Le pari de la lutte contre la désertification

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Le défi de lutte contre la désertification dans le sud de la wilaya de Bouira ne peut être dissocié des actions de développement des villages et bourgades du fait que la pauvreté et le mal être social ne font qu’aggraver la phénomène de désertification.

C’est un constat fait pour d’autres régions du monde où la protection de l’environnement requiert l’association des populations pour un développement durable.

La zone géographique de la wilaya de Bouira qui pose de réels problèmes en matière de désertification compte dix communes situées au sud du territoire. C’est un cordon de territoire limitrophe de deux wilayas : M’Sila et Médéa. Auparavant, des programmes sectoriels multiples ont pu être injectés dans ces communes sans que le résultat apparaisse au grand jour. La vocation pastorale des populations locales relativisent tous les efforts de diversification des activités.

Pendant la période d’insécurité qui s’est prolongée sur une dizaine d’années, les choses se sont corsées du fait du départ des populations vers les villes environnantes ou même vers la capitale. Depuis le milieu des années 2 000, le mouvement de retour s’ébaucha timidement. Avec la mise en œuvre de certains programmes de développement (habitat rural, gaz de villes pour certaines bourgades, AEP, électrification rurale, soutien à l’investissement arboricole et plus spécialement oléicole), une partie de la population de la zone steppique de Bouira a commencé à regagner ses anciennes terres.

Les milieux physique et biotique du territoire de la steppe de Bouira se caractérisent par la présence d’alfa, de l’armoise, du sparte et autres graminées supportées par un sol souvent chétif auquel succède, sur une grande partie de la surface, une dalle calcaire. Le réseau hydrographique est du genre endoréique (ses eaux, n’ayant souvent pas de débouché vers la mer, se déversent dans le continent au niveau du Chott El Hodna, à 10 km au sud de la ville de M’Sila..

Le climat est caractérisée par une rudesse particulière, à savoir des amplitudes thermiques intenses (jusqu’à moins 10 degrés en hiver et 45 degrés en été), une faible pluviométrie à la limite de l’aridité (autour de 200 an 250 mm/an) et des pluies connues pour le forte torrentialité surtout au début de l’automne.

Un diagnostic peu flatteur

De par le passé- particulièrement dans les années 1980-, des diagnostics fort critiques furent dressés par des bureaux d’études nationaux et étrangers concernant les territoires steppiques et les conditions écologiques et sociales qui y prévalent. Mieux, des plans d’aménagement- essentiellement dans le domaine agricole- ont été établis pour ces communes, y compris dans le cadre du barrage vert.

Cependant, la mise en pratique des actions préconisées s’est toujours heurtée à la rigidité des structures sociales et à l’organisation de l’économie traditionnelle basée sur l’élevage extensif du mouton et la culture peu rentable des céréales. Pendant quatre ans, entre 2005 et 2009, un programme de développement qui a coûté quelques 60 milliards de centimes a été mis en œuvre avec le concours de la Banque mondiale.

C’est le projet d’emploi rural qui a pu profiter à 14 000 bénéficiaires des foyers ruraux. Arboriculture, aviculture, apiculture, machines à coudre, aménagement de pistes, mobilisations des ressources hydriques, …sont les quelques axes que ce projet a permis de développer. Depuis 2009, la politique de Renouveau rural a permis d’intervenir sur ces territoires avec des projets de proximité destinés à la zone de lutte contre la désertification (PP-LCD). En effet, ce sont toutes les communes relevant des daïras de Sour El Ghozlane et Bordj Okhriss qui bénéficient de ces projets qui se déclinent en programmes annuels. L’économie propre à ces dix communes est caractérisée par un élevage intensif d’ovins et la culture des céréales. Ce pastoralisme, auquel s’ajoute un certain semi-nomadisme, s’exerce de la façon la plus anarchique en matière d’exploitation des parcours.

La végétation steppique ne cesse de recevoir les coups de boutoir d’une exploitation effrénée du capital végétal au point de susciter les plus grandes inquiétudes des techniciens en la matière et des pouvoirs publics.

Les composantes du programme sont celles qui tentent de combiner entre les objectifs techniques de la lutte contre la désertification et les objectifs sociaux destinés à stabiliser les populations locales et à augmenter meurs revenus. Pour l’année 2010, il est prévu de réaliser les actions suivantes : 50 km de brise-vents, 4 ha de bande verte, 200 ha d’entretien de reboisements, 14 km d’ouverture de pistes, 30 km d’aménagement de pistes et l’aménagement de 8 points d’eau. Pour le petit élevage familial, il est programmé 35 modules avicoles, 39 modules apicoles et 47 modules cunicoles.

