Misère infernale dans un décor paradisiaque

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De Maâtkas à Aït Zaïm, la descente est obligatoire. Par ici, descendre est synonyme de beaucoup de choses. Plus on descend, plus le sous-développement s’accentue, montrant ses multiples facettes.

Toutefois, la chaussée même en bon état reste sévèrement étroite, sur prés de trois kilomètres. Les ruelles du village sont bétonnées, le réseau électrique et celui de l’AEP existent. Certaines habitations ne sont ni raccordées au réseau de l’assainissement, ni à celui de l’électricité. Quant au gaz naturel, il est en chantier. Son inauguration attendra encore peut-être des années. Car le gaz arrivera via Souk El Tenine et là-bas, les travaux ne sont pas encore lancés. Pour rejoindre El Bir, un village de près de mille âmes, en contrebas, qui porte bien son nom. Descendre et continuer de glisser encore plus bas pour atteindre le fond : Déjà la route commence à montrer ses limites. L’absence de caniveaux, l’inexistence des ouvrages et les carences de tout genre illustrent la rudesse de la vie en zone rurale. Dans ce décor paradisiaque et en cette période de printemps, la beauté de ces villages suspendus tels des chaînons sur des collines embellies par un tapis vert et des couleurs pour tous les goûts, issues de la floraison des arbres. Le manque et le sous développement se mélangent à ce paysage, qui porte fièrement la bonté des populations locales. A El Bir, hormis l’école primaire qui représente l’état Algérien, plus rien d’autre. Ni foyer de jeunes, ni aire de jeu, encore moins les nouvelles technologies tel que l’Internet et les cybercafés. Par ici, plusieurs foyers continuent de s’éclairer à la bougie. L’assainissement n’existe que partiellement et l’eau potable est rationnée. En été les villageois en souffrent le martyr. Dans ce village de plusieurs centaines d’habitants, l’unité de soins existante, sans moyens, est commune à au moins trois villages à savoir El Bir, Tizi Tzouguert et Thakhribth. C’est comprendre que pour se soigner, les citoyens sont obligés de voire au chef-lieu et de s’adresser au secteur privé car le centre de santé de Maâtkas est en agonie. Nos accompagnateurs comme pressés de sortir de ce village afin de nous montrer d’autres villages encore plus dépourvus, proposent de visiter Thakhribth.

Thakhribth, un hameau oublié

En quittant El Bir, c’est toujours la descente. La route est dans un état de dégradation avancée. Le bitume a presque disparu, les nids de poule et les crevasses truffent la chaussée. Le chauffeur se voit obligé de réduire sa vitesse. Le véhicule entame son galop, plutôt son trot. Il faut scruter la chaussée pour choisir les crevasses les moins profondes pour poser en douceur les roues. Les secousses se font plus fortes. C’est à se demander comment font les automobilistes qui empruntent chaque jour ce tronçon ? Comme pour détendre l’atmosphère un de nos accompagnateurs plaisantera : «Ces villageois doivent être riches car pour circuler il faut des 4×4». Par ici, le calme et le silence règnent en maître. La méfiance est de mise. Tout étranger est suspect. Les lieux ne sont pas sécurisés. Les rapts et les menaces ont poussé les habitants à se méfier. La sinistre ex-gare de Maâtkas n’est pas si loin. Dans ce hameau, les habitants se contentent de trop peu de choses. Rien n’indique qu’on est au 21e siècle. La nature est belle et la population se montre plus accueillante et plus hospitalière, une fois les présentations faites. Ce jeune d’une trentaine d’années regrettera : «Chez nous, c’est le sous développement. Nous n’avons rien. Les autorités ne se souviennent de nous qu’à l’approche des élections. Le réseau d’assainissement n’existe qu’en partie, des foyers sans électricité l’eau potable une fois par semaine. Quant au téléphone, le foyer de jeunes et l’aire de jeu, les citoyens n’en rêvent pas encore». En somme, c’est le bout du monde. Il fallait remonter toute la piste pour enfin arriver à Tizi Tzouguert.

Tizi Tzouguert, que de manque

La chaussée est cette fois en bon état sur quelques centaines de mètres, mais elle devient de plus en plus dégradée à mesure que l’on s’enfonce dans le village. Le bitume disparaît et fait place au béton. La rue est bétonnée et par endroit des bouts de ferraille montent de la chaussée. Le béton a aussi disparu. Deux jeunes enfants trimballant le ballon neuf qu’ils viennent d’acheter ont attiré notre attention. Ont-ils un stade pour jouer ? Ils répondent que oui. Ils avouent enfin qu’ils ne jouent que dans une plateforme d’un particulier. Pas de stade, pas d’aire de jeu. Le constat est amer. Ce village de 2500 habitants ne possède pratiquement rien. C’est la justice sociale, rien pour tout le monde à Maâtkas. Sauf peut-être ce don divin qu’est le sublime paysage. C’est un don de Dieu. Par ici comme dans les deux autres villages, le minimum vital n’est pas disponible. Même pas une antenne de mairie. La population locale lance un cri de détresse aux autorités compétentes de regarder un peu du coté de Maâtkas toute entière, dans l’optique de viabiliser ses villages qui demeurent encore au 21e siècle dépourvus des plus simples commodités à savoir l’assainissement, l’eau potable, des espaces juvéniles, de la téléphonie fixe, du gaz naturel et d’un réseau routier carrossable. Des doléances tout simplement légitimes. Ici, les villageois ne demandent pas la lune. Quant aux différents élus qui se son succédé à la tête de l’APC depuis 1962, il convient de dire qu’ils n’ont pas fait grand chose. Quant au chômage galopant et à l’indigence qu’il génère, c’est malheureusement une galère généralisée.

Hocine T.

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