"Si vous voulez qu'on relance le RPN, je suis prêt à me sacrifier"

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Nombreux étaient ceux qui ont bravé la chaleur caniculaire pour écouter le fils du président du HCE, assassiné en 1992. Mercredi, le public Béjaoui a encore une fois répondu favorablement à l’invitation du Café Littéraire

Après une minute de silence à la mémoire de Mohamed Boudiaf, Nacer Boudiaf entame son intervention en rendant hommage à la région. «Je suis heureux de me retrouver en Kabylie, une région qui a fasciné Boudiaf pour ses valeurs, sa générosité sa rigueur, sa rectitude, et son amour du pays».

Il enchaine en affirmant que la Kabylie était « également fascinée par Boudiaf qui a toujours été du côté des hommes et des femmes de cette région, dans les moments difficiles. Pour lui, les choses étaient claires, il n y aura pas de révolution sans la Kabylie ».

La séance coïncide avec la sortie de son livre L’Algérie avant tout ! mais l’intervenant a préféré axer sa communication principalement sur le rapport Mohamed Boudiaf – Kabylie. Faisant référence au respect de la parole donnée, valeur suprême chez les Kabyles, Nacer Boudiaf revient d’abord, sur un épisode décisif s’étant déroulé avant le déclenchement de la guerre de libération.

C’est la réunion tenue en août 1954, chez Hadi Oul-Mohamed et à laquelle étaient présents les principaux acteurs de Novembre, Boudiaf, Benboulaid, Didouche, Ben Mhidi, Bitat, Krim, Ouamrane et Zamoum (dit Si Salah), Bakouche et Hammouche. Selon l’orateur, Boudiaf avait trouvé quelques difficultés à convaincre Krim et Ouamrane de la nécessité du déclenchement de la guerre, eu égard à la parole donnée. «il s’agit en fait d’un caractère bien ancré chez le berbère, quand il donne une parole, il la respectera jusqu’au bout», explique l’intervenant. Comment justifier cela auprès des Kabyles qui, durant cette période, ont pris engagement auprès des Messalistes qui, eux, ne croyaient pas en l’urgence du déclenchement de la lutte armée ? Et comme pour insister sur cette filiation entre Boudiaf et la Kabylie, qui lui est si chère, Nacer rappelle à l’assistance un autre épisode de l’histoire de l’Algérie coloniale.

Celui du détournement de l’avion en octobre 1956. Boudiaf s’est vu, durant cet événement, enchaîné à Ait Ahmed par leur geôlier. Comme si celui-ci pressentait déjà une affinité entre eux. «Une affinité basée essentiellement sur les principes que partageaient les deux hommes», dira Nacer boudiaf. Mais les trajectoires des hommes sont souvent tributaires des aléas de l’histoire … «A l’indépendance de l’Algérie, de tout le personnel politique encore en vie, Boudiaf était le seul homme qui s’opposait au coup de force concocté par Boumediene et Ben Bella».

La phrase est lâchée avec une note d’amertume et de regret comme pour signifier que cette Algérie avait besoin, et a toujours besoin, de tous ses enfants pour que l’hydre puisse être abattu. Qu’aurait pu faire un homme seul ? Succession de hasards ou destin particulier le rattachant à sa manière à cette région, la seule coupe d’Algérie que feu Boudiaf a remise était destinée à la JSK, lors du match qui l’avait opposée à Chlef, en 1992, conclut l’intervenant. A la question de l’assistance sur ses intentions de faire de la politique, Nacer Boudiaf répond par l’affirmatif. Cette réplique se veut comme une réponse à cette nécessité de continuer un combat qui a suscité tant d’espoir chez toute une génération. Boudiaf, «est revenu parce que l’Algérie avait besoin de lui», a voulu fédérer toutes les forces du pays autour d’un projet de société dont les lignes fondatrices ne souffrent d’ aucun équivoque. Le projet, entamé après son installation à la tête du HCE, commençait à prendre forme quand l’hydre à mille têtes a frappé. «Mon père, en six mois, a créé un projet de société si vous voulez qu’on relance le RPN, je suis prêt à me sacrifier. Je suis avec vous». Un tonnerre d’applaudissements a jailli de la salle. Outre la ressemblance troublante avec le père, c’est surtout ce même sentiment de générosité que l’on ressent chez le fils, et le désir de tout donner pour sauver ce qui reste de l’Algérie, qui a galvanisé l’assistance. Sur les détails de l’assassinat, qui sont largement relatés dans le livre qu’il vient d’éditer, Boudiaf le fils, regrette l’absence de transparence quant à l’enquête menée. Une enquête qu’il qualifie de «pièce de théâtre». Il souligne par la même occasion, le fait que les services de sécurité français étaient mis au parfum. Un secret de polichinelle que l’assistance ne manquera pas de rappeler. «Sans leur aval, il ne serait pas mort» lâche t-il ! Quittant Béjaia ville pour Tazmalt, où il a été reçu par un collectif de jeunes, chapeauté par Khaled Tazaghart, Nacer Boudiaf, dans, le hall de l’APC de la ville, et devant un parterre de près d’un millier de personnes, réitère sa volonté de lever le voile sur l’assassinat de son père, avec l’apport du peuple. L’affaire Matoub et l’affaire Mcili, étant similaires sur plusieurs plans, leurs commanditaires ne doivent pas rester impunis. N. Boudiaf affiche sa volonté de se battre auprès de la population pour que justice soit faite. Il conviendrait aussi de signaler, malheureusement, l’insuffisance du nombre d’exemplaires du livre, L’Algérie avant tout ! Entre la conférence du café Littéraire et celle de Tazmalt, plus de 200 exemplaires ont été écoulés.

Nabila Guemghar

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