A l’occasion de la Journée internationale de l’enfant, Nassima Touisi, responsable de l’édition Abécédaire, a organisé mercredi dernier, une vente dédicace d’un conte du terroir intitulé «Baba fekrane», au niveau d’une école primaire. Nassima a incité les enfants à effectuer des recherches sur les contes algériens et dire à leurs parents de les leur raconter. «Si on ne prend pas en charge la récolte de ces contes, plus tard, on risque de perdre notre identité», a tenu à souligner Nassima Touisi
La Dépêche de Kabylie: Pouvez-vous nous parler de l’importance des contes du terroir?
Nassima Touisi : On retrouve les contes jusqu’au bout de la terre. « Il était une fois… », ouvre la porte à la nostalgie et au rêve d’un monde meilleur; un monde juste où la misère, la maladie et la guerre n’ont pas de place. Dans les sociétés traditionnelles, les contes étaient destinés aux adultes. On contait pour rire ensemble et partager de bons moments. On contait pour se retrouver et créer une complicité. On contait pour mettre en scène la vie quotidienne avec ses drames et ses délires. Avec le temps, cette tradition orale a été censurée et transformée dans le souci de l’adapter au destinataire enfantin. Le conte représente un matériau psychopédagogue inestimable et irremplaçable pour l’enfant, car il lui inculque des principes de vie et des valeurs humaines et sociales, tout en l’amusant. Les sociétés évoluées ont vite compris l’importance de préserver leur littérature orale et, ainsi, sauvegarder la mémoire collective et les connaissances du peuple.
A travers les contes du terroir, on retrouve son identité ses traditions, ses habitudes, ses croyances, son histoire, son passé et sa langue. Il est important de les faire connaître à l’enfant pour lui dire qui il est.
Pourquoi, d’après vous, ces contes sont-ils en voie d’extinction ?
La télévision, les consoles de jeu et l’ordinateur, remplacent les veillées d’antan et, donc, ont une part de responsabilité dans l’oubli des contes. Cependant, la raison majeur pour laquelle nos contes sont en voie d’extinction est le fait que nous ne les collectons pas auprès de nos aînés. En perdant la vie et la mémoire des bonnes gens d’avant, nous perdons ce patrimoine culturel immatériel. Par ailleurs, collecter, écrire, concevoir, illustrer puis éditer un conte ou même un recueil de contes est dispendieux et nécessite un soutien financier des organismes privés et étatiques.
Mon époux et moi avons collecté conçu et réalisé une dizaine de livres de contes, et ce, après avoir été encouragés par le Ministère de la Culture. Nous les avons présentés au service du livre, mais notre requête est restée sans suite depuis plus d’un an et demi. Nous ne comprenons pas comment un organisme étatique d’une telle envergure n’arrive pas à sélectionner des livres aussi importants et de qualité supérieure par rapport à la médiocrité qui est soutenue habituellement. Nos enfants ont le droit d’avoir des livres de culture et d’essences algériennes de calibre international. C’est pourquoi, nous avons pris la décision de financer nous-mêmes, avec l’aide de quelques membres de la famille, notre premier conte du terroir intitulé « L’aventure de Benderbechi ».
Que faut-il faire pour rendre l’importance à ces contes et pousser les enfants à les lire ?
Le livre pour enfants est une spécialité qui n’est pas à la portée des bricoleurs. Le livre doit être étudié au niveau de toute la conception graphique (illustration, choix de la typographie, recherche de la couleur, de la mise en page, le format…) pour qu’il soit attrayant. L’histoire contée doit aussi être instructive et intéressante. L’enfant est ainsi encouragé à prendre le livre pour le lire. En Algérie, nous avons présenté le livre, « L’aventure de Benderbechi », au Palais de la Culture et à l’école Les Iris. J’ai conté l’histoire de Baba Fakrane aux enfants et je leur ai parlé de l’importance de la collecte des contes auprès de leurs aînés. Nous avons été surpris et ravis par l’intérêt qu’ont porté ces enfants aux contes de leur pays.
Aussi, nous avons réalisé une exposition de maquettes du livre et des dessins originaux au Consulat Général d’Algérie à Bruxelles, suivie d’une vente dédicace. Le même engouement y a été constaté. Les enfants de la communauté algérienne en Belgique ont découvert, ainsi, nos contes et en ont été très heureux. Ce genre d’initiatives devrait se multiplier pour que le conte ne meurt pas.
Le mot de la fin ?
Nous remercions le Consulat Général d’Algérie à Bruxelles, le Palais de la Culture et l’école Les Iris qui nous ont apporté leur soutien et aidé à transmettre notre patrimoine culturel à nos enfants.
Propos recueillis par Samira Saïdj