Karim Tahar, le Tino Rossi kabyle

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Par Abdennour Abdesselam :

Sa carrière de chanteur a certes été « phagocytée » pour ainsi dire par celle du boxeur professionnel qu’il a été. Dans ce domaine précis, Karim Tahar fut un responsable émérite de la ligue nationale de boxe. Ses talents de boxeur lui vaudront, plus tard, de devenir arbitre international et il dirigera en 1974 une finale internationale entre l’URSS et les Etats Unis d’Amérique. Très jeune, il quittera Béjaïa pour s’installer à Alger et précisément à Bab El Oued. La place des trois horloges sera son quartier préféré. Il cumulera également une carrière dans le monde maritime où il obtiendra le titre de commissaire de bord de navires dans les années 1970. Il prêta sa voix à la chanson française et arabe populaire. Lors d’une émission radiophonique sur les ondes de la Chaîne Deux, dans les années 80, Karim Tahar passait d’une langue à une autre, telles les tuiles se versant, une à une, cette eau musicale et vocale, splendide à l’écoute. Mais le détour par son passage dans la chanson kabyle moderne, dont il est le promoteur principal, vaut bien une messe. En effet, Karim Tahar a été le précurseur peu connu d’un tout autre nouveau genre dans la chanson kabyle moderne. Il enrichira l’orchestration, avec l’introduction de nouveaux instruments comme la basse africaine, la clarinette, la guitare espagnole, les claquettes et, surtout, le saxophone, totalement absent encore aujourd’hui dans la rythmique kabyle. Les systèmes des valses et des élancements sont son credo. C’est ce qu’il affectionne le plus. « Ini-d dacu dacu » et « Itij mi d-yecreq » resteront de véritables best-sellers de la chanson kabyle moderne, avec des mélodies qui se superposent sur les grands mouvements des vagues. Il se confessera, un jour, que Brahim Tayeb lui rendait un vibrant hommage à Alger en déclarant que : «Chanter ce n’est pas passer des nuits dans les cabarets et dans les grandes boîtes de nuit, mais ce qui compte le plus, c’est la musique quand elle est bien faite et les textes bien écrits. Le chanteur doit, avant tout, faire preuve d’un grand respect pour lui-même, d’abord, et pour son public, ensuite.». Ainsi, pour Karim Tahar, la chanson doit avoir du sens. La comparaison que nous faisons avec Tino Rossi vaut la valeur du timbre vocal mais aussi au hasard de l’appartenance à deux régions mouillées de la même eau sur les deux rives du bassin méditerranéen (la Kabylie et la Corse) qui connaissent un destin commun chargé de luttes et de revendication identitaire. Incontestablement, nous devons à Karim Tahar un hommage appuyé autrement plus apparent et surtout conséquent.

Abdennour Abdesselam ([email protected])

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