A plusieurs occasions, des inventaires concernant les potentiels sites touristiques de la wilaya de Bouira reviennent sur la table des autorités locales sans qu’une politique claire en la matière n’ait pu se profiler à l’horizon
La région traîne depuis des décennies la notoriété de certains sites identifiés depuis longtemps- pour certains, ils sont repérés et proposés à des aménagement adéquats depuis la colonisation (à l’image de Tikjda et de Tala Rana)- sans pour autant que des études sérieuses soient lancées pour dégager la faisabilité des projets touristiques et en tracer des programmes d’aménagement.
Une seule exception depuis 2010 : il s’agit du projet de la forêt récréative d’Errich, dans la banlieue ouest de Bouira qui a bénéficié d’une étude d’aménagement et dont la réalisation sera lancée avant la fin de l’année en cours. C’est le poumon de la ville de Bouira ; cette dernière commence à étouffer sous le poids d’une démographie galopante et d’un patent déficit de lieux de détente pour les familles.
Le projet de la forêt récréative vient donc à point nommé pour dessiner de nouveaux horizons au cadre de vie de la ville de Bouira.
L’autre projet qui n’arrive pas à sortir du tunnel est celui de la station thermale de Hammam Kasenna. Un prodige de la nature situé à 35 km au sud-est du chef-lieu de la wilaya. Le projet de faire de cette source thermale naturelle une véritable station moderne où seraient combinés la vision touristique, le souci thérapeutique et le besoin de détente et de récréation est pris en charge depuis 2005 par une société appelée Faraksen. Jusqu’à ce jour, il n’y a que quelques bassins et une mini-piscine qui sont livrés au public. En tout cas, l’on est très loin du descriptif contenu dans la fiche technique du projet où toutes les caractéristiques d’un complexe thermal sont annoncées (salles de soins, médecins curistes, restaurants, hôtel, parkings,…). Depuis quelques mois, un autre site naturel attire des familles dans la région sud de la wilaya. Il s’agit du sommet de djebel Dirah, situé dans la daïra de Sour El Ghozlane et faisant la jonction entre trois communes : Sour El Ghozlane, Dirah et Maâmora. Ce point culminant du Hodna Titterien est situé à 1810 mètres d’altitude. Il porte les noms de Poste optique (d’après l’ancienne cartographie coloniale) et de Hadjrat El Hadiane (Rocher guide). La fraîcheur des lieux, les sources jaillissantes sur les versants de ce mont et provenant de la fonte des neiges et la verdure de ses pelouses et pâturages en font le point de ralliement des familles de l’ex-Aumale dès les derniers moments de la fonte des neiges. Sur son sommet, ce mont supporte les antennes radar, les antennes de la téléphonie mobile et celle de la télévision algérienne, TDA). Les populations locales ne comprennent pas comment un tel lieu féerique ait pu échapper aux décideurs au niveau de la wilaya pour en faire un site touristique en bonne et due forme. Actuellement, il ne dispose d’aucune commodité hormis la route goudronnée.
Des atouts avérés
Jusqu’à ce jour, la seule destination touristique connue dans la wilaya de Bouira demeure Tikjda, avec sa périphérie où des endroits spécifiques de la montagne du Djurdura sont connus et visités depuis longtemps (pelouse d’Assouel, gouffre du léopard, Belvédère, Lac Goulmim,…). Depuis le début des années 2000, le site de Tikjda a souffert d’une série d’incendies. Les traces, visibles encore, en constituent de disgracieuses taches. Il est vrai qu’une remontée biologique commence à s’y opérer (régénération de l’ancienne végétation) ; cependant, des sujets de cèdres millénaires ont été définitivement emportés par le feu.
Depuis 2005, le panorama de Tikjda se complète avec le nouvel ouvrage hydraulique, le barrage de Tilesdit (167 millions de mètres cubes), dont le lac, empruntant une forme de crocodile bien allongé reflète le moutonnement de nuages en perpétuel déplacement et qui laissent, dans des moments d’éclaircies, poindre de fin rais de lumière qui transpercent dans un beau tableau de maître les eaux calmes et langoureuses du plan d’eau.
