Retour sur les lieux du drame…

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Jeudi dernier, treize heures, c’est presque au même moment que la bombe explosa, une semaine auparavant, jour pour jour, faisant deux morts dont un civil, le défunt Mustapha Dial. Au niveau de la ville d’Azazga, le sujet fait toujours l’actualité même si la tension semble s’apaiser. Les visages sont moins crispés que quelques jours auparavant. L’arrêt des fourgons transporteurs de voyageurs vers Yakouren, distante d’une quinzaine de kilomètres de là est bondé de monde. «L’hôpital c’est par ici !», cria le pointeur de cet arrêt. Un arrêt qui dessert également l’hôpital. En un laps de temps très réduit, le fourgon que nous prenons fera le plein. Il ne reste plus qu’un peu plus d’une demi-heure avant le début de la visite des malades, au niveau du même hôpital. Un hôpital qui se trouve à mi chemin entre Azazga et Yakouren. «C’est ici que cela s’est passé», nous dira le chauffeur du fourgon, que nous avons abordé sur le sujet.

Le lieu de l’attentat est situé à un jet de pierre de l’hôpital. Une structure dont les alentours sont déjà bondés de monde. «C’était comme ça la semaine passée, on s’apprêtait à entrer pour la visite, lorsque cette bombe explosa», se souvient un vendeur. Mais que s’est-il réellement passé ? La question on l’avait posée à plus d’un. «J’ai entendu une forte déflagration, je n’avais rien compris, j’avais cru à autre chose, à quoi ? je ne sais pas trop, ce n’est que quelques minutes plus tard que je me suis rendu compte qu’il s’agissait d’une bombe», raconte un médecin, résidant dans un logement de fonction au sein de l’hôpital. «On me rendant compte, l’hôpital était déjà investi par des militaires. Ces derniers sont rentrés par le portail de derrière, du côté donnant sur la forêt. Certains d’entre eux ont visité mon appartement qu’ils ont fouillé avant de repartir, sans me faire quoi que se soit» enchaîne-t-il. Celui-ci fait état de coups de feu nourris qui s’en sont suivi. «Il y avait des coups de feu partout, cela a duré 2 à 3 heures». Ce sont les dires de l’ensemble des personnes que nous avons interpellées sur la question.

A Azazga, la vie reprend malgré tout

Tout le monde s’accorde à dire que «la pagaille» a duré jusqu’à la fin de l’après-midi. «Je suis sorti de chez moi vers 18h pour venir dans mon bureau afin de récupérer mes affaires. J’étais surpris par le corps drapé devant le portail», dira un autre médecin résidant dans le même hôpital. Le corps est celui du regretté Dial Mustapha, 42 ans, père de 4 enfants et originaire de la commune de Souamaâ. «Il s’est attablé à la même place ou vous êtes là ; il a pris un café avant de repartir en prenant avec lui deux cigarettes, malheureusement pour lui, la bombe explosa avant qu’il n’arrive à destination». Tout le monde sait que ce père de famille travaille comme ouvrier dans une villa à coté. «Il se dirigeait vers cette villa, en cours de route, la bombe explosa. Pris vraisemblablement de panique, il a couru avant de recevoir une balle dans la jambe. La balle a été tirée par un militaire. Le pauvre tomba sur le coup. Les militaires ont couru vers lui, avant de l’achever à bout portant», témoigne un serveur de café. «Je voyais la scène de mes propres yeux, on était nombreux à crier que la victime était un ouvrier et pas un terroriste, pour tenter de ramener à la raison les soldats, mais en vain, ceux-ci ne voulaient rien entendre… », poursuit le serveur, avant d’être interrompu par un client attablé à côté. Le café était plein, de même d’ailleurs que les différents commerces du lieu, notamment les restaurants et les pizzerias pris d’assaut. Ce point sert de transit pour les passagers allant vers les régions ouest. Des véhicules, pour la plupart des taxis, immatriculés de Jijel, sont garés aux abords de la route.

Mais les séquelles toujours vivaces chez le personnel de l’hôpital

Les épiceries sont, quant à elles, moins achalandées, ce qui est normal à ce moment de la journée. Ces alimentations générales font le plein quelque temps avant la visite aux malades, comme ce fut le cas, il y a quelques minutes en ce jeudi 30 juin. «Comme vous pouvez le constater, la vie reprend son cours normal», nous dira un commerçant. Il est vrai que l’endroit connaît une animation particulière. On ne dirait pas que pareil drame s’est produit il y a une semaine. Même le lieu exact de l’explosion de la bombe était difficilement connaissable. Pas de trace du poteau électrique que l’explosion a fait tomber. «Le poteau a été refait le lendemain même du drame, il est là… », explique un autre commerçant, affairé à servir un de ses clients. Des traces, seule une des villa d’à coté en garde encore. Celle-ci, a été visiblement criblée de balles. Une, deux, trois, dix…vingt…30… impossible de compter ces impacts. La villa avait une fenêtre ouverte et de loin on pouvait entrevoir tout, sens dessus dessous. A côté un engin était en train de déblayer le chemin menant vers ladite villa. Aussi, la gerbe de fleur déposée, quelques jours auparavant après la grandiose marche organisée pour crier l’injustice, est également toujours visible, témoignant du drame et interpellant les passants. La vie reprend son rythme, mais Azazga ne semble pas prête d’oublier. La colère est sur toutes les lèvres. «Ce que ces militaires ont fait est grave. Ils ont tué et ils ont semé la panique dans et en dehors de l’hôpital», ironise un infirmier. Selon ce dernier, quatre militaires ont été admis au niveau des urgences pour blessures ce jour-là. «On était en train de soigner ces blessés, et eux ils nous ont malmené en vociférant des gros mots à notre encontre. Ils sont allés jusqu’à enlever des portables et des papiers à nos collègues», déclare ce dernier. «La panique ne peut pas expliquer à elle seule ce comportement», dira-t-il encore. Parmi les blessés admis ce jeudi noir, il y avait également un civil, S. Mohammed, sexagénaire. «Il a quitté son lit d’hôpital ce matin, il a été touché à la jambe», nous signifie le même infirmier. Le blessé gardera longtemps les séquelle de ce qui s’est passé lui qui était en visite pour un malade. Les séquelles, des médecins, des infirmiers et des commerçants exerçant au niveau de l’hôpital, en gardent encore. «Mes enfants sont traumatisés après le drame. Je dois prendre un congé pour aller changer d’air en espérant que cela m’aidera à tenir le coup», dira une résidente au sein de la même structure hospitalière. A vrai dire, les traces, c’est à l’intérieur de tout un chacun des présents ce jour-là qu’il faut en chercher. Le comportement, les habitudes quotidiennes, l’aspect extérieur ne sont en fait qu’un décor. Un décor bercé par une brise glaciale qui souffla tout l’après-midi de ce jeudi sur la région de Yakouren. Il était déjà presque 16 heures quand nous quittons l’endroit. Azazga, elle, suffoque toujours sous l’effet de la chaleur et de l’humidité.

M. O. Benmokhtar.

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