« Une police de la pêche bientôt à pied d’œuvre »

Partager

Au cours de cet entretien, Nadir Adouane, directeur de la pêche et des ressources halieutiques de la wilaya de Bejaia, nous a longuement fait part du prix de la sardine, de l’élevage aquacole, du contrôle de la qualité du poisson, des halles à marées et de la police de pêche

Entretien réalisé par : B. Mouhoub

La Dépêche de Kabylie : Le prix de la sardine, comme vous l’avez sans doute remarqué a sensiblement baissé ces derniers temps. Il est tombé au grand bonheur des consommateurs de 300, voire de 350 à 200 et à 150 DA. Quelle en est l’explication ?

Nadir Adouane : La question que vous posez est très judicieuse. On a effectivement remarqué une chute considérable du prix de la sardine qui était de 300 jusqu’à 35O DA durant l’hiver et qui est descendu maintenant à 15O voire même à 100 DA le kilo dans certains points de vente. Ceci s’explique par plusieurs raisons, les principales sont les bonnes conditions climatiques qui permettent aux sardiniers d’aller pêcher dans de bonnes conditions, la mer n’est pas très agitée comme en hiver, la sardine se déplace vers la côte, ce qui facilite le travail aux pêcheurs. Depuis plusieurs années que je suis dans le secteur de la pêche, je constatequ’ il y a généralement toujours beaucoup de sardines durant les mois de juin, juillet et août. Ajoutez à cela, le fait qu’il y a d’abord les pêcheurs de la wilaya qui ramènent beaucoup de sardines, et il y a aussi du poisson qui arrive depuis les ports de pêche limitrophes comme Ziamma Mansouria ou Dellys en plus de la production de la wilaya de Béjaia qui est déjà considérable. Donc ce qui rend l’offre supérieure à la demande et qui fait baisser les prix.

Et puis, il y a une autre considération, c’est en hiver, le poisson peut rester sur les étals jusqu’à 11 heures, midi voire bien plus tard, sans s’avarier alors qu’en été la vente n’est pas autorisée jusqu’à cette heure.

La sardine étant très sensible à la chaleur, elle ne peut tenir qu’une ou deux heures au maximum sur les étals, c’est pour cela que le revendeur préfère baisser les prix pour liquider sa marchandise au plus vite.

A signaler aussi qu’ici à Béjaia, durant la période estivale, c’est-à-dire du 1er mai au 1er septembre, les chalutiers sont désarmés en ce sens qu’ils ne travaillent pas, qu’il leur est interdit de pêcher à moins de 3 mille, soit 6 km des côtes ; mais ils peuvent pêcher au-delà de cette distance, c’est à dire en haute mer.

La raison de cette interdiction, selon les scientifiques en est que les chalutiers du fait qu’ils travaillent nuit et jour et qu’ils raclent le fond de la mer dérangent les poissons dans leur vie biologique et les empêchent de se reproduire.

Peut-on espérer une baisse encore plus importante dans le prix de la sardine ?

Avant de parler de la baisse du prix du poisson, il faut voir le prix de revient de ce poisson. Avant, c’est-à-dire avant 1998, un bateau de 12 mètres coûtait au maximum 9 millions de DA mais aujourd’hui ,le prix de ce même bateau varie entre un milliard et demi et deux milliards. Donc, comme vous le voyez le prix du matériel de pêche est passé du simple au double et ça influe bien sûr sur celui du poisson.

A ne pas négliger les habitudes alimentaires des citoyens qui ont changé. Avant, c’était uniquement les habitants des villes côtières qui consommaient du poisson, mais maintenant le poisson fait partie des habitudes culinaires pratiquement de tous les citoyens quel que soit leur lieu de résidence. Ce rend l’offre inférieure à la demande.

Comme quoi, si l’on a bien compris, le prix du poisson restera toujours cher…

Laissez-moi finir. Pour parer à cela, c’est-à-dire pour satisfaire la demande de poisson toujours croissante des citoyens, nous devons impérativement développer l’aquaculture qui nous permettra de répondre aux besoins en poisson de la population. Les responsables du secteur sont d’ailleurs en train de chercher et d’encourager les investisseurs à s’intéresser à ce créneau de l’aquaculture qui est très porteur. Au niveau de notre wilaya, nous avons trois opérateurs qui sont intéressés par cette activité : deux sont installés à Beni-K’sila et un à Tazeboudjt. A signaler aussi qu’il y vingt autres sites, prêts à recevoir des installations pour l’élevage aquacole. Donc par votre journal, je lance un appel aux personnes intéressées par l’aquaculture de se rapprocher de nos services, et nous serons là pour les accompagner jusqu’à la réalisation de leurs projets, c’est-à-dire de l’obtention de la concession de terrain sur 25 ans à un prix symbolique jusqu’à la subvention de l’Etat en passant par le crédit bancaire.

