Vivre sous une température atteignant parfois les 45° sous les tôles, relève de la misère la plus totale.
Plus d’une trentaine de baraques et de masures en roseaux surplombent l’hôpital Krim Belkacem à Draâ El Mizan. La plupart de leurs occupants ont fui leurs villages avec l’avènement du terrorisme. « Nous avons des autorisations », nous dit un père de famille accosté devant l’une de ces habitations précaires. Et d’ajouter : « Si nous sommes ici, ce n’est guère avec gaîté de coeur, mais parce que nous avions peur pour notre vie et celle de nos enfants. Nous étions persécutés. C’était l’insécurité la plus totale ». Notre interlocuteur a un grand espoir de quitter un jour ce « trou » comme il l’appelle car, juste en contrebas, deux projets de Résorption de l’Habitat Précaire sont en cours. « Notre rêve est d’habiter sous un toit décent avec des commodités. Aujourd’hui, nous sommes comme des taupes », enchaîne-t-il. Avec ces grandes chaleurs, certains d’entre eux n’ont même pas la chance de boire une goutte d’eau fraîche. « C’est notre voisin qui nous donne des glaçons car il a un réfrigérateur », intervient une deuxième personne. Non loin de là les enfants attirent notre attention. Mal vêtus, ils courent et jouent dans la poussière. Ces petits bambins ne connaissent ni la mer ni le repos. A longueur de journée, ils font la corvée d’eau. Heureusement, le château d’eau n’est pas loin. Chacun transporte jusqu’à cinq jerricans par jour en se servant de petits bidons. C’est l’image des enfants mis en scène dans La grande maison de Mohamed Dib. « La nuit, on ne dort pas. En plus de la chaleur, des nuées de moustiques viennent nous piquer. C’est l’enfer ! », poursuit un autre interlocuteur. Ce dernier continue d’égrener toutes les misères que lui et les autres habitants du bidonville endurent en hiver et en été. « En hiver, on gèle. En été on brûle. Lorsqu’il y a un orage, on a souvent peur. Tout le monde se souvient de l’orage d’il y a deux ans. Des toitures entières avaient été arrachées. Nous nous étions réfugiés à l’intérieur de l’hôpital », nous raconte un autre intervenant. A l’intérieur de cette « cité », des eaux usées coulent partout. De loin, des odeurs nauséabondes viennent chatouiller les narines des passants. « Nous sommes habitués à tout. A quand le bout du tunnel ? », s’interroge un autre habitant. En définitive, ces citoyens ne sont pas encore sortis des ténèbres, un demi-siècle après l’indépendance acquise suite aux énormes sacrifices du peuple algérien et un million et demi de martyrs.
Amar Ouramdane