C’est pour la première fois, du moins à l’échelle national, que le très sollicité et non moins productif Amar Mezdad est sorti de son cabinet médical et de son univers de «créateur solitaire» pour aller à la rencontre d’étudiants, seul univers où il se sent, nous semble-t-il, à son aise et où, surtout, il estime être utile à Tamazight lettres et culture. Pour cette première sortie, l’auteur de «Tafunast n yigujilen» (ne dit-on pas que la langue est la patrie de celui qui n’en a pas ?) a choisi, au grand bonheur des étudiants du département de Langue et culture amazighes, le centre universitaire de Bouira. Et c’est à un public estudiantin, heureux de mettre enfin un visage, et quel visage !, sur un nom qui a admirablement marqué la bibliographie kabyle, que monsieur Mezdad parlera de l’ambiance, son ambiance, qui caractérise l’acte d’écrire. Mais avant de parler de son expérience et de son approche s’agissant de la création littéraire, Amar Mezdad puisera dans l’humus kabyle quelques proverbes dont «i wumi srigh i tmusni-aya, i d-tettawi hala aghilif». Ce faisant, d’une manière inattendue et subtile, il invitera le parterre d’étudiants à retrouver la même sagesse kabyle dans la philosophie grecque : «Qui accroît sa science, accroît sa douleur». Ce clin d’œil ne peut être fortuit : l’auteur de Id d wass souligne la valeur de son terreau, tous segments confondus, et, en filigrane, «nous» invite à nous débarrasser de nos complexes dont le plus paralysant «haine de soi». Cette corrélation entre la «sagesse» kabyle et la philosophie grecque est aussi une invite aux étudiants de creuser plus le «sujet». Accrochés à ses lèvres, les étudiants de Bouira prendront acte de tout le travail de collecte et autres recherches qu’entreprend l’auteur de Tagrest urghu, avant de se mettre à écrire. Un travail qui s’étend «sur cinq, six ans». A propos de la langue proprement dite, l’écrivain estime qu’il faut «faire le deuil de l’unicité da la langue». Pour lui, la recherche de «la pureté est un piège dangereux». Mais comment pourrait-il en être autrement, pour monsieur Mezdad du moins, quand l’on sait que sa trilogie Id d wass, Tagrest urghu et Ass-nni respire la vie qu’il est allé chercher dans les entrailles de la Kabylie ? Et c’est justement l’absence de cette vie et de cette profondeur dans quelques productions qui font que le roman kabyle, même s’il est acheté «n’est pas lu jusqu’au bout». Ainsi, l’écrivain ne dissocie pas la langue de la vie et estime, à juste titre, qu’il faut en tenir compte et faire avec le segment (le kabyle en l’occurrence) le plus imposant. A ce propos, il soulignera, entre autres, le «statut» du Castillan dans l’Espagnol. Au sujet du lexique, tout en estimant que le néologisme est un mal nécessaire, il insistera sur la nécessité de récupérer et réactualiser les mots rescapés et sur le recourt, sans complexes, aux emprunts. Monsieur Mezdad terminera sa communication sans un mot sur son parcours de «militant», un vocable auquel il est allergique. Cependant, il avouera que ses trois ans en association politique l’ont paralysé en terme de production littéraire. Ouf ! Fort heureusement, le temps de l’Ecrivain n’est pas consacré aux bruits militantistes : le Kabyle (la langue) ne se serait pas vantée d’avoir «enfanté» une trilogie balzacienne et, bientôt, …. «La condition humaine».
Salas O. A