Revenons un peu, si vous voulez bien, à la sardine, sujet qui nous préoccupe en ce moment. Vous avez signalé tout à l’heure que beaucoup s’approvisionnent d’autres wilayas. Et d’après les consommateurs, ce poisson a un goût qui n’est pas tout à fait celui de la sardine. Parce que, toujours selon les dires des consommateurs, les intervenants, à un moment donné du circuit de distribution, pour conserver une certaine fraîcheur à la sardine, lui mettent de l’ammoniaque, ce qui n’est pas autorisé par la loi. Votre point de vue sur cet aspect.

C’est ce qui nous interpelle à être plus rigoureux dans le transport du produit de la pêche d’une wilaya à une autre. C’est pour cela que la politique du secteur de la pêche et des ressources halieutiques, c’est d’installer des halles à marées au niveau de chaque port de pêche pour contrôler la production. Ainsi tout poisson débarqué doit transiter par la halle à marée où il sera inspecté par un docteur vétérinaire. Et ce dernier doit délivrer un certificat sanitaire. Et à partir de là on pourra établir la traçabilité du produit. Ainsi pour livrer du poisson de Béjaia vers Alger, il faut qu’il y ait un certificat sanitaire délivré un docteur vétérinaire, habilité pour ce faire.

Souvent, à entendre les consommateurs, le poisson vendu en hiver, c’est-à-dire le poisson « importé » d’autres wilayas, a un goût altéré avec une forte odeur désagréable. Ce n’est que ces derniers jours que les consommateurs retrouvent enfin le goût de la véritable sardine de Béjaia. Quel est votre commentaire sur ces remarques ?

Je ne peux ni confirmer ni infirmer ces déclarations de consommateurs. Mais néanmoins, nous avons maintenant un corps d’inspecteurs de la pêche qui fera office de police de la pêche dont la mission est justement de contrôler la qualité du poisson. Nous disposons déjà de deux inspecteurs de pêche qui sont habilités à faire constatations et à dresser des PV quand ils voient qu’il y a une infraction dans la qualité du poisson ou une anomalie dans le bateau ou tout autre infraction relavant du secteur de la pêche.

Est-ce que ces inspecteurs ont déjà commencé leur travail sur le terrain ?

Les inspecteurs sont là ils sont assermentés, ils vont commencer incessamment à contrôler la qualité du poisson même dans les points de vente les plus reculés.

Concernant l’interdiction de la vente de la sardine après une certaine heure, 11 heures ou midi… Ce n’est pas clair pour le consommateur qui l’achète le plus souvent les après-midi même…

L’explication est donnée par le froid qui est développé chez nous. Il y a des camions frigorifiques, des chambres froides et des fabriques de glace qui permettent de conserver le poisson pendant longtemps dans une fraîcheur convenable. On n’est plus dans les 404 bâchées où le poisson s’avariait rapidement. Nous avons maintenant des inspecteurs de la pêche accompagnés de vétérinaires qui vont contrôler les points de vente et s’il y trouvent du poisson avarié les vétérinaire sont là pour le constater et les inspecteur sont là aussi pour verbaliser à n’importe quelle étape du circuit de commercialisation.

A propos des moyens de conservation du poisson justement comme les camions frigorifiques, les chambres froides et autres, les consommateurs des villes côtières notamment estiment qu’ils ne servent pas toujours leurs intérêts, en ce sens qu’ils permettent plutôt aux différents intervenants du circuit de commercialisation de maintenir toujours haut le prix du poisson. Votre avis sur ce point ?

Il ne faut pas incriminer le pêcheur. Si le prix du poisson est haut, c’est qu’il y a beaucoup d’intermédiaires. Donc beaucoup de marges bénéficiaires. C’est pour cela que nous insistons sur la mise en place des halles à marées. Avec l’installation des halles à marées, ce ne sera pas qui veut qui peut acheter du poisson pour le vendre. Il faut avoir un registre de commerce en bonne et due forme, il faut avoir un camion frigorifique et il faut avoir un endroit propre où vendre son poisson. Actuellement, même au chef lieu de wilaya , mais surtout dans les villes de l’intérieur, le poisson est vendu à l’air libre, dans des endroits qui ne sont pas particulièrement indiqués pour cette activité. Pour remédier à cette situation, nous sommes en train d’encourager les jeunes à faire l’acquisition de triporteurs munis de bacs frigorifiques. Nous étudions même avec l’ENSEJ et les autres institutions du même genre le moyens d’encourager les jeunes à investir dans ce créneau. Pour répondre à votre de tout à l’heure qui le vente du poisson dans les après-midi, il ne faut pas oublier que parfois, surtout en hiver ou au printemps, les chalutiers travaillent, ils débarquent leur poisson vers 13 heures ou 14 heures, c’est donc du poisson frais.

Un mot, si vous voulez en direction des consommateurs ou des pêcheurs.

Nous demandons aux consommateurs de nous aider parce que nos inspecteurs vont commencer à travailler. S’ils constatent des anomalies, ils peuvent se plaindre chez nous et nous serons là pour aller vérifier sur les lieux. Et nous demandons aux pêcheurs et aux revendeurs de respecter les inspecteurs qui vont se mettre à travailler. On n’est pas pour la répression mais pour le bien- être des consommateurs que nous sommes.

B. M.

Partager