Train cherche voyageurs…

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Cela fait 9 mois que la liaison ferroviaire Tizi-Ouzou – Oued Aïssi a été inaugurée. Passé l’effet euphorique d’une nouvelle réalisation de poids, les choses tournent visiblement à l’insolite. Le train fait ses allers-retours mais sans voyageurs.

Neuf mois après l’inauguration de la ligne ferroviaire de 14 kilomètres séparant Tizi-ouzou de Oued Aïssi, les horaires des 6 allers-retours quotidiens du train de la Société nationale des transports ferroviaires (SNTF), sont observés scrupuleusement et à la minute près.

Le train entame son premier voyage à 8:01 de Tizi-ouzou vers Oued Aïssi. Il revient de cette localité à 8:40 précises. Ensuite à 9:17 ‘’rebelote’‘ pour un nouveau départ vers Oued Aïssi d’où le train revient à 9:40 mn. A 10:10 le train repart vers la même localité mais pour revenir cette fois à 10:40 vers Tizi-ouzou pour poursuivre sa ‘’route’‘ à 11:00 vers Thenia, dans la Wilaya voisine de Boumerdès.

Toutes ces navettes de la matinée ont une caractéristique commune : les wagons du train partent et reviennent presque totalement vides de voyageurs. Le trajet coûte 20 dinars.

Le programme fait de trois allers-retours dans l’après-midi n’enregistre pas meilleure affluence. De l’entame d’un premier départ à 13:36 jusqu’au retour du train de Oued Aïssi à 16:15 terminant sa troisième et dernière navette, la SNTF ne gagne que quelques dizaines de dinars pour une dizaine de voyageurs. Le constat est réel et les affirmations sont vérifiées sur le terrain. Tout le monde est conscient de cette situation mais le train continue à siffler avec des horaires scrupuleusement

observés. A Tizi-ouzou tout comme à Oued Aïssi, c’est le train qui attend les voyageurs et ceux-ci ne viennent visiblement pas.

Un train propre, ponctuel mais dans des gares vides

Ce n’est pas le grand confort à bord du train Tizi-ouzou – Oued Aïssi, mais les wagons sont propres et la ponctualité est de mise. Le trajet prend 20 minutes en aller-retour. Le train roule sur une voie unique et passe par une gare intermédiaire dite Kaf Naadja. Elle a la particularité d’être comme celle de Tizi-ouzou située au Boulevard Stiti : le voyageur se fait désirer et les commerces, dont pullulent les gares à travers le monde, sont inexistants.

La gare de Kaf Naadja est d’une très belle architecture. On dit qu’elle ressemble à la gare italienne de Vérone. Mais elle est isolée à cet endroit mitoyen de la Nouvelle ville de Tizi-ouzou où elle a été construite. Pour y parvenir à pied il faut enjamber dans des conditions dangereuses une glissière de sécurité en béton armé séparant les deux voies d’évitement de ‘’l’autoroute’‘ de la ville des genêts. Il n’y a pas de passerelle pour les piétons et il n’y a pas de ligne de transport de voyageurs vers cette gare pour l’heure.

Oued Aïssi, la cité universitaire, Sikh Oumeddour, l’Eniem…

Oued Aïssi est une banlieue de la ville de Tizi-ouzou, connue pour son passé et présent estudiantin parfois mouvementé. Même le chantre de la chanson kabyle, Matoub Lounes a participé à la promotion de son nom dans sa célèbre chanson intitulée ‘’Yahzan el Oued Aïssi (tristesse sur Oued Aïssi)‘’. Mais Oued Aïssi est aussi une zone industrielle où est implantée notamment l’usine des réfrigérateurs, des climatiseurs et des cuisinières de l’Entreprise nationale des industries

électroménagères (Eniem). Oued Aïssi est également un nouveau village qui s’agrandit et qui est accessoirement connu pour le seul hôpital psychiatrique de la région qui y est implanté l’hôpital Fernane Hanafi.

La zone, qui dépend désormais de la commune d’Irdjen, était également connue jadis pour son marché de véhicules. Mais celui-ci a été transféré en partie vers Taboukirt (Tizi Rached) et Talla Athmane (Tizi-ouzou). C’est ce transfert qui a libéré le terrain devant accueillir la gare ferroviaire de Oued Aïssi.

En principe, il y a donc du monde à transporter de Tizi-ouzou vers Oued Aïssi. Les étudiants et les ouvriers de la zone industrielle sont d’un nombre si important que, théoriquement, ils peuvent remplir plus que les deux wagons qui partent et reviennent presque vides. D’ailleurs, des employés de la SNTF rencontrés à la gare de Tizi-ouzou, dont le chef de service de cette gare, M. Dilmi Rachid, évoquent la perspective d’une convention avec l’université pour transporter les étudiants, surtout si la ligne venait à être rallongée jusqu’à Tadmaït, d’où a émergé un pôle technologique universitaire qui accroche le ragard des automobilistes de passage. Ils ont évoqué de même la possibilité de créer une grande gare routière à Oued Aïssi pour transporter ensuite par train les voyageurs venant des villages.

Mais tout reste théorique car les travailleurs de la zone industrielle tout comme les étudiants sont transportés par bus. Les gens de Sikh Oumeddour préfèrent de leur côté les fourgons taxis qui démarrent près de la clinique Sbihi. Ils sont plus pratiques que de se retrouver dans un terminus de la gare de Oued Aïssi qui ressemble à un terrain vague sans même une ouverture sur la grande route, qui vient de l’est de la Wilaya de Tizi-ouzou.

La situation semble réellement problématique pour le train Tizi-ouzou – Oued Aïssi qui a ‘’bouffé’‘ pas moins de 1.300 milliards de centimes. Il s’agit d’un projet relancé en 1994 pour être achevé en partie, en 2010. C’est un projet d’envergure comprenant deux gares nouvellement construites, deux tunnels et trois ponts.

C’est un investissement qui ne semble pas pour autant perdu au delà du caractère insolite que renvoie actuellement l’image du train sans voyageurs.

Nous avons essayé en vain de contacter des sources proches du dossier (Directeur des transports, la Direction régionale d’Alger de la SNTF et celle de la communication). Toutefois, selon une information diffusée en 2008, il est fait état d’un Plan d’action du gouvernement, soumis à l’Assemblée populaire nationale, dans lequel figure un projet de réalisation d’une ligne ferroviaire reliant Oued Aïssi à Azazga. Ce projet est l’une des perspectives qui peuvent éventuellement relancer le chemin de fer dans la Wilaya de Tizi-ouzou.

Saïd El-Haroufella

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