De l’orchestre féminin de la chaîne 2 ou Ourar n Lxalat

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Par Abdennour Abdesselam :

Qui d’entre nous n’a pas souvenance du célèbre orchestre féminin diffusé sur les ondes de la chaîne 2 depuis la création de la radio kabyle dans les années 30 par Madame Laffarge assistée de Chikh Nordine! L’orchestre se produisait sous forme d’émission appelé l’Ourar n Lkhalat (traduit approximativement par : la fête des femmes). Il était animé à ses débuts par les pionnières de la radio kabyle à l’image de Lla Yamina, Nna Tassadit et Lla Zina. Elles seront rejointes par la suite par les Fatma Zohra, Hanifa, Cherifa, Lla Ouardia, Ldjida Tameqwrant, Bahiya Farah, Lla Tahbia, Saliha Mezaguer entre autres. A mesure de son évolution, l’orchestre a été repris par une succession de jeunes femmes chanteuses et poétesses toutes spécialistes dans la combinaison de la voix et de la basse kabyle traditionnelle : Amendayer. Elles ont pour noms : Nouara, Ldjida Tamechtouht, Taous, Chabha etc.

Le jeu avait mille facettes avec une dominance de claquettes des mains. L’ensemble ainsi équilibré a créé une forme de personnalité à l’émission et un immense sentiment d’identification. En cette époque des années 5O, 60 et 70 peu de femmes kabyles travaillaient. L’écrasante majorité d’entre elles étaient des femmes au foyer mais très actives aux travaux de champs partagés avec les hommes. Cependant à l’heure de l’émission « Ourar n Lxalat » toutes se rassemblaient autour du rare poste radio. Le transistor n’étant pas très disponible alors. Il pouvait tomber n’importe quelle urgence ou surprise, toutes restaient rivées aux ondes de la radio kabyle. Pour celles qui enfantaient, elles avaient un bras tendu au bercement d’un enfant à endormir un autre suivait la balance de la musique de l’orchestre en harmonie avec la résonnance du tintement des bracelets. On pouvait aussi étouffer tendrement les voix de bébés. Rien, pas un simple bruit ne doit perturber l’écoute de ces voix d’or au timbre très familier et duquel les noms jaillissaient. Toutes les voix de ces grandes dames portaient un nom majestueusement adulé. Les artistes chantaient pour elles mais elles chantaient aussi pour toutes ces femmes qui s’appliquaient a considérer que les voix qui leurs parvenaient à travers les ondes étaient aussi quelque part leurs propres voix. Celles qui disent leur douleur, leur endurance, leur lourde mission dans ce pays de montagnes où il faisait à la fois bon d’y vivre et supporter d’y vivre surtout. La poésie ainsi chantée était plutôt un discours sur la condition de la femme. L’Ourar n Lxalat a malheureusement et étrangement disparu de la grille des programmes de la chaîne 2 sans qu’aucune raison valable (pouvait-il y en avoir une ?) ne soit communiquée. Le retour de cette émission, aussi sociale, historique que doyenne est très attendu d’autant plus que de nouvelles voix attendent de prendre le relais.

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