Smaïl Abdenbi est membre actif dans l’association culturelle Imedyazen. Dans cet entretien, il nous parle de son art favori, l’origami, qui est l’art de plier le papier, et nous apprend que cet art est d’origine asiatique tout en soulignant que nos ancêtres l’ont pratiqué.
La Dépêche de Kabylie : Qu’est ce que l’origami ?
Smaïl Abdenbi : C’est une question difficile, mais si on essaye de résumer dans une seule phrase, on dira que c’est l’art de plier le papier, comme son nom l’indique dans la langue japonaise : Oru = plier, Kami = papier. Et c’est une nouvelle appellation qui ne date que du dix neuvième siècle. Avant on l’appelait Orikata (les formes pliées). Certains disent que le pliage de papier est né avec la naissance de produit en Chine, il y a environ vingt siècles. Cela veut dire qu’il a connu une évolution, et particulièrement au siècle dernier. L’Origami traditionnelle était beaucoup plus une pratique religieuse ou ludique qu’un art avec ses règles et sa manière de voir le monde. Par exemple, avant, la transmission d’une figure était toujours faite oralement, mais aujourd’hui, il s’est doté du langage de symbole qui permet aux origamistes de transcrire leurs figures et les reproduire exactement à l’identique. Il s’est aussi ramifié en différents styles tel que l’origami moderne, artistique, mathématique… Avec l’origami, on peut créer toutes sortes de formes animales, végétales, humaines ou abstraites… Cet art offre une liberté de création totale. Vous savez, c’est un art complet, bénéfique pour les adultes et particulièrement éducatif pour nos enfants. Facile à apprendre, la matière première (le papier) est disponible et pas chère. Cet art peut être intégré à l’école et même dans les maisons de jeunes et autres centres culturels. Les jeunes peuvent s’organiser par exemple en club… Comparativement à d’autres pays nous sommes à la traîne.
Donc c’est un art qui nous vient d’Asie ?
Effectivement, l’origamie nous vient de l’Asie. Il est né en Chine ou au Japon. Les avis divergent sur ce point. Cependant, il est établi que ce sont les Japonais qui ont codifié et développé l’origami, ils ont fait d’une pratique traditionnelle de pliage de papier, un art. Mais aujourd’hui, il me semble qu’on a négligé l’apport des autres peuples à cet art. La renaissance de cet art ne s’est pas faite à partir du néant. On ne sait pas trop quelle est la contribution des uns et des autres à travers l’histoire. C’est pour cela qu’il faut faire des recherches, je suis convaincu que les résultats vont surprendre plus d’un.
Comment avez-vous appris ou découvert cet art ?
C’est en 2004 que j’ai commencé à m’intéresser à l’origami. C’est grâce à Internet, en téléchargeant des articles et plusieurs livres, que j’ai pris conscience que plier une figure est un art. Car plier le papier est une pratique connue chez nous. Qui d’entre nous n’a pas plié un bateau ou un avion dans sa jeunesse ? Et cela n’est pas tombé du ciel, tous cela a une histoire.
Vous avez dit que les Amazighs l’ont connu depuis des siècles, pouvez-vous être plus explicite ?
Oui, nos ancêtres les Maures (Amazighs musulmans d’Espagne) ont pratiqué cet art il y a plus de huit siècles. Ils créaient principalement des formes géométriques parce qu’à l’époque, l’interprétation religieuse interdisait la reproduction de formes animales. Et d’ailleurs, ce sont les Maures qui l’on fait connaître en Europe. Je ne suis pas historien de cet art, mais ce sont les européens eux-mêmes qui l’attestent.
Donc, vous ne faites que poursuivre un art déjà connu chez les Nord-africains ?
Je pense qu’il est question pour nous, Algériens, de se réapproprier cet art, car l’origami fait partie de notre patrimoine culturel national. Et c’est dans ce cadre que j’essaye d’apporter ma modeste contribution.
Elle consiste en quoi ?
D’abord, j’ai commencé par rédiger un guide pratique d’initiation à l’origami. C’est un beau livre de cent quatre (104) pages qui s’intitule L’origami ou l’art de plier le papier. Il est composé de plusieurs chapitres. Le lecteur trouvera un chapitre sur la définition de cet art, son histoire et ses différents styles. Un autre sur la matière première et les outils de travail. Et puis, un chapitre sur les règles qui régissent l’art. Et enfin, le dernier chapitre contient quinze (15) exercices classés en trois niveaux, suivis d’un lexique du jargon de l’art. Je l’ai déposé au Editions Baghdadi à l’été 2009, j’attends toujours sa publication. Ensuite, avec l’aide des amis de l’Association Imedyazen, dont je fais partie, j’ai créé un site Internet dédié uniquement à l’origami. Et c’est à l’occasion de Yennayer 2010, à l’invitation des associations de la région des Ath Ouacifs, que j’ai fait ma première exposition. En Juin 2010, j’ai organisé avec un groupe d’étudiants de l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, un stage d’initiation à l’origami. Puis, c’est au tour du Haut Commissariat de l’Amazighité (HCA) de m’inviter à Ghardaïa à l’occasion de Yennayer 2011. Ce fut ma deuxième exposition. Et je n’en suis qu’à mes débuts.
Avez-vous des projets en tête ?
Oui, j’en ai plusieurs. D’abord, cette année, je dois protéger mes droits d’auteur, pour les cinq modèles que j’ai créés. Ils doivent être brevetés, parce que chaque modèle créé en origami est considéré comme une invention. Puis, préparer une exposition à Alger et éditer des cartes postales dans lesquelles je mettrais des figures de l’origami. J’espère aussi que mon livre sera prêt cette année pour organiser des vente-dédicaces.
Je vous laisse le soin de conclure :
Je tiens, d’abord, à vous remercier de m’avoir offert cet espace d’expression. Ensuite, je profite de cette occasion, si vous me le permettez, pour lancer un appel à toute personne pratiquant l’origami, ou désireuse d’apprendre, de me contacter à cette adresse électronique : [email protected]
Propos recueillis par M. Mouloudj