Trèze heures et demi, heure de visite à l’hôpital Mohamed Boudiaf de Bouira. Le service pédiatrie est celui qui connaît le moins d’affluence. En plus, et c’est tant mieux, les visiteurs y sont moins bruyants. La première salle du service est réservée aux couveuses.
Des bébés prématurés continuent dans des conditions favorables leur développement fœtal. D’autres, nés à terme, y sont là pour bénéficier de médicamentation dans de meilleures conditions d’hygiène. A travers les vitres de la salle, papas et mamans cherchent des yeux leurs bébés. Quelques uns parmi ces derniers viennent des maternités privées. Oui, aussi bizarre que cela puisse paraître, le privé n’a pas de couveuses. La machine coûte ‘’chère’’ : son acquisition suppose recrutement d’un personnel permanent. Pourquoi donc acheter et recruter alors que le service public est là pour venir au secours des bébés du privé! Il y a près d’une semaine, nous avons appris qu’un bébé évacué depuis une maternité privée avait rendu l’âme à l’hôpital. Cela avait soulevé le courroux du médecin de permanence qui avait traité l’évacuateur de » criminel « . On comprend dès lors le taux de » mortalité zéro » que le privé vous exhiberait avec fierté puisque » ses bébés » meurent à l’hôpital.
Les autres salles du service pédiatrie de l’hôpital accueillent elles aussi des nouveaux-nés, mamans et gardes-malades. C’est dans l’une de ces salles que nous avons rencontré le petit » Hicham « . Il est âgé de près d’un mois. Le bébé avait été retrouvé (triste rappel !), il y a une dizaine de jours par des éboueurs (voir notre édition du 08 mai) dans un bac à ordures, à Bouira. Son prénom a été » provisoirement » choisi par Hanane Benzerrouk, une jeune femme employée par la pouponnière de Bouira. Hanane est à l’hôpital pour prendre soin de Ziad, un bébé de 7 mois souffrant d’hydrocéphalie qui, lui aussi, a été » ramassé » dans la rue, à M’sila.
Dans la même salle, nous rencontrons Hayat, une jeune femme » réquisitionnée » pour garder son neveu. Mais son cœur étant grand comme ça et sa sensibilité à fleur de peau, elle s’occupera aussi du jeune Hicham : bains, biberons…
A la manière dont Hicham cherche le sein, Hayat déduira qu’il aurait tété le sein d’une femme. S’agirait-il de celui de sa mère ? L’enquête engagée par les services de la police n’a, jusqu’à l’heure qu’il est, levé le voile sur aucun élément à même d’identifier les responsable du délit innommable. Hayat constate que Hicham souffre d’un léger problème de digestion.
Elle a tout de suite compris que cela est dû au lait. Elle ameutera ses collègues de l’agence foncière où elle y travaille. Le jour même, des boites de lait de meilleure qualité inondent le petit coin de Hicham. Cela déplait à Hanane. Elle estime, à raison d’ailleurs, qu’une fois admis à la pouponnière Hicham n’aura pas droit à ce lait et du coup, son alimentation sera difficile. Le neveu de Hayat est déclaré sortant par le médecin du service pédiatrie. Même si elle éprouve de la joie, suite à cette nouvelle, Hayat est triste à l’idée de laisser derrière elle Hicham. Elle réussira à refouler sa déprime, jusqu’au moment fatidique : quitter l’hôpital. Elle éclatera en larmes. Et c’est tout le monde parmi les présents dans la salle qui s’essuiera les yeux. Dans quelques jours Hicham sera transféré vers la pouponnière. En attendant, Hayat continue à lui rendre visite et à l’approvisionner en lait de meilleure qualité. Mais cet élan de générosité n’empêchera pas Hicham d’être démuni de l’essentiel : une maman et un papa
» Elle est injuste la vie : on abandonne les bébés dans les rues, pendant que des couples, stériles, sont prêts à tout sacrifier pour en serrer un entre leurs bras « , s’insurge Nadia, une jeune maman dont le foyer a été égayépar un jeune poupon
Salas.O.A

