Ambitions et contraintes d’un dispositif

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La revalorisation des produits du terroir, la relance de l’artisanat et la stabilisation de tous les métiers exercés dans les zones rurales réclament plus que jamais l’attention des pouvoirs publics, particulièrement dans le contexte actuel où les enjeux se situent au niveau de l’amélioration des conditions de vie des populations, de la création d’emplois au niveau local et du retour des populations déplacées

C’est une politique qui s’inscrit également dans la grande stratégie d’un meilleur aménagement du territoire national appelant à une gestion plus rationnelle des ressources (biotiques, foncières, hydriques,…).

Le monde rural algérien compte actuellement plus de 13 millions d’habitants. Le processus de valorisation de ses espaces de vie, après une approche plus ou moins volontariste et même anarchique jusqu’à la fin des années 1990, commence à peine à être rationalisé dans la politique appelée de renouveau rural. Ce dernier concept, mis en vedette par le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, travaille à l’intégration des stratégies sectorielles de plusieurs autres départements ministériels pour créer une synergie des actions à même de créer ou de recréer les conditions de vie permettant aux foyers ruraux d’être stabilisés sur leurs lieux d’habitation et incitant ceux qui quitté leurs hameaux et villages à y retourner.

Les projets de proximité de développement rural intégré (PPDRI), conçus à cet effet, regroupent des actions agricoles (plantations fruitières, aviculture, apiculture, élevage ovin et bovin,…), des projets de désenclavement (réseaux de pistes et routes), des infrastructures et équipements sociaux et de santé…

Cependant, pour réussir de tels projets dans des régions enclavées, excentrées par rapports aux centres de prise de décision politique, un travail colossal de sensibilisation, d’écoute et de vulgarisation incombe aux agents de développement ; que ces derniers relèvent de la municipalité ou des services techniques de la daïra, il importe qu’ils fassent preuve de patience et d’un trésor d’imagination pour faire adhérer les populations aux projets.

Dans ce domaine, comme cela a été expérimenté à l’échelle de plusieurs pays en développement, le maître-mot demeure la participation. La participation des communautés rurales aux projets de développement sous toutes les formes : diagnostic du territoire, identification des problématiques principales, hiérarchisation des actions d’intervention, participation par des apports financiers sous forme de microcrédits, et même participation à l’évaluation des impacts des projets initiés.

Valoriser la culture et le savoir-faire des populations

La stratégie de la participation ne peut naturellement donner de résultats probants que pour des projets et des actions ayant une relation directe avec les besoins et la vie des populations ciblées. C’est pourquoi, elle est censée s’appuyer sur des leviers assez forts à l’image du savoir-faire locale des populations et des communautés, le génie et la culture des individus et des collectivités. Cela signifie aussi que des thèmes comme l’artisanat et les produits du terroir sont supposés bénéficier d’une prise en charge intelligente qui en ferait non seulement des sources de revenus, mais aussi des vecteurs et des moyens d’expression de la culture et du génie du monde rural.

S’agissant de la pratique de l’agriculture, les contraintes et les défis à relever dans les régions rurales se présentent d’une façon différente par rapport aux zones de l’agriculture professionnelle (grandes superficies constituées en fermes dans la plaine et organisée selon les filières). Le morcellement de la propriété l’indivision des terres, le relief accidenté l’absence des grands ouvrages hydrauliques, l’absence des titres de propriété l’enclavement et d’autres contraintes aussi aigues mettent la pratique de l’agriculture dans une situation de complexité avancée que l’on ne rencontre pas dans les zones où les potentialités de l’agriculture professionnelles sont avérées et exploitées.

C’est ce milieu difficile, naguère marginalisé qui est aujourd’hui pris en charge dans l’un des deux axes sur lesquels s’appuie la stratégie du ministère de l’Agriculture et du Développement rural. Cet axe prend le nom de Renouveau rural. Sa stratégie est basée sur les projets de proximité de développement rural intégré (PPDRI).L’autre axe, qui s’occupe de l’agriculture professionnelle à travers ses filières (céréales, pomme de terre, lait, olivier,…), est celui du Renouveau agricole.

Les programmes élaborés au profit des communautés rurales qui n’ont pas accès aux activités de l’agriculture professionnelle appellent nécessairement de nouveaux canaux de communication entre les agents de développement et les membres des communautés rurales. En effet, ces zones retirées, dans les massifs montagneux ou dans la vastitude des espaces steppiques, souffrent de multiples déficits en infrastructures et en équipements publics, ce qui les a mis à la marge des grands programmes de développement initiés par les pouvoirs publics.

