle lui demande des explications.Pour toute réponse, la servante lui dit :“Seg assagi vedlen lechghal. Ad’ G’agh d’Egm el mouhal ! Nek oughalagh d’kemini, kemini thoughal d’enikini ! (A partir d’aujourd’hui, les choses vont changer. Je vais t’en faire baver. Je suis toi, et tu es moi, tout le monde peut le constater, l’esclavage, c’est fini !)La métamorphose opérée, la négresse devenue blanche, intrônisée maîtresse, monte sur le cheval et demande à la jeune fille devenue noire de la suivre à pied, si elle ne veut pas être dévorée par les bêtes sauvages qui rôdent un peu partout le long du trajet qui traverse parfois la forêt. N’ayant aucun échappatoire ni pouvoir de décider de quoi que ce soit, elle suit docilement sa négresse devenue sa maîtresse. Décidée à retrouver ses sept frères, elle est prête à endurer les pires vilenies.De recoupements en recoupements, de renseignements, les deux jeunes filles métamorphosées arrivent enfin dans une contrée où on les informe de la présence de sept frères installés là, depuis une quinzaine d’années, à cause d’un serment fait à l’unanimité. Plus aucun doute, ce sont eux.

Lounès Benrejdal(A suivre)

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