La lutte contre la désertification est considérée comme un axe prioritaire dans la stratégie de l’administration des forêts. Les programmes qui lui sont destinés sont actuellement déclinés en projets de proximité où les populations sont appelées à adhérer à la préservation de leur milieu.

Les opérations qui étaient programmées auparavant dans ces commune dans le cadre du Barrage vert (reboisements, arboriculture fruitière, améliorations pastorales, infrastructures de desserte,…) ont connu un sort funeste. Ces résultats négatifs sont dus à un manque de coopération avec les populations locales dont la sociologie et le mode de vie sont purement pastoraux. Les zones de parcours (pâturages sauvages) sont des espaces ‘’sacrés’’ qu’on ne pouvait pas fermer impunément par la mise en place d’autres cultures qui excluraient l’élevage ovin. Les deux logiques qui se sont affrontées sur le terrain ont fini par avoir raison des efforts des pouvoirs publics tendant à “moderniser’’ l’occupation et l’exploitation des espaces steppiques. Là où le phénomène d’érosion a fait manifestement des ravages, ce sont assurément les terrains agricoles situés sur les versants des montagnes, aux piémonts ou sur les collines modérées. C’est ainsi que terrains céréaliers de Ridane, Hadjra Zerga et Taguedite sont affectés par un ravinement irrémédiable qui porte un coup fatal à leur fertilité par la disparition de la couche arable supposée contenir le maximum d’éléments nutritifs. Ainsi, les rendements, pendant les années où le phénomène de sécheresse n’est pas signalé ne dépassent guère les 20 à 25 quintaux à l’hectare. Il faut dire ici que l’inadaptation des méthodes culturales a joué un mauvais tour pour les agriculteurs : Céréales sur des terrains trop pentus, labours dans le sens perpendiculaire des courbes de niveau,…etc.

Intervention multisectorielle

L’activité biologique permettant une bonne couverture du sol est ici limitée par le facteur climatique. En effet, l’aridité de celui-ci sur ces latitudes (moyenne de 200 mm/an de pluviométrie) ne permet pas une régénération régulière des couvert végétal perdu. Ce qui fait que même les plantes ancestrales de la steppe (armoise blanche, touffes d’alpha et d’autres spartes) voient leur espace se réduire en peau de chagrin. L’offre fourragère se fait de plus en plus rare rendant aléatoire la vie des pasteurs semi-nomades. La dénudation des sols s’accompagne immanquablement de la perte des couches supérieures par l’effet de l’érosion hydrique (pluies torrentielles issues des orages) et de l’érosion éolienne (vent de sirocco soufflant souvent sur la région).

La stabilisation des populations requiert, comme on le constate dans les programmes proposés, la mobilisation des ressources hydriques aussi bien pour les habitants que pour le cheptel. Les récentes plantation fruitières réalisés dans le cadre des programmes sectoriels et dans le cadre du projet d’emploi rural ont besoin d’être protégées des vents par des plantations alignées de cyprès ou casuarina.

La densification du réseau de pistes est dictée par la nécessité d’ouvrir ces espaces aux projets de développement quel qu’en soit le secteur initiateur. Le petit élevage est destiné aider les populations à obtenir le rehaussement de leurs revenus, à donner une chance de travail à la femme rurale et à mieux stabiliser les ménages sur leurs terres.

Le financement des projets PPLCD est assuré par la combinaison de plusieurs sources : le programme sectoriel de développement (PSD de la conservation des forêts), le Fonds de la lutte contre la désertification et du développement du pastoralisme et de la steppe (FLDDPS) et le fonds du développement rural et de la mise en valeur des terres par la concession (FDRMVTC).

De son côté le Haut commissariat au développement de la steppe (HCDS) intervient au niveau des dix commune steppiques de la wilaya de Bouira à partir de cette années avec un programme ayant pour intitulé “Ceinture oléicole’’.

Cet investissement qui s’étalera sur 2500 hectares compte étendre l’aire de l’olivier au-delà de ses limites traditionnelles, comme il compte aussi jouer le rôle d’un barrages fruitier contre l’avancée du désert.

Amar Naït Messaoud

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