Le plan d’eau est situé entre Haïzer, El Esnam et Bechloul. Il occupe le cours supérieur de la Soummam appelé Oued D’Hous. On est au pied du Djurdjura. Toutes les couleurs se rassemblement, convergent et se croisent pour allier l’ocre des roches nues, la verdure des flancs où se niche le cèdre et le bleu azur des eaux de Tilesdit. Avec de tels atouts avérés, pourquoi la région de Haïzer ne serait pas vue comme une région touristique de premier plan ? Tout dans le chef-lieu de wilaya de Bouira indique que Haïzer est là dans les parages. Très présents dans la ville, les habitants de cette commune, qui est en même temps chef-lieu de daïra, descendent même pour de menues commissions, histoire de fixer ou d’honorer un rendez-vous dans l’un des café très nombreux, qui parsèment la cité ; histoire aussi de s’informer de ce qui se passe, de se rendre dans un cybercafé ou de dissiper un cafard tenace. Mais le lieu d’élection de la communauté de Haïzer est certainement ce recoin du carrefour de Tikjda, en bordure de la RN 5 et où commence la RN 33 qui relie Bouira à Tizi Ouzou. Là la station de transport vers les deux localités de Haïzer et Taghzout ne désemplit jamais de jeunes, vieux, femmes et filles s’apprêtant à rejoindre leurs foyer au bout d’une journée passée dans les rues et venelles du chef-lieu de wilaya.
Sous ce point de vue, la localité de Haïzer paraît comme une lointaine banlieue de la ville de Bouira. Elle n’en est, en fait, distante que de neuf kilomètres. En empruntant la RN 33 qui la dessert, l’on a en face de nous la muraille du Djurdjura dans sa portion la plus massive et la plus redressée. Les deux crêtes de Tajgagalt et Adrar n’Haïzer, surplombées par la Dent du Lion (une aiguille de 2123 m d’altitude appelée ici Tamgout n’Haïzer), dominent la plaine de Oued Tessala et les plateaux forestiers de Tikboucht et d’Ighil Medjbeur.
La différence d’altitude est énorme ; elle donne le vertige. Le village de Haïzer n’est qu’à 560 m, alors que la Dent du Lion, suspendue dans le ciel telle une aurore boréale, est à 2123 m ! C’est l’un des spectacles les plus éblouissants et l’un des panoramas les plus rares. Les villages dominant de haut Haïzer –à l’image d’Izamourène, Merkala, Tanagout, Aïn Alouane, Tessala,…-constituent de belles perles qui empreignent d’un charme particulier cette partie du piémont. Une telle situation aurait pu faire du village de Haïzer une station touristique des plus enviables si un plan de développement touristique y était mis en œuvre. L’idée est d’autant plus sensée que ce lieu est le point de passage vers Tikjda située à quelque quinze kilomètres d’ici. Mais, pour l’instant, il n’en est rien. Haïzer reste cette cité hybride entre l’ancien village kabyle et la nouvelle cité qui n’arrive pas encore à trouver ses marques. Poussières ascendantes en forme de vortex en été fange épaisse en hiver ; ce sont là les deux caractéristiques de ses venelles et même du “boulevard’’ central.
Villages Alpins ?
Depuis la fin de l’hiver, un regain de fréquentation a été observé autour de la région de Haïzer et Tikjda. Les bois et les bosquets sur la route qui mène vers Tikjda ont reçu de nouveau des visiteurs en groupes d’amis ou en familles.
D’Alger, de Boumerdès, de Bordj Bou Arréridj et d’autres lieux encore, les visiteurs affluent vers ces lieux paradisiaques. Ces lieux ont pourtant besoin d’autres efforts des pouvoirs publics pour des aménagements adéquats pouvant assurer confort, détente et sécurité aux touristes.
Constitué principalement de pinèdes, le couvert végétal de la région se termine au niveau du Parc du Djurdjura (Agouni Soulès et Ifri Aït Ouyahia) par le cèdre de l’Atlas, espèce noble dont certains sujets ont plusieurs siècles d’âge. Malheureusement, les incendies ont largement affecté ce patrimoine.
Depuis le milieu des années 2000, où la pluviométrie a connu un volume fort intéressant (jusqu’à 700 mm par an), la remontée biologique commence faire son travail. Des nappes de plants régénérés de pin d’Alep sont visibles un peu partout.
L’aménagement d’espaces d’écotourisme dans le Parc national du Djurdjura conférera un autre destin aux agglomérations et hameaux de la daïra de Haïzer : possibilité d’investir dans le commerce, les métiers traditionnels, l’artisanat, l’hôtellerie et les autres services connexes.
Pour peu que les pouvoirs publics tracent une politique claire et rationnelle en la matière et que la société civile et les professionnels du tourisme soient plus entreprenants, les villages et bourgades de la région pourront devenir des villages alpins où, à l’harmonie et à la beauté de la nature, s’ajouteront de réelles perspectives de travail, d’investissement et de bien-être social.
Amar Naït Messaoud