Les autorités politiques du pays n’ont commencé à s’intéresser d’une façon plus soutenue aux graves problèmes des communautés rurales qu’à partir du début de la décennie 2000 lorsque les poids de l’exode rural et du dénuement des bourgades et hameaux a déjà atteint sa charge de rupture créant d’immenses problèmes au niveau des villes sollicitées par les nouveaux débarqués.

L’aide au retour des populations et l’initiation des programmes de développement spécifiques à ces régions ont exigé des diagnostics des territoires et des modes de vie pour concevoir des méthodes adaptées d’intervention. Ces diagnostics relèvent généralement des méthodes de la communication moderne telles qu’elles sont pratiquées dans plusieurs pays du monde. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ainsi que le Fonds international pour le développement agricole (FIDA) ont aussi mis en œuvre un certain nombre de méthodes d’approche du monde rural là leurs programmes d’aide ont été mobilisés.

La question principale qui se pose dans ce genre d’intervention est de savoir comment valoriser le savoir-faire local, tirer une philosophie de la vie et du développement à partir de la sagesse ancestrale et féconder ce legs précieux avec les données modernes de la sociologie et de la communication. Comment obtenir un développement équilibré et harmonieux des territoires et des communautés humaines à partir de projets conçus et formulés à la base ? Tel semble être le pari de l’approche participative du développement durable telle qu’elle se décline dans les projets destinés aux communautés rurales.

Ce genre d’approche, dont la finalité est d’asseoir un développement intégré auquel adhèrent pleinement les ménages et les populations charrie une nouvelle problématique, celle de la communication en milieu rural. Cette dernière a été abordée par plusieurs auteurs qui ont voulu faire évoluer la relation entre les intervenants institutionnels et techniques (administration, bureaux d’étude, techniciens, bailleurs de fonds) avec les paysans et les agriculteurs de façon à mieux appréhender les enjeux de ce milieu spécifique et, par conséquent, imaginer les solutions les plus appropriées aux problèmes diagnostiqués conjointement avec les concernés dans une dynamique de participation active.

Ménages ruraux : acteurs de leur destin ?

La pertinence des choix en matière de projets à imaginer dans l’arrière-pays montagneux ou steppique peut être grandement facilitée et judicieusement orientée quand les ménages ciblés sont associés ; car, quelles que soient la fiabilité technique et l’intention économique des projets considérés, l’étude du milieu social- par le moyens des instruments du diagnostic sociologique- contribuera à mieux appréhender les enjeux, les connexions des divers éléments physiques, économiques et sociaux du milieu rural.

Il s’agit réellement d’une nouvelle approche de la communication qui permet d’orienter les projets de développement de façon à ce qu’ils soient pris en charges par les bénéficiaires eux-mêmes de façon à accéder au rang de partenaires viables des pouvoirs publics.

Les nouvelles orientations de la politique de développement rural, aussi bien en Algérie que dans beaucoup d’autres pays du monde qui sont confrontés aux mêmes défis de paupérisation du monde rural et d’exode des populations, sont tendues vers un diagnostic approfondi des régions ciblées et vers des projets participatifs qui accordent une place de choix aux initiatives locales. Ce type d’intervention requiert des outils méthodologiques élaborés par des experts en sociologie et dans des questions des politiques publiques de développement.

L’initiation et la formulation des projets de proximité de développement rural intégré (PPDRI) bénéficient largement des nouvelles méthodes de communication avec les populations rurales. Le diagnostic du territoire et la conception des projets se font conjointement entre les agents de développements (techniciens, agents techniques, ingénieurs) et les populations dans des réunions appelées focus-groups. Les localités ciblées élisent en leur sein un animateur qui sera le vis-à-vis d’un facilitateur issu de l’administration et désigné par les pouvoirs publics.

La relation et la communication entre les deux parties s’étoffent et s’enrichissent tout au long de la réalisation du projet. Elles vont jusqu’à la phase d’évaluation de celui-ci.

Si la philosophie qui fait des ménages ruraux des acteurs de leur destin ne rencontre pas d’obstacle insurmontable, la synergie intersectorielle supposée animer la relation entre tous les intervenants institutionnels ou associatifs ne semble pas tout à fait au point.

En effet, hormis les fonds mis à la disposition de ces projets par le ministère de l’Agriculture (FDRMVTC, FLDDPS, Fonds de l’élevage,…), les autres sources de financement détenues par d’autres secteurs (PCD, Santé Hydraulique, Education, Artisanat,…) peinent à se greffer à ce montage financier global sans lequel la notion d’intégration n’aurait plus de sens. C’est que, au niveau des wilayas, la structure chargée de la mise en œuvre de la politique du renouveau rural incombe à l’administration des forêts, structure qui n’a pas de prérogatives pour mobiliser les fonds sectoriels gérés par les autres directions de wilaya pour les injecter dans les PPDRI.

Amar Naït Messaoud

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