Cette fois-ci, ce n’est ni un effet de style, ni une harangue populiste, c’est les chiffres qui le disent, précisément ceux, froids de la Comptabilité publique
La wilaya de Béjaia accuse un immense retard de développement : De 2005 à 2010, seulement 700 milliards de centimes sur 1200 théoriquement alloués ont été effectivement consommés par les différents secteurs étatiques.
Le reste à réaliser (R.A.R) est de 45,9% pour la période 2005-2009 et de 77% pour le seul exercice 2010 ! 60 milliards DA, c’est-à-dire, 6000 milliards de centimes, bien six mille milliards ! Sur 483 projets dessinés, seulement 217 sont effectivement achevés !
C’est ce qui ressort de l’analyse du bilan d’activité de la wilaya effectuée par l’Assemblée populaire de wilaya réunie en session ordinaire en fin de semaine dernière. Une APW présidée certes par le FFS mais où siègent aussi d’aussi charmants partis que le FLN et le RND ou encore le RCD. Chronique d’un bilan consensuel de faillite.
L’analyse sectorielle fait ressortir une paralysie généralisée et parfois quelques mystères.
Sur ce dernier point, une opération de plus de 4 millions DA inscrite au profit du secteur des industries manufacturières est non seulement jamais exécuté mais plus encore, personne ne semble connaître ni la nature exacte de cette opération ni le pourquoi de sa non- concrétisation !
En fait, le tableau de bord du développement local affiche des voyants rouges …écarlates ! Aucun secteur n’échappe à la paralysie. Une véritable paraplégie de la gouvernance locale ! A fin 2009, le secteur de l’agriculture et de l’hydraulique présente un reliquat de plus de 6 milliards DA sur une autorisation- programme (AP) globale de plus 12 milliards DA, c’est-à-dire un RAR de 49%. Mais, il y a pire !
Le segment des « services productifs » affiche un RAR de 89 % ! Sur une AP de 262 millions DA, il n’a consommé que 27 millions au titre du programme quinquennal.
Mais ce n’est pas fini ! Comme dans un système de vice sans fin, il y a encore pis que pire ! Perçu dans l’imaginaire collectif comme un atout majeur dans la stratégie de développement local, le secteur du tourisme affiche un taux d’exécution « proche de zéro » !
Mésentente cordiale
En fait, il n y a que des cancres cravatés dans la classe : 46,3% de RAR en matière d’infrastructures économiques et administratives (Travaux publics, bâtiments administratifs, culture, santé jeunesse). Là où on a projeté d’investir 34 milliards DA, on a rendu une vingtaine au Trésor public comme dans une affaire d’hôpital qui se moque de la charité.
En matière d’habitat, le résultat est simplement scandaleux. Ici on a réalisé moins de la moitié de ce qui a été projeté. Sur 18 milliards DA, on s’est fait quitte pour seulement 8, soit un RAR de …56% ! Qui a parlé d’un million de logements réalisé ?
Analysant la situation des Crédits de paiement, l’APW relève que la wilaya ne peut engager des dépenses annuelles supérieures à 15 milliards DA.
Partant de là et au regard du reliquat financier 2005-2010, soit 60 milliards DA, l’APW constate qu’il faille quatre ans pour éventuellement rattraper le temps perdu.
En termes qualitatifs, l’APW touche du doigt une faille de gouvernance systémique. L’arrivée d’un nouveau wali, c’est-à-dire d’un nouveau pilote à bord, ne dessine pas pour autant un nouveau cap pour ce rafiot en perdition que semble être la wilaya de Bejaia. L’analyse de la situation du programme de consolidation de la croissance économique accordé à la wilaya dans son chapitre 201 « pose de sérieuse interrogations quant à la capacité de l’administration à anticiper la prise en charge des projets inscrits », notent les élus APW.
L’APW demande-t-elle la tête du wali ? Tout porte à le croire, puisque celui-ci est de nouveau épinglé à propos de « l’arrêt injustifié de la synergie et de l’harmonie dans le travail ayant prévalu au sein des commissions mixtes composées des élus APW etdel’Administration”
Ces fameuses commissions mixtes sont en fait un dispositif de concertation mis en place du temps du wali Ali Bedrici et qui a effectivement tracé une feuille de route pour le développement de la wilaya. L’APW revient à la charge pour demander la relance de certains structurants retenus par ces commissions : Pénétrante autoroutière, CHU, port sec, extension du port et de l’aéroport, tramaway, dédoublement de la RN 26, échangeur des Quatre chemins, achèvement du port de pêche et de plaisance de Tala-Ilef et des travaux de modernisation de la RN 43.
Dans sa résolution finale, l’APW réitère pour ce faire la demande d’un Plan spécial, une promesse électorale faite déjà en 2004 par Bouteflika.
En fait et concernant l’état de développement de la wilaya, le wali fait chorus avec les élus et reconnaît un « immense retard » et parle lenteurs administratives ayant des « conséquences dramatiques » sur la wilaya .
Comme il faut bien que quelqu’un paie, le DUC, qui a aussi occupé longuement l’intérim du DLEP ainsi que le DTP sont débarqués tandis que le wali demande aux autres membres de l’exécutif de wilaya de mouiller davantage la chemise. « Allez vers les communes, impliquez-vous d’avantage, allez sur le terrain ! » les exhorte-t-il tout en menaçant de sévir contre les fainéants. « Les incapables parmi vous seront débusqués ! », sermonne le wali à l’adresse du son staff. Cela ne semble pas convaincre l’APW d’autant, et c’est là un secret de polichinelle, que les rapports entre son président et le wali relèvent de la …mésentente cordiale.
M. Bessa

